Melbourne, Australie – Selon une analyse secondaire de SAVOR-TIMI 53 , présentés dernièrement au Congrès Mondial du Diabète, le sur-risque d’apparition ou d’aggravation d’une insuffisance cardiaque (IC) chez des diabétiques de type 2 traités par saxagliptine (Onglyza®, Bristol-Myers Squibb et AstraZeneca), serait limité aux 6 premiers mois, pour devenir non significatif pas la suite [1].
Le Dr Itamar Raz (Jérusalem), qui figure parmi les principaux auteurs de SAVOR-TIMI 53, et qui présentait les nouveaux résultats, a conclu que les sujets à risque d’IC, ou qui présentent déjà une IC diagnostiquée, ne doivent pas être exclus du traitement, mais plutôt étroitement surveillés durant la période à risque.
Cette conclusion est essentiellement basée sur deux arguments. Premièrement, quoique plus fréquentes dans les 6 premiers mois, les hospitalisations pour IC des patients sous saxagliptine ne sont pas de plus mauvais pronostic que chez les patients sous placebo. Deuxièmement, le risque d’hypoglycémie sous insuline ou sulfonylurée, est lui aussi bien réel, de même que les chutes et fractures qui s’ensuivent. Or, ce risque n’existe pas sous gliptine, de même que la prise de poids.
Chez les sujets à risque, des consultations plus fréquentes, un suivi étroit du BNP, et une surveillance de la fonction rénale pourraient donc faire basculer le rapport bénéfice/risque dans un sens favorable au traitement.
Un signal de sécurité sur l’insuffisance cardiaque
Le débat sur l’opportunité d’une prescription de gliptine aux diabétiques insuffisants cardiaques, ou à risque de développer une IC, a été ouvert par l’étude SAVOR-TIMI 53 (Saxagliptin Assessment of Vascular Outcomes Recorded in Patients with Diabetes Mellitus).
Les résultats, présentés au congrès de l’European Society of Cardiology en 2013, ne montraient aucun bénéfice du traitement sur un critère primaire composite associant les évènements cardiovasculaires et suggéraient un sur-risque significatif d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque parmi les patients recevant de la saxagliptine par rapport aux patients sous placebo (RR=1,27 ; p=0,007).
Selon les nouveaux résultats présentés par le Dr Raz, cette augmentation du risque d’hospitalisation pour IC pourrait atteindre un facteur 2 chez les sujets déjà insuffisants cardiaques.
Après SAVOR, le débat a rebondit avec l’étude EXAMINE(Examination of Cardiovascular Outcomes with Alogliptin versus Standard of Care in Patients with Type 2 Diabetes Mellitus and Acute Coronary Syndrome), menée, elle, avec l'alogliptine (Nesina®, Furiex/Takeda), et présentée au congrès de l’ESC, lors de la même session de Hot Lines que SAVOR.
Comme SAVOR, EXAMINE ne montrait pas de bénéfice macrovasculaire de la gliptine. Mais, à la différence de SAVOR, elle ne retrouvait pas de signal de sécurité sur les hospitalisations pour IC.
Problème cependant: ce critère des hospitalisations pour IC n’était pas pré-spécifié, et l’analyse semblait avoir été rajoutée à la dernière minute, pour répondre à la question que se posaient tous les cardiologues après la présentation de SAVOR.
D’ailleurs, les promoteurs d’EXAMINE ont présenté au congrès de l’European Association for the Study of Diabetes une seconde analyse, confirmant l’absence de sur-risque en matière d’IC quelques semaines après la présentation princeps.
Mais, problème encore : les résultats ne portaient alors que sue quelque 800 insuffisants cardiaques quand l’étude initiale en comportait 1500. Le Dr William B White (Calhoun Cardiology Center, Etats-Unis), qui présentait cette seconde analyse, a eu beau expliquer que seuls les insuffisants cardiaques chroniques avaient été retenus, et non les sujets ayant développé une IC immédiatement après un infarctus du myocarde, la conclusion rendue dans ces conditions est peu convaincante.
