Marseille, France -- Actualisation : Les résultats de l’étude de phase II (évoquée dans l’encadré ci-dessous) visant à déterminer la dose de diurétique la plus favorable pour améliorer les symptômes de jeunes autistes viennent d’être publiés dans Translational Psychiatry [1]. L’hypothèse de départ – particulièrement originale – reposait sur l’idée qu’un taux anormalement élevé de chlore dans les neurones peut être responsable de ces troubles du comportement. Sous la houlette de Yehezkel Ben-Ari, les chercheurs ont évalué l’effet du diurétique chez 88 jeunes autistes âgés de 2 à 18 ans, subdivisés en 4 groupes pour recevoir, en aveugle, pendant 3 mois, soit du bumétanide (0,5 ; 1,0 ; 2,0 mg deux fois par jour), soit un placebo. Les résultats montrent que le score de la Childhood Autism Rating Scale (CARS), échelle de référence d’évaluation du comportement dans l’autisme infantile, a été significativement augmenté chez les 73 jeunes autistes qui ont reçu le diurétique sur toute la durée de l’étude (p=0,015), de même que deux autres scores, la Social Responsive Scale (SRS) et la Clinical Global Impressions (CGI). En résumé, la sévérité des troubles a été fortement atténuée chez de nombreux enfants, avec notamment des améliorations sur la dimension sociale et les comportements stéréotypés. Si les chercheurs n’ont pas établi clairement une relation dose-efficacité, les effets indésirables et, en particulier, l’hypokaliémie, une augmentation de l’élimination urinaire, la perte d’appétit et l’asthénie, ont, en revanche, été particulièrement corrélés aux doses de diurétique. En dépit d’un certain nombre de limites, comme le petit effectif, la durée courte de l’étude, l’exclusion de patients avec des comorbidités, les auteurs établissent que la dose de 1,0 mg de bumétanide deux fois par jour présente la balance bénéfice/risque la plus favorable. Si elle n’apporte pas LA réponse aux troubles autistiques – par ailleurs très hétérogènes –, l’étude confirme l’intérêt de la piste – décriée et peu soutenue malgré des résultats positifs sur une très petite échelle – consistant à proposer un diurétique chez certains jeunes autistes. « Clairement, cet essai doit être considéré comme une source de données sur la sécurité et la recherche de dose pour le bumétanide. Il apporte des éléments pour justifier la mise en place d’un essai européen de phase III de grande amplitude » concluent les chercheurs. SL
1.Translational Psychiatry (2017) 7, e1056; doi:10.1038/tp.2017.10; published online 14 March 2017. En accès libre ici. |
Autisme : nouveaux arguments en faveur d’un traitement précoce par diurétique
Paris, France/ 10 février 2014 — Il y a un an, une équipe française montrait l’intérêt d’un traitement par un diurétique dans le traitement des troubles autistiques. L’hypothèse reposait sur l’idée qu’un taux anormalement élevé de chlore dans les neurones peut être responsable de ces troubles du comportement. Restait cependant à le démontrer. C’est désormais chose faite dans deux modèles murins, toujours sous la houlette de l’équipe du Dr Eric Lemonnier (Brest) et celle de Yehezkel Ben-Ari à l'Inserm. Les résultats de leurs travaux expérimentaux, publiés dans la revue Science, valident l’administration d’un diurétique dans l’autisme et justifient la poursuite du programme d’essai clinique chez l’enfant et l’adolescent.[1]
Autisme |
« L’accouchement est un moment important »

Yehezkel Ben-Ari
Le chlore est-il impliqué dans l’autisme comme il l’est dans l’épilepsie et comme les effets paradoxaux du diazépam (Valium) dans cette pathologie le laisse penser ?
Pour le savoir, les chercheurs ont utilisé deux modèles animaux d’autisme - un génétique - le syndrome de l’X Fragile qui est la mutation génétique la plus fréquente liée à l’autisme - et l’autre produit par l’injection à la rate gestante de valproate de sodium- un produit connu pour générer des malformations et notamment un syndrome autistique chez les enfants.
