POINT DE VUE

Troubles de l’éveil des parkinsoniens : la piste de l’histamine

Dr Catherine Desmoulins

Auteurs et déclarations

28 février 2014

Paris, France – Le Pr Isabelle Arnulf, neurologue et directrice de l’unité des pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) a participé activement au développement de la nouvelle classe thérapeutique des agonistes de l’histamine pour le traitement des troubles de l’éveil du parkinsonien et plus largement des troubles de type narcolepsie.  

Medscape - Quelle est la prévalence des troubles du sommeil et de l’éveil chez le parkinsonien ?

Pr Isabelle Arnulf

Les parkinsoniens dorment mal. Beaucoup s’endorment vite mais se réveillent souvent  dans la nuit. Curieusement, on n’a jamais trouvé de corrélations entre, d’une part, le niveau de somnolence dans la journée et le temps de sommeil dans la nuit. D’autre part, le fait qu’ils aient ou pas, beaucoup de réveils, qu’ils fassent des apnées, qu’ils aient  des mouvements des jambes ou qu’ils soient très agites en sommeil paradoxal.
Dans le Parkinson, de 20 à 50% des patients, selon les séries, ont un autoscore d’Epworth > 10 (normal jusqu’à 10). Ils  s’endorment de façon inopinée, en situation passive mais aussi active comme au volant. Des attaques de sommeil brutales et sans prodrome surviennent  chez 1% à 4% des patients. Les parkinsoniens peuvent aussi avoir des endormissements directs dans le sommeil paradoxal  et ceux souffrant d’hallucinations ont souvent une plus forte somnolence de type narcolepsie (mais jamais de cataplexie).

Medscape - La piste de l’histamine est-elle prometteuse ?  A quel stade est la recherche ?

Isabelle Arnulf -L’histamine est une voix d’éveil identifiée depuis une quinzaine d’années. On a tous l’expérience de l’effet sédatif des antihistamiques  comme l’Atarax®. Depuis  quelques années, on arrive à stimuler la sécrétion d’histamine en bloquant les autorécepteurs avec un inhibiteur de la recapture.  Cette piste est étudiée sur plusieurs modèles de maladies, la narcolepsie bien sûr où il y a beaucoup de somnolence mais  aussi le Parkinson.
Le pitolisant (laboratoire Bioprojet), agoniste inverse des récepteurs H3 qui bloque la recapture d’histamine vient d’achever son essai de phase 3, dosé à 20 mg et la demande de mise sur le marché doit être en cours. C’est donc le chef de file d’une nouvelle famille de médicament parmi 17 molécules développées par d’autres laboratoires.
Dans cet essai, 268 patients ont été randomisés en double aveugle pour recevoir durant 12 semaines du pitolisant versus placebo. L’essai avait ensuite une extension en ouvert durant 9 mois pour vérifier le maintien de l’efficacité et la tolérance. Les résultats ne sont pas encore publiés.

Medscape - Quelle est l’efficacité du pitolisant ?
Le pitolisant améliore les troubles de l’éveil de la maladie Parkinson. Dans l’essai de Phase II a (recherche de doses, 0, 5, 10, 20 et 40 mg/j) menés chez 200 patients avec une échelle de somnolence d’Epworth en moyenne  à 16 (très élevée), les patients traités ont présenté une chute du score d’au moins 6 points, soit une efficacité comparable à l’effet du traitement standard de la narcolepsie (modafinil, Modiodal®). On note aussi pour certains patients un petit bénéfice moteur.
La tolérance est correcte avec des effets secondaires, principalement maux de tête et insomnie, présents chez 3% à 9 % des patients.
Le pitolosant est un stimulant qui semble prometteur pour contrer la somnolence parkinsonienne avec des bénéfices significatifs sur l’échelle d’Epworth. Il n’aggrave pas la maladie de Parkinson, l’améliore un peu chez certains patients et n’induit pas de délire ou d’effet cardiovasculaire.
Le développement du pitolisant est un bel exemple de collaboration avec les chercheurs qui ont accepté de nous aider à résoudre les problèmes des patients parkinsoniens et qui ont réussi à convaincre les industriels de tester ce produit dans la maladie de  Parkinson.

Le Pr Arnulf a déclaré des liens d’intérêt avec Bioprojet (investigateur et coordonateur d’études), UCB pharma (conseil, orateur).


Référence :

  1. Arnulf I. L’histamine un nouveau stimulant de l’éveil pour la pratique neurologique. JNLF 2013.

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