Considérations diagnostiques
Diagnostiquer avec certitude une infection grippale A ou B, en se basant uniquement sur des critères cliniques, reste difficile en raison du recoupement des symptômes avec un ensemble d'autres virus pouvant également atteindre les voies aériennes supérieures. En effet, de nombreux virus, comme les adénovirus, les entérovirus, les paramyxovirus, peuvent se présenter avec un syndrome pseudo-grippal.
La présentation initiale, dans les formes légères à modérée, des infections à flavivirus (dengue) peut initialement mimer une grippe. De plus, comme la grippe, ces infections virales prédominent en hiver. Il en résulte que durant les périodes épidémiques, bon nombre de patients se présentent pour syndrome grippal, sans qu'il soit possible d'en distinguer l'étiologie avec certitude.
Diagnostics différentiels
La pneumopathie grippale doit être différenciée des autres pneumonies virales et bactériennes, ainsi que des autres causes de détresse respiratoire non infectieuses (insuffisance cardiaque congestive, oedème pulmonaire non cardiogènique, pneumopathie d'inhalation).
Concernant les critères diagnostics de la grippe aviaire :
Les facteurs de risque ou les caractéristiques qui doivent faire soupçonner, chez le patient, une possible grippe aviaire sont les suivants :
un voyage au cours des 2 semaines précédentes dans un pays connu pour être une zone de cas avérés et endémique de la grippe aviaire humaine.
une présentation clinique atypique, par exemple d'encéphalopathie ou de symptômes digestifs prédominants (diarrhées)
un antécédent d'exposition à la grippe aviaire, en particulier un contact direct avec des oiseaux malades, mourants, ou la consommation de volaille mal cuite.
Un contact avéré avec un patient présentant une grippe aviaire connue, particulièrement en cas de relations intra-familiale.
La situation diagnostique peut-être compliquée lors d'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) non due à l'épidémie de grippe aviaire, où le diagnostic est moins souvent évoqué. Par exemple, le premier diagnostic de grippe aviaire confirmé au laboratoire a été documenté durant la période du syndrome respiratoire aigu sévère à Coronavirus (SRAS-CoV)
Pour rappel : il semble que dans un petit pourcentage de cas, les patients puissent se présenter avec une symptomatologie respiratoire modérée voire absente (y compris avec une radiographie de thorax normale).[34] Le symptôme prépondérant dans ce cas-là pouvant être une encéphalopathie et/ou une diarrhée.
Diagnostics différentiels
- Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-Cov)
- Arénavirus
- Cytomégalovirus
- Dengue
- Syndrome pulmonaire à Hantavirus
- Infection VIH
- Légionellose et infections bactériennes sévères,
- Infections à virus parainfluenza, virus respiratoire syncytial (VRS), métapneumovirus, adénovirus, echovirus
Les examens complémentaires
Le « Gold standard » pour le diagnostic de l'infection à influenza A ou B est la mise en culture virale des prélèvements nasopharyngés et/ou pharyngés.
Il existe également des tests diagnostiques rapides. Toutefois, en raison du coût des examens complémentaires, de leur sensibilité, spécificité et disponibilité, la plupart des diagnostics de grippe (en tout cas en médecine de ville) restent encore aujourd'hui cliniques.
Les examens biologiques complémentaires usuels, tels que la numération de formule sanguine, l’ionogramme sanguin et la créatininémie, ainsi que le bilan hépatique, ne montreront pas de spécificité permettant de confirmer le diagnostic d'infection grippale. On y trouvera une leucopénie et une lymphopénie, et parfois une thrombopénie.
Quels sont les différents tests diagnostiques spécifiques de l'infection grippale ? Il faut évaluer la performances des différents tests, selon qu'il s'agit d'une grippe aviaire ou saisonnière humaine.
Le prélèvement doit être "profond" sur le plan naso-pharyngé ou pharyngé pour arracher des cellules épithéliales, et doit être parfaitement exécuté. C’est de la qualité de ce prélèvement que dépendra la sensibilité de tous les tests qui suivront. Le support de prélèvement doit être floqué, sans bois (interaction avec la PCR).
1. Les tests de diagnostic rapide : « Si l'on n'a rien d'autre »
Une série de coffrets de tests de diagnostic rapide de la grippe (TDRG) sont disponibles sur le marché français. Ils peuvent rechercher le virus A ou B.
Les TDRG présentent des performances variables d’un test à l’autre mais ils ont en commun d’avoir une LIMITATION MAJEURE : leur faible sensibilité. Un test négatif ne permet pas d’éliminer un diagnostic de grippe ce qui limite grandement leur utilité au niveau individuel en terme de pertinence clinique. En revanche, en période d’épidémie, un test positif affirme la grippe (ce qui n'est pas le cas en période de faible prévalence).
