Plan Cancer 3 : plus de dépistages, moins d’hôpital et droit à l’oubli

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

5 février 2014

Paris, France – Depuis Jacques Chirac, les présidents de la République française qui se sont succédés ont tous tenu à marquer leur empreinte en signant un plan Cancer, grande réussite, enviée par nos voisins européens, de la lutte contre ce fléau. Le cancer est la première cause de mortalité, avec 148 000 décès chaque année, tandis que 355 000 personnes font l’objet d’un diagnostic de cancer chaque année.

Axé sur la prévention, le premier recours et la démocratie sanitaire

Si le premier plan Cancer avait porté son attention, entre autres, sur l’addictologie et l’imagerie médicale, le second avait fait la part belle à la recherche, la réduction des inégalités, et la préparation de la vie après le cancer.
Le plan Cancer 3, présenté ce 4 février par François Hollande, l’Institut national du cancer (Inca), s’inscrit dans la juste continuité des deux précédents plans [1]. A ceci près qu’il suit aussi, dans ses grandes lignes, la stratégie nationale de santé, soit la politique de santé du gouvernement qui se fixe pour objectif de remodeler le paysage sanitaire en dix ans. En s’appuyant sur trois piliers : prévention, premier recours, démocratie sanitaire.

Plan Cancer 2014-2019

Ce Plan devrait mobiliser 1,5 milliard d’euros (dont la moitié devrait financer les nouvelles mesures), alors que les deux Plans précédents étaient accompagnés, chacun, d’une enveloppe d’environ 700 millions d’euros. Mais, si l’on considère que 750 millions de ce nouveau Plan sont destinés aux nouvelles mesures, alors les ambitions financières sont identiques aux deux Plans précédents.
Alors que le précédent Plan comprenait 30 mesures, celui-ci se fixe 17 objectifs, regroupés en quatre grandes priorités : guérir plus de personnes malades, préserver la qualité de vie, investir dans la prévention et la recherche, optimiser le pilotage des organisations de lutte contre le cancer.

« Nous sommes très satisfaits des avancées que nous avons obtenues. Parmi les points forts, l'Etat veut, de nouveau, s'engager dans la lutte contre le tabagisme et la prévention, c'est un tournant. Il y a aussi le droit à l'oubli qui va faciliter l'obtention d'assurances pour les patients guéris d'un cancer. C'est une énorme avancée. Enfin, il y a une généralisation du dépistage du cancer du col de l'utérus qui est un des cancers les plus inégalitaires car seules les femmes à revenus importants vont chez le gynécologue se faire dépister. Globalement, il y a beaucoup d'avancées contre les inégalités », a commenté le Pr Agnes Buzyn (Présidente de l'INCA) pour Medscape France.

Renforcer les diagnostics précoces

Dans le cadre de la prévention, le nouveau Plan Cancer envisage donc de renforcer les diagnostics précoces, en ciblant plus particulièrement le cancer du col de l’utérus : le plan de dépistage de ce cancer devrait concerner toutes les femmes âgées de 25 à 65 ans.
Faisant fi de l’actuelle polémique sur la dangerosité du vaccin Gardasil® contre le col de l’utérus, ce Plan prévoit également d’élargir pour les jeunes filles les possibilités de vaccination contre les principaux virus responsables de ce cancer.
La surveillance des personnes présentant un risque aggravé devrait être renforcée, et de nouvelles opportunités de diagnostic précoce, comme le dépistage du cancer du poumon par scanner à faible doses, devrait être testées.
Autre axe de développement de la prévention : le lancement du programme national de réduction du tabagisme, responsable de 30% des décès par cancer. L’objectif est de diminuer d’un tiers la prévalence du tabagisme et d’atteindre 22% de fumeurs d’ici 2019.
A signaler : le montant du remboursement annuel du forfait de sevrage tabagique sera triplé passant de 50 à 150 euros pour trois populations particulièrement exposées et souhaitant s’arrêter de fumer : les jeunes de 20 ans à 30 ans; les bénéficiaires de la CMU; les patients atteints de cancer.
Des mesures de prévention sont également prises quant à la consommation d’alcool : interdiction de vente de boissons alcooliques aux mineurs et renforcement des cures de désintoxication au programme. La prévention passe également par une attention accrue aux conditions de travail, ou à l’environnement.

