Paris, France - Une plainte a été déposée vendredi contre Sanofi et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine. Le Gardasil, vaccin contre le cancer du col de l'utérus, est mis en cause.
Un triste anniversaire pour l'ANSM. Il y a une semaine de cela, Dominique Maraninchi, directeur général de la nouvelle agence du médicament, réunissait en comité restreint une poignée de journalistes pour souffler la première bougie de l'ANSM, et s'enorgueillir des réalisations accomplies. Cinq jours plus tard, à peine, une nouvelle plainte visait l'ANSM et le laboratoire Sanofi.
Vendredi 24, les avocats d'une jeune étudiante bayonnaise de 18 ans, Marie-Océane Bourguignon, déposait plainte devant le tribunal de Bobigny pour « atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine », tel que le rapporte le quotidien régional Sud-Ouest [1]. Marie-Océane a pris sa première dose de Gardasil en octobre 2010, à l'âge de 15 ans, dans le cadre de la prévention du cancer du col de l'utérus. Après une deuxième injection de Gardasil en décembre 2010, elle est victime de vertiges et de vomissements, et d'instabilité à la marche. Hospitalisée en mars à l'hôpital de Dax, elle ne peut plus marcher en avril. Dès cette première hospitalisation, les médecins suspectent soit une encéphalomyélite aiguë disséminée (Emad), soit une sclérose en plaques (SEP). En août, elle perd la vue, ne peut toujours pas marcher, et est atteinte d'une paralysie faciale; elle est aussitôt admise en urgence au CHU de Bordeaux. Elle restera hospitalisée un an, jusqu'en août 2012.
La commission d'indemnisation établit un lien de causalité
La commission d'indemnisation des accidents médicaux d'Aquitaine est saisie; les résultats de son expertise sont sans ambiguïté, tel que les rapporte Sud-Ouest : « Il existe un lien de causalité entre la première injection de Gardasil et la survenue d'une réaction inflammatoire aiguë du système nerveux central qui, dans un deuxième temps, après la seconde injection, a décompensé un processus immunitaire ». Fort de cette expertise, l'avocat de Marie-Océane, M° Coubris, déjà partie prenante dans l'affaire du Médiator, a déposé plainte, en prétextant que la notice du Gardasil ne mentionne pas, parmi les effets secondaires, le risque inflammatoire pour le système nerveux central.
Le laboratoire Sanofi a aussitôt réagi, par voie de communiqué de presse, en contestant les conclusions de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bordeaux : « Les études conduites en France et dans le monde pour évaluer l'association éventuelle entre la vaccination anti-HPV et la survenue de cas de sclérose en plaques n'indiquent aucune augmentation du risque d'apparition de cette maladie ». Outre le laboratoire Sanofi, l'ANSM est également mise en cause.
10 cas de sclérose en plaques notifiés en 2011
En novembre 2011, la Commission nationale de pharmacovigilance a rendu public un suivi national des effets indésirables du vaccin papillomavirus humain Gardasil® [2]. Dans ce document, 1672 effets indésirables ont été retenus, dont 355 notifiés aux centres de pharmacovigilance, et 1317 au laboratoire. Les affections du système nerveux représentent 15,91% des effets indésirables principaux (EIP) non graves, et 32,67% des EIP graves.
Au total, les affections du système nerveux représentent 19,44% des EIP. Parmi les effets indésirables graves les plus fréquents, l'ANSM relève, au sujets des affections du système nerveux : syncope (n=19), sclérose en plaques (n=10), perte de conscience (n=7), convulsion (n=6), névrite optique (n=6), céphalée (n=5), encéphalomyélite aiguë disséminée (n=4), épilepsie (n=5), poussée de sclérose en plaques (n=4), présyncope (n=4), syndrome de Guillain-Barré (n=4), démyélinisation (n=3), migraine (n=3), polyneuropathie (n=3), convulsion grand mal (n=2), parésie (n=2), petit mal épileptique (n=2) .
Réaction molle de l'ANSM
Dès 2011, donc, l'ANSM avait connaissance de cas de sclérose en plaques pouvant résulter potentiellement des effets secondaires du Gardasil®. A noter que deux cas de décès ont également été rapportés.
Quelles ont été les conclusions de l'ANSM ?
« Le débat sur l'éventuel lien entre vaccination et maladie autoimmune a été ouvert il y a plusieurs années, notamment avec le vaccin contre l'hépatite B. Malgré plusieurs études, aucune conclusion définitive n'a pu être tirée. Il est cependant évident que les données de notification spontanée ne pourront pas apporter de réponse à ce débat. »
En conclusion, l'ANSM préconise de :
« revoir éventuellement l'âge de la vaccination » ; « demander l'harmonisation au niveau européen des effets indésirables mentionnés dans les RCP des 2 vaccins (Gardasil® et Cervarix®) » ; « rappeler les recommandations pratiques » ; « passer la surveillance dans le cadre habituel de la notification spontanée ».
Trois nouvelles plaintes devraient être déposées devant le tribunal de Bobigny, a annoncé l'avocate Camille Kouchner à l'AFP [3]. L'ANSM, et Sanofi, risquent d'être confrontés à un nouveau scandale sanitaire.
Citer cet article: Vaccin anti-HPV Gardasil : plainte déposée contre l'ANSM et Sanofi - Medscape - 25 nov 2013.
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