Aucun mécanisme évident
Pour compliquer un peu le débat, on peut encore ajouter deux notions.
Premièrement, dans l’essai VIVIDD (Vildagliptin in Ventricular Dysfunction Diabetes), mené, lui, avec la vidagliptine (Galvus®, Novartis) chez des insuffisants cardiaques, aucune diminution de la FEVG n’a été constatée par rapport au placebo. En revanche, une augmentation des volumes VG en fin de diastole et en fin de systole (dont on connait mal la signification) a été observée chez les patients effectivement traités.
Deuxièmement, s’il y a un effet, il faut un mécanisme. Or, on n’a guère d’idée quant à la manière dont l’inhibition de la dipetidyl-peptidase-4 (DPP-4), qui est le mode d’action des gliptines, pourrait favoriser l’IC. On note seulement que des récepteurs au glucagon-like-peptide-1 (GLP-1), peptide dégradé par la DPP-4, ont été signalés au niveau du myocarde.
Enfin, il ne faut pas attendre de SAVOR ou d’EXAMINE davantage d’explications, notamment sur le type d’IC qui pourrait être induite, puisque les données échographiques n’ont pas été collectées.
Au total, on se retrouve face à une observation clinique que le Dr Raz estime « probablement réelle », et qu’il juge par ailleurs relever d’un effet de classe puisque, même non significative, une tendance défavorable à l’alogliptine a été constatée dans EXAMINE – mais néanmoins un effet qui reste à confirmer, dont on évalue mal l’ampleur, et dont on ignore absolument le mécanisme.
Chez un diabétique à risque de développer une IC, et chez lequel la metformine se montre insuffisante, faut-il rajouter une gliptine ? Malgré tout, oui, ont répondu un certain nombre de diabétologues au congrès de Melbourne. Peut-être que les résultats à venir justifieront cette attitude.
La médecine par les preuves ? Oui, mais uniquement celles qu’on exige
On peut trouver cet épisode exemplaire par le fait qu’il vient rappeler que « la médecine par les preuves » n’est jamais basée que sur les preuves qu’on exige – « on » étant essentiellement la FDA américaine et l’EMA européenne.
L’IC, critère secondaire dans SAVOR, n’était pas pré-spécifiée dans EXAMINE, et ceci, alors même que l’IC figure parmi les premières causes de mortalité des diabétiques, et que le risque de développer ou d’être hospitalisé pour IC dépasse le risque d’IDM selon une longue liste d’essais, et non des moindres (VALUE, LIFE, RENAAL, HOPE, LOOK-AHEAD, ADVANCE, ACCORD).
L’explication, rappelée par le Dr John McMurray (Glasgow, Royaume-Uni) lors de la présentation de la seconde analyse d’EXAMINE au congrès de l’EASD, est des plus simples : après la triste affaire de la rosiglitazone, en 2007, la FDA et l’EMA ont exigé que les antidiabétiques fassent la preuve de leur sécurité cardiovasculaire, c’est-à-dire, qu’il soit démontré (en post-marketing si nécessaire) qu’ils n’augmentent pas les IDM et les décès cardiovasculaires. La démonstration de la sécurité en matière d’IC est mentionnée comme optionnelle pas la FDA ; elle n’est pas obligatoire.
C’est dans ce contexte qu’ont été menées les études SAVOR et EXAMINE. Au demeurant, elles démontrent parfaitement la sécurité de la saxagliptine et de l’alogpiptine – mais seulement selon les critères instaurés par les agences de régulation. De ce point de vue, la négligence vis-à-vis des données échographiques est parlante.
Le Dr Raz rapporte des liens d’intérêt avec Novo Nordisk, Astra Zeneca, Bristol-Myers Squibb, MSD, Eli Lilly, Johnson & Johnson, et Roche. |
Références:
1. Raz I. SAVOR. Late-Breaking Clinical Trials. World Diabetes Congress. Melbourne, 6 décembre 2013.
Liens:
Citer cet article: Saxagliptine et insuffisance cardiaque : le risque serait limité à 6 mois - Medscape - 16 déc 2013.
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