Droit à l’oubli

La démocratie sanitaire, l’un des piliers de la stratégie nationale de santé (SNS), est déclinée dans le Plan Cancer 3.  Ainsi, « l’implication des représentants des usagers et des personnes malades sera généralisée dans les instances de pilotage, de gestion ou de production de soins ou de recherche ». Le confort de vie du patient est aussi au cœur de ce Plan.
Point fort: l’accès à l’assurance et au crédit des personnes qui ont eu un cancer devrait être facilité grâce à la généralisation du droit à l’oubli, en priorité pour les enfants et les adolescents.
L’attribution des indemnités journalières sera facilitée. Il est également prévu une réduction du reste à charge pour les reconstructions mammaires, et la revalorisation du tarif de remboursement des prothèses capillaires, et mammaires.

Favoriser les alternatives à l’hospitalisation

Originalité de ce plan Cancer, il met l’accent sur les alternatives à l’hospitalisation, en exploitant les dernières innovations organisationnelles ou thérapeutiques.
Dans un premier temps, la communication entre les équipes hospitalières et les professionnels de santé libéraux devra faire un bond en avant qualitatif, grâce à la mise en place du Dossier Communicant de Cancérologie (DCC) d’ici 2015.
Deuxième temps, « les établissements seront incités à investir dans des techniques permettant des désescalades thérapeutiques au bénéfice de la qualité de vie des patients ». Pour « casser » l’hospitalo-centrisme, le Plan Cancer 3 privilégie le parcours de soins.
A cette fin, est annoncée la reconnaissance du métier d’infirmièr(e) clinicien(ne), dont l’une des taches sera la coordination du parcours de santé.
Aussi, en consultation de fin de traitement, l’équipe de premier recours devrait prendre le pas sur l’équipe hospitalière, de manière plus tranchée que ce qui se pratique actuellement. Les prises en charge hors de l’hôpital étant de plus en plus fréquentes, l’accès aux aides à domicile sera simplifié.
Les évolutions thérapeutiques permettront également un désinvestissement hospitalier. « En 2015, la proportion de traitements anticancéreux pris par voie orale devrait atteindre 25 à 30 % », énonce les auteurs du Plan Cancer 3.
Pour accompagner l’essor des chimiothérapies orales, l’équipe de premier recours, en particulier le médecin généraliste, devra jouer un rôle prédominant. La chirurgie ambulatoire, qui permet la sortie de l’établissement le jour même de l’opération, sera aussi encouragée. Enfin, pour s’adapter aux nouvelles formes de suivi extra-hospitalier, de nouvelles formes de financement devront être étudiées.

Doubler le nombre de personnes inclus dans les essais

Pour promouvoir la recherche, le Plan Cancer 3 prévoit de doubler le nombre de patients inclus dans les essais thérapeutiques, soit 50 000 personnes par an en 2019.
Pour conforter l’avance de la France en matière de médecine personnalisée, le nouveau Plan prévoit aussi le séquençage de tumeurs de 50 000 patients par an d’ici 2019.
« Une plateforme nationale dédiée à la génomique et à l’analyse des données du cancer sera créée afin d’alimenter la recherche », est-il annoncé. En matière de recherche fondamentale sur le cancer, 50% de la totalité des crédits recherche lui seront attribués.

Pilotage : l’Inca en première ligne

Au plan national, le pilotage technique est confié à l’Institut national du Cancer, et le pilotage stratégique aux ministères de la santé et de la recherche.
Au plan régional, les Agences régionales de santé (ARS) joueront un rôle de premier plan, appuyées par les réseaux régionaux de cancérologie.
Pour parvenir à un meilleur pilotage, il est également prévu d’apparier les différentes bases de données dans le domaine du cancer, avec les bases de données de l’assurance maladie (Sniiram, PMSI), et celles du champ socio-économique (Insee, Caisse nationale d’assurance vieillesse notamment).

Référence :

  1. Présentation du Plan Cancer n°3 par le président François Hollande, le 05 février 2014.

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