Los Angeles, Etats-Unis--L’injection de cellules souches mésenchymateuses (CSM) dans le ménisque après une chirurgie du genou est bien tolérée, soulage des douleurs arthrosiques et pourrait faciliter la régénération du ménisque, selon les résultats d’une petite étude publiée dans l’édition du 15 janvier du Journal of Bone and Joint Surgery [1]. Toutefois,certains experts s’interrogent sur l’intérêt clinique de cette approche.
Les auteurs, le Dr C. Thomas Vangsness Jr et coll. (Keck School of Medicine, University of Southern California, Los Angeles, Etats-Unis) rappellent qu’au moins un million de personnes font une arthroplastie du genou tous les ans aux Etats-Unis avec un taux d’échec de 20 à 24%. En outre, la méniscectomie latérale partielle augmente d’un facteur 10 à 20 le risque de développer une arthrose dans les mois ou les années qui suivent la chirurgie. La chirurgie réparatrice est limitée et inclus des allogreffes ou l’implantation d’une matrice (non disponibles aux Etats-Unis).
Les cellules souches mésenchymateuses sont parmi les cellules souches les mieux étudiées et des travaux chez l’animal ont montré qu’elles stimulaient la régénération du ménisque.
Les cellules se divisent pour donner des cellules qui se différencient en tissu conjonctif. Les cellules souches mésenchymateuses ont aussi des effets anti-inflammatoires et immunomodulateurs.
Une étude contrôlée, randomisée, en double aveugle
Pour l’ensemble de ces raisons, les chercheurs californiens ont mené une étude contrôlée, en double aveugle, de phase I/II pour tester l’intérêt d’une injection de cellules souches mésenchymateuses pour soulager la douleur et régénérer le cartilage après une méniscectomie.
En tout, 55 patients de 18 à 60 ans ayant subi une méniscectomie médiane partielle ont été randomisés pour recevoir, 7 à 10 jours après la chirurgie :
- une injection unique dans le genou de 50 millions de CSM (groupe A, n=18)
- une injection unique de 150 millions de CSM (groupe B, n=18)
- une injection d’acide hyaluronique (groupe contrôle)
Osiris Therapeutics a financé l’étude et fourni les CSM provenant de la moelle osseuse de volontaires sains âgés de 18 à 30 ans.
Les chercheurs ont utilisé l’imagerie par résonnance magnétique pour évaluer la sécurité de la technique, la régénération du ménisque et la condition générale de l’articulation à 6 semaines, 6 mois, un an et deux ans. Les participants ont évalué leur douleur et le fonctionnement de leur genou grâce à une échelle visuelle analogue (EVA) et à l’échelle de Lysholm.
Un traitement bien toléré
Le traitement est bien toléré. Aucun tissu ectopique ne s’est formé.
Le volume du ménisque a augmenté de plus de 15% chez 4 (24%) des 17 patients du groupe A (faible dose) et chez 1 (6%) des 18 patients du groupe B à un an (p=0,022). L’augmentation du volume n’était pas statistiquement significative à 2 ans. Elle ne persistait que chez 3 patients du groupe A. Le volume du ménisque n’a pas dépassé le seuil des 15% chez les patients du groupe contrôle.
Des résultats encourageants sur la douleur
Parmi les patients souffrant d’une gonarthrose, ceux qui ont reçu des CSM ont rapporté un soulagement de leur douleur plus important que ceux du groupe contrôle. A l’entrée dans l’étude, 7 patients du groupe contrôle, 11 patients du groupe A et 12 patients du groupe B souffraient de gonarthrose. L’intensité de leurs douleurs aux genoux était similaire.
Sur l’échelle visuelle analogique de la douleur de 100 mm, l’amélioration moyenne était de18,8 mm à six semaines et de 27,3 mm à deux ans dans le groupe A. Une augmentation comparable a été observée dans le groupe B : 14,6 mm et 24,1 mm respectivement.
Les chercheurs notent qu’ils observent « de fortes tendances ou des différences significatives » à deux ans pour le groupe A (p=0,05) comparé au groupe contrôle et à 1 ans (p=0,08) et 2 ans (p=0,04) pour le groupe B.
L’intérêt clinique en question ?
Parmi les limites de l’étude, on note que l’interprétation des IRM a pu différer en fonction des diverses institutions et les pourcentages variables de patients souffrant d’une gonarthrose dans les trois groupes.
D’autres investigations seront donc nécessaires pour déterminer si des doses plus élevées de CSM ou des injections supplémentaires peuvent apporter un bénéfice.
Dans un commentaire accompagnant l’article, le Dr Henry B. Ellis (Texas Scottish Rite Hospital for Children, Dallas, Etats-Unis) note que la petite taille des groupes est problématique, notamment celle du groupe contrôle, et que dans ce dernier groupe, les patients étaient moins nombreux à avoir une arthrose du genou [2].
Il ajoute que cette approche pourrait ne pas être utile à grand monde. Sur les 35 patients qui ont reçu les SCM, seules 5 (14%) à un an et 3 (9%) à deux ans ont vu le volume de leur ménisque augmenter.
« Même si les auteurs mettent en évidence une différence statistiquement significative, cela démontre-t-il vraiment un bénéfice clinique ? », s’interroge le Dr Ellis. Selon l’éditorialiste, il existe bien des preuves d’un intérêt sur la douleur mais pas d’une régénération suffisante pour un assez grand nombre de patients pour démontrer un intérêt clinique.
Osiris Therapeutics a financé l'étude. Les auteurs et l'éditorialiste n'ont pas déclaré de liens d'intérêts en rapport avec le sujet. |
Références :
Vangsness CT Jr, Farr J 2nd, Boyd J, Dellaero DT, Mills CR, Leroux-Williams M. Adult Human Mesenchymal Stem Cells Delivered via Intra-Articular Injection to the Knee Following Partial Medial Meniscectomy: A Randomized, Double-Blind, Controlled Study. J Bone Joint Surg Am. 2014 Jan 15;96(2):90-8. doi: 10.2106/JBJS.M.00058.
Ellis HB. Can a Meniscus Really Regenerate So Easily? A Level-I Study Says It Can But Not for Everyone: Commentary on an article by C. Thomas Vangsness Jr., MD, et al.: "Adult Human Mesenchymal Stem Cells Delivered via Intra-Articular Injection to the Knee Following Partial Medial Meniscectomy: A Randomized, Double-Blind, Controlled Study". J Bone Joint Surg Am. 2014 Jan 15;96(2):e14. doi: 10.2106/JBJS.M.01330. No abstract available.
Citer cet article: Injection de cellules souches après méniscectomie : un effet protecteur ? - Medscape - 30 janv 2014.
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