Sur le marché français, les TDRG répondent à la directive européenne 98/79/CE transposée en 2001 par l'ordonnance n°2001-198 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (marquage CE).
Les avantages de ces tests sont :
la rapidité (30’),
la facilité d’utilisation (sous réserve d’une bonne qualité de prélèvement : voir vidéo) et donc praticable au lit du malade.
l’absence d’habilitation particulière (contrairement à la mise en culture des prélèvements qui ne peut pas être réalisée dans tous les laboratoires biologiques)
la modification de la prise en charge chez certains patients en cas de positivité, en particulier chez l’enfant où il a été démontré qu’en cas de positivité du TDRG le recours aux examens complémentaires et aux antibiotiques est moindre, que cela permet également des précautions d’isolement de transmission (l’enfant étant un vecteur infectieux pour les parents). (Benito-Fernandez J et al Pediatr Infect Dis J 2006;25(12):1153-7).
Les TDR pour la grippe sont inscrits à la Nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) mais ne peuvent donner lieu à un remboursement s’ils sont lus en dehors d’un laboratoire d’analyses de biologie médicale (par exemple au cabinet du médecin).
Les TDR de la grippe et du VRS par immunochromatographie permettent, selon les types :
de détecter et différencier les virus A et B,
ou de détecter, mais de ne pas différencier les virus A ou B,
ou encore de détecter uniquement les virus A.
Leur sensibilité est correcte (80 %) pour le virus humain A H3N2, mais moins bonne pour le H1N1 (qui se réplique dans les voies respiratoires distales) et chute à 60 % pour le virus B. (Louie JK et al. Emerg Infect Dis 2010).
Du fait de la faible sensibilité, au moins 3 TDR négatifs d’affilés, parfaitement exécutés, devraient être réalisés pour écarter le diagnostic de grippe. Les virus "H5" sont plutôt positifs dans la gorge, alors que les "H3" dans le nez. Les virus "H1" étant souvent plus en aval dans les bronches distales, la sensibilité des prélèvements s’en trouve abaissée.
Une liste non exhaustive des TDRG peut être trouvée sur le site de l’ARS.
La sensibilité diagnostique des TDRG testés sur la grippe A aviaire (H5N1) est mauvaise (Avian Influenza A (H5N1) Infection in Humans, The Writing Committee of the World Health Organization (WHO) Consultation on Human Influenza A/H5, N Engl J Med 2005).
Pour pouvoir distinguer les sous-types de virus impliqués, cela nécessitera au mieux une RT-PCR dans un laboratoire habilité.
2. La culture virale : « le Gold Standard »
La mise en culture virale reste aujourd'hui le Gold Standard pour le diagnostic de grippe A ou B. Les prélèvements sont réalisés au niveau nasopharyngé ou pharyngé.
Cet examen reste toutefois limité car il ne peut être pratiqué que dans certains centres et il est complexe à mettre en place.
En revanche, cette méthode renseigne sur tous les paramètres attendus et demandés par l'OMS dans le cadre du suivi de l'évolution des sous-types viraux. Il permet de renseigner sur la résistance potentielle aux antiviraux.
3. La PCR : « Meilleur rapport sensibilité/rapidité, technique d'avenir »
La PCR en temps réel (rRT-PCR) est aujourd'hui la méthode de choix pour la détection et la caractérisation du virus de la grippe en raison de sa sensibilité élevée (> 90 % pour la plupart des méthodes). Elle fournie par ailleurs des résultats dans un délai de 4 à 24 heures en technique, soit un rendu des résultats au plus tard dans les 24 heures. Ce test permet également de différencier les sous-types de virus A, en plus de distinguer le virus A des virus B. Autre avantage essentiel en période d'épidémie du virus respiratoire : cette méthode permet de rechercher sur le même prélèvement d'autres virus épidémiques comme le VRS, métapneumovirus? et même des bactéries (mycoplasme, chlamydiae).
4. Test d'immuno-fluorescence directe : « À abandonner? »
Certains laboratoires pratiquent encore les tests d'immuno-fluorescence directe. Ces tests nécessitent beaucoup de travail, une équipe expérimentée et ont une sensibilité réduite.
Comme cette technique dépend d’un personnel qualifié et rarement disponible en permanence, le test ne peut être pratiqué 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
5. Test sérologique : « Pour la recherche épidémiologique »
Les tests sérologiques n'ont pas d'intérêt pour le diagnostic individuel d'infection grippale compte tenu du délai d'obtention des résultats (plusieurs jours au mieux). La sensibilité est d'environ 2/3. Peut-être intéressant pour faire des études d'exposition, de type épidémiologiques.
