Paris, France -La première édition de la Semaine européenne d'urologie a été consacrée à la prévention des cancers urologiques. L'occasion pour le Dr Jean-Alexandre Long (CHU de Grenoble) de revenir sur les facteurs protecteurs contre l'initiation, la promotion et la progression du cancer de la prostate [1].
Il rappelle que même si une baisse de l'incidence du cancer de la prostate a été observée en 2012 avec 53 465 nouveaux cas contre 71 000 en 2011, il reste le premier cancer et la troisième cause de mortalité chez l'homme avec environ 9000 décès par an.
Des facteurs environnementaux modifiables
Certains facteurs de risque du cancer de la prostate sont environnementaux. Plusieurs études ont pointé du doigt les pesticides et notamment la chlordécone, un pesticide utilisé aux Antilles de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, mais aussi l'arsenic présente dans le tabac et dans l'eau de consommation ou le cadmium présent aussi dans le tabac.
« L'objectif de santé publique est d'essayer d'éviter l'exposition à ces facteurs de risque et donc de supprimer la chlordécone aux Antilles, de diminuer le taux d'arsenic dans l'eau de consommation et de promouvoir l'arrêt du tabac », indique l'orateur.
Les pistes alimentaires
« Il est difficile de se positionner complètement sur le sujet de la prévention alimentaire du cancer de la prostate », explique le Dr Long.
Des études ont montré que les patients qui consomment beaucoup de graisses animales, de lait ou qui ont une tendance à l'obésité ont un risque accru de cancer de la prostate. On peut donc imaginer une méthode préventive pour lutter contre ces facteurs de risque. Toutefois, il n'existe pas de preuves dans la littérature de l'efficacité de ces régimes alimentaires.
A l'inverse, les populations méditerranéennes et asiatiques semblent moins à risque de cancer de la prostate du fait de leur régime alimentaire riche en fruits et légumes pour les uns et en huiles végétales, poissons contenant des acides gras polyinsaturés, en sélénium et en soja pour les autres.
Tomates, grenade, curcuma, graisses végétales… beaucoup de pistes relatives à la prévention alimentaire du cancer de la prostate ont été suivies. Peu sont, à ce jour, statistiquement concluantes.
« Il est difficile de prôner une prévention du cancer de la prostate par l'alimentation », conclut l'orateur.
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Et les compléments alimentaires ?
« Les compléments alimentaires sont à consommer avec discernement, toujours en discussion avec son médecin et n'offrent pas vraiment de solution miracle », note l'intervenant.
Le sélénium et la vitamine E ont été testés sans faire la preuve de leur efficacité. Une étude a même montré un risque statistiquement significativement accru de cancer de la prostate chez les hommes supplémentés en vitamine E.
De la même façon, deux grandes études ont montré un sur-risque avec la supplémentation en carotène.
Concernant la vitamine C : les études randomisées contrôlées n'ont montré aucune action favorable. De surcroît, consommée à fortes doses, cet antioxydant pourrait avoir une action pro-oxydante contre-productive.
En parallèle, certaines études ont montré une réduction de l'incidence des tumeurs associées à la prise de lycopène (présent dans la tomate) alors que d'autres ont juste établi un lien avec une diminution du PSA. « A la lumière des études scientifiques menées à ce jour, le rôle protecteur du lycopène n'est donc pas totalement probant », note l'orateur.
En revanche, les polyphénols, anti-oxydants présents, entre autre, dans le brocoli, la grenade, le thé vert et le curcuma sont certainement une piste pour prévenir la promotion et la progression du cancer de la prostate.
Dernièrement, l'essai randomisé en double aveugle Pomi-t présenté à l'ASCO 2013 par Thomas et coll. a montré que chez 200 patients en surveillance active d'un cancer de la prostate considéré comme peu agressif, le PSA progressait de façon moins importante (-63%) chez ceux qui recevaient des polyphénols versus ceux qui n'en recevaient pas. En outre, les patients étaient plus nombreux à rester sous surveillance active (+18,6%) [3].
L'activité physique « oui ! » ; les médicaments « non ! »
« Ce qui fait du bien à votre cœur, fait du bien à votre prostate. Des études très sérieuses ont montré qu'à un niveau d'activité physique relativement modéré, il y a une réelle efficacité sur la prévention », a indiqué le Dr Long.
Selon une étude publiée en 2013, pratiquer 9 heures de sport par semaine réduit de 53% le risque de développer un cancer de la prostate.
En outre, d'autres travaux tendent à montrer que la pratique d'au moins 3 heures de sport par semaine pourrait ralentir la promotion et la progression du cancer. Cependant, les données ne sont pas statistiquement significatives [4].
En revanche, la prévention médicamenteuse du cancer de la prostate ne peut pas être prônée. Des essais ont étudié les bénéfices éventuels de la prescription d'inhibiteurs de la 5-alpha réductase, habituellement prescrits dans le cadre de l'hypertrophie bénigne de la prostate, et qui ont une action hormonale sur le volume de la prostate.
Or, si une baisse de l'incidence a été observée, une augmentation de la fréquence des cancers de haut grade a été enregistrée. Le rapport bénéfice/risque est donc défavorable.
Le Dr Jean-Alexandre Long n'a pas de liens d'intérêt en rapport avec le sujet. |
Citer cet article: Prévenir le cancer de la prostate par l'environnement, le sport, les aliments - Medscape - 2 oct 2013.
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