Paris, France – La baisse de la qualité du sperme en France se confirme. Elle est constatée dans quasiment toutes les régions de France métropolitaine, et apparait par ailleurs plus marquée en Aquitaine et dans la région Midi-Pyrénées, régions très agricoles, et en particulier viticoles.
Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Reproduction par une équipe de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) [1], et font par ailleurs l’objet d’un communiqué de l’Institut [1,2]
Ces nouveaux résultats correspondent au second volet d’une enquête, dont le premier volet avait été publié en décembre 2012 dans la revue Human Reproduction.
Constatant une baisse de 32,2% de la concentration spermatique sur la période 1989-2005, dans une population de 26 000 hommes grosso modo représentative de la population métropolitaine, les auteurs avaient déjà mis en cause les perturbateurs endocriniens.
D’autres facteurs avaient certes été évoqués : IMC, stress, nutrition, et même infections. Néanmoins, l’hypothèse développée était bien celle des perturbateurs. L’effet transgénérationnel de l’exposition à de très faibles doses, dont il a été montré chez l’animal qu’elles peuvent perturber le développement gonadiques in utero, était envisagé.
Baisse dans toutes les régions
Le second volet de l’étude, comme d’ailleurs le premier, a été réalisé à partir de la base de données Fivnat, qui porte sur les tentatives de PMA en France jusqu’en 2005. La base, qui constitue l’une des plus importantes dans le monde dans ce domaine, comporte 26 609 hommes, et couvre la totalité du territoire métropolitain.
On note que ces hommes étaient partenaires de femmes à la stérilité prouvée. Si le couple a eu recours à la PMA, les hommes n’avaient eux-mêmes aucune raison de présenter un spermogramme altéré par rapport à la population générale.
Les nouveaux résultats renouvellent le constat d’un déclin de la qualité moyenne du sperme en France (concentration, mobilité et morphologie des spermatozoïdes), mais apportent la précision d’une analyse région par région (21 régions métropolitaines, hors la Corse).
« Les résultats montrent que la concentration et la qualité morphologique des spermatozoïdes a baissé dans la quasi-totalité des régions », écrit l’InVS, « avec une diminution plus importante en Aquitaine et Midi-Pyrénées ».
« La mobilité spermatique, en revanche, augmente légèrement dans l’ensemble des régions à l’exception de la Bourgogne qui suit une tendance inverse ».
Enfin, en ce qui concerne la morphologie des spermatozoïdes, les morphologies normales diminuent dans la plupart des régions, avec, ici encore, des dégradations plus marquées en Aquitaine et Midi-Pyrénées. Deux exceptions cependant : la Franche-Comté et la Bretagne.
Ces similarités inter-régionales « plaident en faveur de l’intervention d’un facteur qui aurait affecté la population dans sa quasi-totalité », ajoute l’InVS, pour qui « on peut ainsi évoquer notamment un rôle de l’exposition croissante de la population aux perturbateurs endocriniens depuis les années 1950 ».
De fait, les tendances à la diminution de la concentration et de la qualité morphologique sont les plus marqués dans « des régions présentant une forte activité viticole pouvant être à l’origine d’expositions professionnelles ou environnementales aux pesticides ».
On sait en effet la viticulture fortement consommatrice d’intrants (apports chimiques).
Assaut de prudence
Avec prudence, l’InVS souligne que l’étude, purement observationnelle, ne permet pas de conclure avec certitude quant aux facteurs de cette évolution. « Elle permet toutefois de confronter les résultats observés aux différentes hypothèses existant à l’heure actuelle quant aux facteurs influençant la qualité du sperme ».
Ces hypothèses se classent en fait en deux grandes catégories : les changements de mode de vie, et l’exposition à des phénomènes environnementaux.
« Les résultats ne semblent pas en faveur de l’hypothèse du mode de vie [pour expliquer l’altération du sperme] », conclut néanmoins, un peu plus engagé, le papier publié dans Reproduction.
Références :
Le Moal J, Rolland M, Goria S et coll. Semen quality trends in French regions are consistent with a global change in environmental exposure. Reproduction 2014 ; doi: 10.1530/REP-13-0499
Tendances spatio-temporelles de la qualité du sperme en France. Communiqué de l’InVS du 27 février 2014
Citer cet article: Baisse de qualité du sperme : pesticides et viticulture montrés du doigt - Medscape - 3 mars 2014.
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