Cas clinique : traumatisme du genou chez une skieuse professionnelle

Dr Laurent Nicolaon

Auteurs et déclarations

30 janvier 2014

Réponse : E
Chez un sportif de haut niveau le traitement d’une rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est chirurgical. La plastie du LCA étant réalisée quelques jours après l’accident. La reprise du sport en compétition a lieu 6 mois après l’intervention, temps nécessaire pour que la greffe acquière une solidité suffisante.

L’IRM est demandée et confirmera le diagnostic de rupture du ligament croisé antérieur. Une ligamentoplastie du LCA sera réalisée dans les jours qui suivent le traumatisme.

Discussion

La rupture du ligament croisé antérieur est une lésion très fréquente lors des accidents de ski en France. On dénombre 15 000 ruptures du LCA par an, secondaires à un traumatisme du genou au ski. À titre d’exemple, pendant la saison 2004/2005 en équipe de France de ski, 60 blessures ont été recensées toutes disciplines confondues sur un total de 210 athlètes.
Le diagnostic repose d’abord sur l’examen clinique et une radio standard qui permet d’éliminer une fracture et parfois de poser ou d’orienter le diagnostic.
L’examen clinique devant un genou traumatique doit être rigoureux et systématique afin de ne pas passer à côté de lésions nécessitant un traitement dans les jours qui suivent le traumatisme ; par exemple une fracture du plateau tibial, une entorse grave pluri-ligamentaire.

1) Évaluation de la mobilité passive par rapport au genou controlatéral

Un flessum non réductible doit faire éliminer une anse de sceau méniscale luxée.
Une augmentation du récurvatum est le signe d’une lésion des coques condyliennes, et donc très probablement d’une lésion pluri-ligamentaire qui nécessitera un traitement chirurgical en urgence différé.

2) Évaluation de la mobilité active

L’impossibilité de réaliser une extension active du genou (associée à une ascension de la rotule) fait poser le diagnostic de rupture du tendon rotulien.

3) Recherche d'une hémarthrose 

À l’inspection, on recherche une hémarthrose : comblement du cul de sac supérieur et un choc rotulien à la palpation. L’hémarthrose apparaît dans les 2 heures qui suivent le traumatisme. Les principales causes d’hémarthrose sont les fractures articulaires, les ruptures ligamentaires (en particulier du LCA), les fractures ostéochondrales et la luxation de rotule. La présence d’une hémarthrose impose donc un bilan radiologique standard pour éliminer une fracture.

4) Testing du ligament croisé du genou antérieur

• Recherche de tiroir antérieur à 20° de flexion (Test de Lackman – voir vidéo ci-dessous).

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Le genou fléchi à 20°, ce qui permet de détendre les ischio-jambiers. Une main fixe la partie inférieure de la cuisse, l’autre tient la partie supérieure de la jambe. L’examinateur réalise alors une traction vers l’avant sur le segment jambier (flèche bleue) tout en immobilisant la cuisse. On note l’absence ou la présence d’une translation antérieure du tibia, ainsi que la nature de l’arrêt du déplacement, mou ou dur. Cet examen est comparatif.
La présence d’un tiroir antérieur avec un arrêt mou est pathognomonique de rupture du ligament croisé antérieur.

La présence d’un ressaut rotatoire en rotation interne est, elle aussi, pathognomonique de rupture du ligament croisé antérieur. Il est difficilement testable en urgence du faite de la douleur. Il reproduit la sensation que le patient éprouve lorsque son genou se dérobe dans l’instabilité chronique.
On place le pied en rotation interne, le genou en valgus puis on passe de l’extension à la flexion du genou. Il se produit alors une avancée automatique du tibia par rapport au fémur qui est contrôlée par le LCA, ce qui permet à cette translation du tibia de se faire de façon progressive et harmonieuse. En cas de rupture du LCA, cette avancée n'est plus contrôlée, et il se produit alors un ressaut, à environ 20° de flexion, qui correspond à la subluxation brutale du plateau tibial latéral par rapport au condyle fémoral latéral (avancée brutale du tibia).   

5) Testing du ligament croisé postérieur

• Recherche de tiroir postérieur à 90°

Le genou du patient est fléchi à 90°. Le pied du patient est alors callé sous la fesse de l’examinateur, qui exerce alors une poussée vers l’arrière sur le tibia.

6) Recherche de laxité latérale dans le plan frontal en extension (recherche d’une lésion des coques condyliennes)

Genou en extension, il n’existe physiologiquement pas de laxité latérale du genou lors des mouvements de valgus et varus.
La présence d’une laxité latérale en extension signe une lésion des coques condyliennes.

7) Recherche de laxité latérale à 20° de flexion
À 20° de flexion, les coques condyliennes sont détendues. Une laxité en varus fait poser le diagnostic d’une lésion ligament latérale externe (LLE). Une laxité en varus fait poser le diagnostic de rupture du ligament latérale interne (LLI).


8) Recherche de lésion méniscale

Les tests méniscaux ont tous en commun d’être peu spécifiques.
Un des plus simples à réaliser est le Grinding test. Chez un patient en décubitus ventral, on réalise une compression en rotation externe et en rotation interne. Une douleur signe une lésion méniscale interne ou externe. Il faut réaliser à nouveau les mêmes rotations sans compression qui ne s’accompagnent pas de douleur, sauf s’il existe une lésion ligamentaire périphérique.

9) Rechercher des complications vasculaires
On recherchera des complications vasculaires notament en cas de luxation du genoux : palpations des pouls et temps de recoloration cutanée. Rechercher des complications neurologiques notament une paralysie du nerf sciatique poplité externe en cas d’entorse grave du LLE.

Une fois l’examen clinique réalisé, il faut effectuer un bilan radiologique standard. Les radios standards restent fondamentales, car elles sont facilement disponibles en urgence, contrairement à l’IRM. Il est regrettable de faire le diagnostic de fracture du plateau tibial avec une IRM à 3 semaines !

Ce bilan permettra d’éliminer une fracture du plateau tibial ou du fémur, et recherchera :

• une fracture de Segond pathognomonique de rupture du ligament croisé antérieur
• un arrachement des épines tibiales qui sont les zones d’insertion des ligaments croisés sur le tibia.
• une impaction des condyles fémoraux



Enfin, l’IRM sera réalisée en urgence en cas d’entorse grave pluri-ligamentaire ou chez un sportif professionnel. Elle permettra de faire le diagnostic des lésions ligamentaires et méniscales.

Conclusion

La rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est une lésion très fréquente après un traumatisme du genou au ski. Son diagnostic est avant tout clinique, le tiroir antérieur et le ressaut rotatoire étant pathognomoniques de la rupture du LCA. L’examen clinique doit s’attacher à rechercher des lésions ligamentaires ou méniscales associées dont l’association avec une rupture du LCA peut nécessiter un traitement chirurgical en urgence.
La radiographie standard est indispensable après un traumatisme du genou avec hémarthrose pour éliminer une fracture du tibia ou du fémur.
Rappelons enfin qu’un genou traumatique peut être difficile à examiner en urgence. Dans ce cas, une attelle rigide et un traitement antalgique seront prescrits, et le patient réadressé à un chirurgien 8 jours après le traumatisme.

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