San Diego, Etats-Unis — Trois nouvelles études montrent que l’apprentissage de la musique modifie la structure et le fonctionnement de différentes aires du cerveau. Elles éclairent également sur la manière dont le cerveau assimile les différents stimuli sensoriels [1].
L’apprentissage de la musique pourrait favoriser la plasticité cérébrale et s’avérer utile pour traiter certains problèmes d’apprentissage, selon les chercheurs.
« Jouer d’un instrument de musique est une expérience multisensorielle et motrice qui créé des émotions et du mouvement. Cela génère du plaisir et implique les systèmes de récompense du cerveau. D’où une modification potentielle du fonctionnement et la structure du cerveau lorsque la pratique de la musique s’étale sur une longue période », a commenté le Dr Gottfried Schlaug (Harvard Medical School et Beth Israel Deaconess Medical Center (Boston, Etats-Unis), musicologue, expert en neuroimagerie et plasticité cérébrale lors d’une conférence de presse.
Ces nouvelles données montrent que « la pratique intense de la musique génère de nouveaux processus cérébraux, à différentes étapes de la vie, et avec une série d’effets sur la créativité, la cognition et l’apprentissage », ajoute-t-il.
Les études ont été présentées au congrès annuel de la Society of Neuroscience .
Commencer les leçons de musique avant 7 ans
Dans une des études, les chercheurs ont montré que l’apprentissage de la musique à un âge précoce pourrait développer certaines régions du cerveau, notamment les aires du langage et des fonctions exécutives.
Yunxin Wang et coll.(Slate Key Laboratory of Cognitive Neuroscience and Learning, Beijing Normal University, Chine) ont analysé les effets de la pratique de la musique sur la structure du cerveau chez 48 adultes chinois (de l’ethnie han) âgés de 19 à 21 ans. Tous avaient reçus des leçons de musique formelles pendant au moins un an entre l’âge de 3 et 15 ans.
Après ajustement pour les facteurs confondants, les chercheurs ont observé que les volumes des aires cérébrales associées à l’écoute et à l’auto-apprentissage étaient plus importants chez ceux qui avaient commencé la musique avant 7 ans. Cela suggère que débuter l’apprentissage de la musique précocement pourrait être utilisé à des fins thérapeutiques, remarquent les auteurs.
« L’apprentissage précoce de la musique ne rend pas seulement les enfants plus réceptifs au plaisir d’écouter de la musique, cela change aussi leur cerveau et ces changements pourraient augmenter leurs capacités cognitives. Notre étude fournit la preuve que jouer d’un instrument tôt dans la vie pourrait changer la structure du cortex cérébral », a expliqué Wang lors d’une conférence de presse.
« De nombreuses recherches montrent que l’apprentissage de la musique a des vertus cognitives, qu’il améliore la mémoire de travail, la capacité à discerner des différences de sons minimes, et l’attention sélective. Dans notre étude, nous n’avons pas inclus de données comportementales mais nous avons trouvé que l’âge auquel était débutée l’activité musicale était associé à des changements structuraux au niveau cérébral dans des régions liées à différentes fonctions cognitives, comme celle du langage (gyrus lingual) et de la capacité auditive (gyrus temporal supérieur). Il est possible que des apprentissages musicaux spécifiques puissent être utilisés à des fins éducatives dans le futur », indique Wang.
L’apprentissage musical améliore le traitement des informations multisensorielles
Une seconde étude présentée au congrès Neuroscience 2013 montre que l’apprentissage de la musique améliore les capacités du système nerveux à intégrer des informations provenant de plusieurs sens.
Pour évaluer l’impact de la pratique d’un instrument de musique sur les circuits multisensoriels, les chercheurs ont donné 2 tâches impliquant simultanément le toucher et l’ouïe à un groupe de musiciens très entraîné et à un groupe de non-musiciens.
Ils ont observé que les musiciens et les non-musiciens avaient les mêmes capacités à détecter et à distinguer les informations pour un seul sens mais, que les musiciens distinguaient mieux les informations auditives des informations tactiles. Ces résultats suggèrent que la pratique de la musique sur le long terme joue sur les circuits multisensoriels.
« En montrant que même en utilisant des stimuli non musicaux, les musiciens semblent avoir des circuits multisensoriels améliorés, nous avons sauté un pas et nous pouvons affirmer que les musiciens ont d’une manière générale des circuits multisensoriels plus performants », a expliqué Julie Roy, auteur de l’étude et étudiante en troubles de la communication verbale et audiologie (Université de Montréal, Canada) à l’édition internationale de Medscape.
Elle ajoute : « nous vivons dans un environnement multisensoriel où les informations auditives et tactiles sont analysées ensemble pour nous donner la perception de monde telle que nous le connaissons. Savoir que l’apprentissage de la musique peut, en effet, améliorer le traitement de ces informations est crucial pour les personnes qui ont des handicaps auditifs ou tactiles, qui souffrent d’une maladie dégénérative, qui sont simplement vieillissantes ou même suite à un AVC. »
Nouvel éclairage sur les schémas neuronaux de la créativité musicale
Une troisième étude présentée à la conférence a apporté un éclairage sur les mécanismes neuronaux à la base de la créativité musicale.
Les chercheurs ont utilisé l’IRM fonctionnelle pour étudier les circuits neuronaux impliqués dans l’improvisation musicale chez 39 pianistes professionnels avec différents niveaux de formation à l’improvisation.
Ana Pinho (Karolinksa Institute, Stockholm, Suède) et coll. ont montré que les musiciens rôdés à l’improvisation avaient une connectivité fonctionnelle accrue entre les aires motrices, prémotrices et préfrontales après ajustement pour l’âge et le niveau de piano.
Les sujets les plus habitués à l’improvisation avaient moins d’activité au niveau des aires d’association frontale et pariétale, qui sont des régions importantes du contrôle cognitif et de la mémoire de travail, ce qui suggère que l’improvisation musicale peut être plus automatique ou réalisée avec moins d’attention qu’on ne le pensait, notent les auteurs.
Cette étude pose les bases de futures recherches pour comprendre, notamment, comment et dans quelle mesure la créativité peut être apprise et automatisée », note Ana Pinho.
Les autres auteurs ne rapportent pas de liens d'intérêts. |
Références
Neuroscience 2013. Abstracts 550.13, 122.13, and 767.07. Presented November 11, 2013.
Liens
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Citer cet article: Jouer d’un instrument influe sur la plasticité et les performances cérébrales - Medscape - 20 déc 2013.
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