Paris, France – En Amérique du Nord comme en Europe, l’indication du TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) est déterminée par le risque opératoire des patients. L’intervention chirurgicale reste le « gold standard » chez les patients à risque faible ou intermédiaire, la stratégie interventionnelle étant réservée aux patients inopérables ou à haut risque, après discussion en équipe médico-chirurgicale (la fameuse « heart team »). Et pourtant, la question des patients à risque intermédiaire devient « brûlante », selon le mot du Pr Hélène Eltchaninoff (CHU de Rouen), qui commentait les résultats du registre FRANCE 2 lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie [1].

A la prudence des indications s’oppose de manière quasi frontale la demande des patients en faveur d’une intervention moins invasive. Mais l’évolution des pratiques elle-même place ces recommandations un peu en porte-à-faux. Une étude européenne publiée en 2012, et portant sur la période 2007-2010, montre ainsi une nette tendance à la réduction de l’âge moyen des patients sur cette période (de 81 ans à 78 ans), ainsi qu’à la réduction de l’Euroscore (de 25 à 17%) et du score STS (de 7 à 4%) [2].
Et naturellement, les choses ont continué de progresser depuis 2012.
D’une part avec ce que le Pr Eltchaninoff qualifie « d’explosion » du nombre d’implantation de valves en Europe. « La technique prend de plus en plus de place », estime-t-elle. Et par conséquent, les problèmes d’indication qu’elle soulève, aussi.
D’autre part, avec les « nombreuses améliorations techniques apportées depuis les débuts », et l’allongement du recul dont on dispose. « On dispose maintenant d’un recul maximum de 8 ans », précise le Pr Eltchaninoff, « et les cas de dégénérescence de TAVI sont anecdotiques ».
La part laissée à l’appréciation des médecins
En fait, les sociétés savantes qui, des deux côtés de l’Atlantique, ont émis des recommandations, ont pris bien soin de ne pas fermer complètement la porte. Les cas de contre-indication chirurgicale, comme l’aorte-porcelaine, l’irradiation du thorax ou la dysfonction cognitive, sont connus. « Un patient récusé par le chirurgien ne pose pas de problème », résume le Pr Eltchaninoff.
La définition du haut risque est déjà plus délicate : « le haut risque, c’est quoi ? », demande-t-elle.
Parce qu’il fallait bien donner des seuils, les diverses recommandations se basent sur un Euroscore de 20%, et/ou un score STS de 10%. Mais, et là encore de manière très consensuelle, toutes les recommandations soulignent bien qu’il n’y a de décision qu’individuelle, et en appellent in fine au jugement clinique de la heart team.
Cette réserve tient beaucoup à l’insuffisance de l’Euroscore et du score STS, qui est de notoriété publique. Des tentatives sont d’ailleurs en cours pour établir un score plus spécifique du TAVI.
Les patients de FRANCE 2 Le registre français des TAVI FRANCE 2 comporte 1750 patients (45%) ayant subi l'intervention alors qu'ils présentaient un Euroscore > 20%, 1334 patients (34%) implantés avec un Euroscore compris entre 10 et 20%, et 831 (21%) patients implantés avec un Euroscore < 10%. Chez ces derniers, on compte 11,7% de contre-indication à la canulation de l'aorte, 11% d'aortes porcelaine, 10,1% d'antécédents de radiothérapie du thorax, 9,3% de thorax hostile, et 12% de refus de la chirurgie par le patient. Ce sont ces contre-indications, qui ne sont pas capturées par l'Euroscore, qui sont laissées à l'appréciation de la heart team. Dans les trois catégories de patients, les mortalités à 1 mois sont de 12%, 7,6% et 7,3% respectivement, et les mortalités à 1 an, de 29,1%, 20,4% et 19,1%. On note que la mortalité de 19,1% dans le groupe dont l'Euroscore était inférieur à 10%, reste très supérieure aux quelques 3% de mortalité à 1 an enregistrés avec la chirurgie. Il fait néanmoins rappeler qu'en dépit de l'Euroscore faible, les patients inclus dans FRANCE 2 étaient à haut risque opératoire. Ces résultats montrent donc d'une part que la mortalité diminue avec le score de risque opératoire, et d'autre part que les mortalités associée aux faibles score de risque (<10%) et au risque intermédiaire (10-20%), sont voisines. |
En attendant SURTAVI et PARTNER 2
Même si, intervenant dans la même session que le Pr Eltchaninoff, le Pr Eric van Belle (CHRU de Lille) a rappelé que l’on peut faire « de l’excellente recherche à partir des registres », il faudra finalement des résultats d’études randomisées pour clarifier la situation.
Deux grandes études sont en cours chez des patients à risque intermédiaire, SURTAVI, menée en Europe avec la CoreValve™, et PARTNER 2, menée aux Etats-Unis avec la valve Edwards™.
Ces études sont basées sur des critères durs : mortalité et AVC. « Si les taux de mortalité et d’AVC sont identiques, et si le patient manifeste sa préférence pour la procédure la moins invasive, il faudra retenir le TAVI dans le risque intermédiaire », indique le Pr Eltchaninoff.
Les premiers résultats de ces études ne sont toutefois pas attendus avant 2015.
Le Pr Eltchaninoff a déclaré des liens d'intérêt avec Edwards Lifesciences. |
Liens
La pénétration du TAVI en France inférieure à la moyenne européenne
PARTNER A à 3 ans: TAVI et chirurgie font toujours jeu égal
Le développement du TAVI vu par Alain Cribier
TAVI chez les patients âgés à bas risque chirurgical : pour ou contre
Nouvelles recommandations ESC / EACTS 2012 sur les valvulopathies
Les 10 ans du TAVI à l'hôpital Charles Nicolle de Rouen avec les Prs Cribier et Eltchaninoff
Publication du registre FRANCE 2, registre français des TAVI dans le NEJM
TAVI chez les patients à bas risque
Citer cet article: Le TAVI toujours en suspens dans le risque opératoire intermédiaire - Medscape - 16 janv 2014.
Commenter