Chez ces animaux, les chercheurs ont enregistré pour la première fois l’activité de neurones embryonnaires et des neurones immédiatement après la naissance afin d’observer les modifications de taux de chlore. Observation importante : la chute du taux de chlore qui s’opère à la naissance chez les animaux du groupe contrôle est absente dans les deux modèles de souris, avec un taux en chlore qui reste le même avant et après l’accouchement. Pour confirmer cet effet, les chercheurs ont administré un traitement diurétique à la mère (dans les deux modèles animaux) pendant 24 h peu avant la mise bas.
Résultat : la chute de la concentration en chlore est rétablie dans les neurones plusieurs semaines après le traitement unique pendant la naissance et « corrige » le comportement autistique des souris adultes qui, de ce fait, ne présentent pas de complications cérébrales. Conclusion : d’une part, « les taux de chlore pendant l’accouchement sont déterminants dans l’apparition du syndrome autistique », d’autre part « ces résultats valident l’hypothèse de travail qui nous a amené au traitement mis au point en 2012 » considère Yehezkel Ben-Ari.
L’ocytocine joue un rôle crucial
Le rôle de l’ocytocine, hormone de l’accouchement, est de mieux en mieux connu. « L’ocytocine agit comme un véritable chef d’orchestre qui déclenche le travail, a des effets protecteurs et même des propriétés analgésiques » déclare le chercheur. Dans cette étude, l’équipe a testé l’effet d’un antagoniste de l’ocytocine chez les souris gestantes et montré qu’il reproduit chez la descendance la totalité du syndrome autistique, à la fois sur les aspects électriques et comportementaux. De fait, l’ocytocine agit comme le diurétique via la baisse de la concentration en chlore et son action est cruciale au moment de l’accouchement. « C’est la première fois que l’on démontre qu’un phénomène se déroulant pendant l’accouchement a une action plusieurs semaines plus tard » affirme Yehezkel Ben-Ari.
Les implications de ce travail sont multiples. D’un point de vue épidémiologique, ces résultats auraient tendance à conforter les données (encore controversées) tendant à montrer que les césariennes programmées (de même que la prématurité) pourraient accroître l’incidence de l’autisme.
D’un point de vue physiopathologique, on peut aussi penser que ce traitement par diurétique puisse fonctionner dans d’autres maladies neurologiques, comme la trisomie 21 ou la schizophrénie, dans lesquelles sont retrouvées des anomalies de la concentration neuronale en chlore.
Un espoir pour les patients ?
Sans être miraculeux, le traitement par diurétique améliore le comportement des jeunes patients dans 75% des cas. Un résultat pour le moins encourageant dans une pathologie où la prise en charge reste compliquée et controversée. Ces travaux sont porteurs d’espoir quant à une meilleure compréhension des mécanismes autistiques et de leur traitement. « Dans le futur, on peut espérer qu’un diagnostic précoce couplé à des approches comportementales et un traitement type bumétanide puisse beaucoup aider les patients. A condition toutefois de commencer tôt. L’idéal serait aussi de mettre au point une molécule avec les mêmes effets diurétiques que le bumétanide (diurétique de l’anse, Burinex®), mais qui passe mieux la barrière hémato-encéphalique afin de diminuer les doses » suggère Yehezkel Ben-Ari.
Et chez l'enfant ? |
Ce travail a été réalisé par les chercheurs de l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed) et de la société Neurochlore, créée par Yehezkel Ben-Ari et Eric Lemonnier pour développer ses travaux. Les financements proviennent essentiellement de fonds américains. |
Référence :
Tyzio R, Nardou R, Ferrari DC et al. Oxytocin mediated GABA inhibition during delivery attenuates autism pathogenesis in rodent offspring. Science, 7 février 2014, http://dx.doi.org/10.1126/science.1247190
Citer cet article: Autisme : résultats du traitement par diurétique chez l’enfant - Medscape - 15 mars 2017.
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