Particularité des tests au cours de la grippe aviaire
Aujourd'hui les tests de diagnostic rapide de la grippe ne sont pas prévus pour détecter la grippe aviaire H5N1[4]. On peut toutefois disposer de tests spécifiquement étudiés pour H5N1.[5]
Il est à noter que l'utilisation de la NFS est plus pertinente dans la grippe aviaire que dans les formes de grippes saisonnières, en raison de son caractère pronostique et en particulier celui de la lymphopénie à l'admission.[31] En effet, il a été démontré dans une large étude que la lymphopénie à l'entrée (en particulier une lymphopénie <1500 cellules par millilitres) était un marqueur pronostique de l'évolution vers le SDRA.[33] Par ailleurs, plus de la moitié des patients présentaient une thrombopénie légère à modérée. En plus d'une thrombopénie, certains patients développeront une coagulation disséminée intravasculaire (CIVD).[21]
On peut observer également des perturbations du bilan hépatique avec une élévation des aminotransférases hépatiques (ASAT, ALAT) chez plus de la moitié des patients ayant une grippe aviaire H5N1.[21]
L'ionogramme sanguin avec dosage de la créatininémie permettra de soupçonner l'apparition d'une défaillance multiviscérale en cas d'élévation de cette dernière.
Aujourd'hui les recommandations du CDC et de l'OMS sont de spécifiquement rechercher la grippe aviaire H5N1 chez les patients qui présenteront TOUTES les caractéristiques ci-dessous :
pathologie sévère nécessitant une hospitalisation ou ayant une issue fatale, ET
une température supérieure à 38°, ET
sur une radiographie pulmonaire révélant une pneumopathie avec un aspect de SDRA et une pathologie respiratoire sévère, sans qu'il n'y ait d'alternative diagnostique plausible, ET
une exposition potentiellement contaminante dans les 7 jours précédant l'apparition des premiers symptômes.
Le CDC définit actuellement une exposition potentielle comme :
la présence d'un contact étroit avec un individu ayant une grippe aviaire confirmée ou suspectée, ou
un patient travaillant en laboratoire en présence de H5N1, ou
une histoire de voyage dans un pays avec des cas de grippe H5N1 identifiés chez l'homme ou l'oiseau et la présence d'un contact direct avec un oiseau en bonne santé ou malade, que ce soit une volaille d'élevage ou sauvage. La présence d'un contact direct avec une surface souillée par des fientes d'oiseaux. La consommation d'une viande de volaille crue ou incomplètement cuite.
En cas de grippe aviaire suspectée, la mise en culture de virus ne doit pas être réalisée ailleurs que dans un laboratoire de niveau L3 (niveau supérieur à celui nécessaire à la manipulation du VIH). En cas de prélèvement reçu dans un laboratoire inapproprié, ce dernier peut être fermé pour désinfection.
Les échantillons provenant d'un patient suspect de grippe aviaire devraient à être envoyés directement dans un laboratoire centralisé de référence, ce dernier étant à même de tester la sensibilité aux antiviraux, de même que de déterminer de quel sous-type de virus il s'agit. Pour rappel, les meilleurs prélèvements sont ceux qui sont collectés au niveau oropharyngé, ou en provenance d'un lavage bronchoalvéolaire (LBA). Les prélèvements au niveau nasopharyngé peuvent également être utilisés, bien qu'ils soient en général de moins bonne qualité car moins riches en cellules épithéliales. Idéalement, les prélèvements doivent être réalisés dans les 3 jours après l'apparition des premiers symptômes.
Il est déconseillé de faire parvenir les prélèvements par pneumatique, un transport à la main étant plus approprié. Le spécimen transporté doit être clairement étiqueté comme « suspect de grippe aviaire ». La personne qui transporte le spécimen devrait porter les vêtements de protection ad hoc.
6. Examens radiologiques
Chez les patients âgés qui présentent des symptômes pulmonaires, la réalisation d'une radiographie du thorax est nécessaire pour exclure une pneumopathie. La radiographie du thorax réalisée très précocement peut ne rien révéler ou de minimes infiltrats bilatéraux. Les infiltrats bilatéraux peuvent apparaître plus tardivement. L'apparition d'un foyer systématisé unilatéral est évocateur d'une pneumopathie bactérienne surajoutée.
En ce qui concerne la grippe aviaire, les infiltrats pulmonaires sont vus chez quasi l'ensemble des patients. Des épanchements pleuraux, ou des adénopathies, peuvent également être observés.
Radiographie du thorax d'une pneumopathie sévère chez un patient atteint de grippe aviaire
En cas de grippe aviaire, la sévérité du bilan radiologique initial semble être un bon indicateur prédictif de mortalité, incluant des éléments radiologiques orientant vers un SDRA.
Citer cet article: L'essentiel sur la grippe - Medscape - 6 nov 2013.
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