L'exposition prénatale aux phtalates est associée à la prématurité

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

22 novembre 2013

Ann Arbor, Etats-Unis - En France, près de 60 000 bébés naissent prématurément chaque année. Or, si certains facteurs de risque comme l'âge maternel sont bien connus, les causes de nombreux accouchements prématurés restent un mystère.

L'impact de l'environnement sur la prématurité est peu étudié mais pourrait être important comme le montre une étude publiée dans JAMA Pediatrics qui incrimine l'exposition aux phtalates pendant la grossesse [1].

Au banc des accusés : les phtalates peuvent être présents notamment dans les emballages plastiques de certains produits d'hygiène corporelle (cosmétiques, parfums, déodorants…) ou alimentaires, dans le matériel médical, voire dans certains médicaments. Ces perturbateurs endocriniens peuvent migrer et être ingérés, inhalés et passer la barrière cutanée.

Le lien entre l'exposition à des produits chimiques et la prématurité (naissance avant 37 semaines de grossesse) a été peu recherché mais auparavant des études ont associé la pollution environnementale à des problèmes de thyroïde, d'endométriose et au cancer du sein.

Dans cette nouvelle étude, Kelly K. Ferguson (Faculté de santé publique de l'Université du Michigan, Etats-Unis) et coll. ont analysé la présence de phtalates dans les urines de 130 femmes ayant accouché avant terme et dans les urines de 352 femmes ayant accouché à terme. Ils ont constaté que la présence de phtalates était associée aux accouchements prématurés.

Judicieusement, les auteurs ont comparé l'association entre les phtalates et les accouchements prématurés spontanés (n=57) séparément de l'association entre les phtalates et les accouchements prématurés programmés pour raisons médicales (n=73). Il en ressort, que l'association est beaucoup plus forte pour les accouchements prématurés spontanés. Parmi les femmes dont les concentrations du phtalate mono-(2-éthyl-5-carboxypentyl) sont supérieures au 75ème percentile, le risque relatif d'accouchement prématuré spontané est de 5,23 alors qu'il est de 2,39 pour l'ensemble des naissances prématurées.

« Nos résultats indiquent un lien significatif entre l'exposition aux phtalates pendant la grossesse et la naissance prématurée, ce qui conforte de précédentes observations en laboratoire et les résultats d'études épidémiologiques », indique Kelly Ferguson.

En outre, comme les phtalates sont présents un peu partout et que la prévalence de la prématurité chez les femmes de notre cohorte est similaire à celle de la population générale, « nos résultats sont généralisables aux femmes aux Etats-Unis et ailleurs », concluent les auteurs.

Dans un éditorial accompagnant l'article, le Pr Shanna H. Swan (Ecole de médecine Icahn, Mont Sinai, New York) salue le travail des auteurs : « la première étude robuste » suggérant que les phtalates pourraient expliquer certains accouchements prématurés aux causes inconnues.

Elle appelle à la réalisation de nouvelles études pour évaluer la relation de causalité entre les phtalates et l'accouchement prématuré spontané en analysant notamment les biomarqueurs de l'inflammation utérine.

 

L'étude a été financée par le National Institute of Environmental Health Sciences, National Institutes of Health. Les liens d'intérêt des auteurs sont listés dans les papiers.

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