Paris, France – Les laboratoires Medtronic, sponsor de SYMPLICITY HTN-3, et propriétaire de la technique évaluée dans l’étude (Symplicity™), ont annoncé que l’objectif principal, c’est-à-dire la baisse de 15 mm Hg de la PAS six mois après dénervation rénale, n’a pas été atteint. Les détails de l’étude, non encore publiée, ne sont pas connus. Mais l’information est importante. « L’avenir de la technique parait relativement compromis », estime le Dr François Diévart (Dunkerque), à qui Medscape France a demandé ses commentaires.
Medscape France - En quoi l’échec de SYMPLICITY HTN-3 fait-il date ?

Dr François Diévart – Cet essai, demandé par la FDA pour l’enregistrement de la technique de dénervation rénale aux Etats-Unis, est le plus important actuellement effectué de par la taille de la population enrôlée : 535 patients. Par ailleurs, les patients ont tous eu une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), et ont reçu un traitement adapté en continu. Enfin, et surtout, il a été effectué avec une procédure dite sham (simulacre ou simulation), c’est-à-dire qu’il y a eu un groupe contrôle chez lequel une angiographie artérielle rénale a été effectuée en laissant penser aux patients qu’ils avaient eu la procédure de dénervation.
L’étude SYMPLICITY HTN- 1 était, elle, une étude de faisabilité, sans groupe contrôle. Quant à SYMPLICITY HTN-2, elle comportait bien un groupe contrôle, mais n’avait pas été menée en aveugle. Par ailleurs, une MAPA n’avait pas été faite systématiquement à tous les patients. Dans ces conditions, il est difficile de dire, dans l’effet observé (la diminution de pression artérielle) ce qui revient en propre à la technique utilisée et à d’autres facteurs influençant le critère observé : effet placebo, qualité de la mesure, référence de la mesure, régression à la moyenne (*)…
SYMPLICITY HTN-3 vient donc confirmer une fois encore l’importance d’un contrôle dans les études. Ce problème n’est pas nouveau. C’est par exemple grâce à une procédure sham qu’a été montrée, en 1959, l’absence d’intérêt de la ligature des deux artères mammaires internes dans le traitement de l’angor.
Plus récemment, le scénario s’est répété avec certaines thérapies géniques de la maladie de Parkinson. Naturellement, le recours à une procédure sham comporte un questionnement éthique, puisqu’il y a effraction cutanée. Mais le problème éthique n’est-il pas plus important lorsqu’en n’utilisant aucun contrôle, on envisage qu’un traitement est bénéfique alors qu’il pourrait ne pas l’être, voire être délétère ?
Quel peuvent être les conséquences de l’échec de la dénervation dans SYMPLICITY HTN-3 pour les autres essais en cours ?
De nombreux essais de dénervation rénale sont actuellement en cours. Plusieurs sont effectués dans divers pays dont la France (étude DENER HTN), et d’autres sont conduits par Medtronic. Dès que les résultats détaillés de SYMPLICITY HTN-3 seront publiés, chaque équipe investigatrice et chaque sponsor va devoir juger de la possibilité et de l’utilité de poursuivre ces essais.
Pour sa part, Medtronic signale avoir décidé l’interruption du recrutement dans les trois pays où des essais cliniques sont en cours pour approbation réglementaire (SYMPLICITY HTN-4 aux Etats-Unis, HTN-Japan et HTN-India), et attendre les recommandations que doit formuler un panel d’experts sur le devenir du programme mondial d’essais cliniques, et sur le maintien de l’accès des médecins et des patients à la technologie Symplicity™ dans les pays qui ont délivré les approbations réglementaires.
On note enfin que les données disponibles avant SYMPLICITY HTN-3 suggéraient un réel bénéfice tensionnel chez certains patients. Il est possible que pour valider l’effet dans ces sous-groupes, des études avec groupe Sham deviennent exigibles.
L’engouement pour la technique n’a-t-il pas été un peu rapide – de même que le marquage CE, d’ailleurs ?
En l’absence de groupe contrôle, les données ne constituent pas des preuves d’efficacité mais une simple indication qu’il pourrait y avoir un effet. Mais cette limite est parfois difficile à reconnaitre. C’est un des enseignements de la psychologie sociale que d’avoir montré la difficulté à développer un raisonnement scientifique, alors qu’il est plus facile de se fier à des croyances et à des données personnellement observables. Kahneman et Tversky définissent ces modes de raisonnement comme l’utilisation d’heuristiques, aboutissant à des solutions fausses du point de vue scientifique.
Par ailleurs, s’agissant du marquage CE, il faut rappeler qu’il ne constitue aucunement la preuve d’un bénéfice thérapeutique, et résulte strictement d’une procédure visant à ouvrir à un produit le droit de libre circulation sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne.
La procédure elle-même impose au fabricant de réaliser ou de faire réaliser, des contrôles et essais qui assurent notamment la qualité de la fabrication, la qualité du produit, et la conformité avec les directives européennes concernées. Le marquage CE, s’il constitue une sorte de contrôle qualité, est donc très différent dans l’esprit et la méthode de ce qu’il est nécessaire d’effectuer pour connaître le bénéfice et la sécurité d’emploi d’un traitement.
(*) Le biais dit « de régression à la moyenne » correspond au phénomène suivant. La PA, comme toute autre variable biologique, fluctue autour d’une valeur moyenne. Si, aujourd’hui, votre PA est élevée, vous aurez d’autant plus de chances d’être recruté dans un essai. Mais comme demain, fluctuations normales obligent, votre PA redescendra à sa valeur habituelle, cette évolution sera attribuée au traitement. En d’autres termes, le recrutement dans les essais est mécaniquement biaisé vers une population dont la condition s’améliorera spontanément, et, en l’absence de contrôle, cette évolution spontanée sera portée au crédit de l’intervention.
Le Dr Diévart déclare des honoraires pour conférence ou conseils pour les laboratoires : Abbott, Astra-Zeneca, BMS, Boehringer-Ingelheim, IPSEN, Menarini, MSD, Novartis, Pfizer, Roche-diagnostics, Sanofi-Aventis France, Servier, Takeda. |
Liens
HTA : résultats négatifs pour la dénervation rénale dans SIMPLICITY HTN-3
Dénervation rénale à 3 ans : les données de SYMPLICITY HTN-1
Dénervation rénale : le bénéfice se maintient à un an dans SYMPLICITY HTN-2
Consensus d'expert de la SFHTA, de la SFC, du GACI et de la SFR
Traitement « minute » de l'HTA réfractaire via un cathéter de dénervation rénale
Enfin, des recommandations européennes sur la dénervation rénale
Citer cet article: Dénervation rénale : les leçons de SYMPLICITY HTN-3 - Medscape - 15 janv 2014.
Commenter