Amsterdam, Pays-Bas — Une analyse poolée de 12 études cliniques incluant 1 861 patients et d'une base de donnée de 2 985 malades en situation de prescription hors étude clinique, montre que la survie globale des patients atteints de formes graves de mélanomes traités par ipilimumab (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb) est proche de 22 % à trois ans et qu'elle se maintient à long terme sous la forme d'un plateau. Cette étude présentée par le Dr Stephen Hodi (Boston, Etats-Unis) à l'occasion du congrès ECC2013 (European Cancer Congress) prouve même que certains patients, dont le pronostic global était considéré jusque-là comme catastrophique (6 à 10 mois selon l'intensité de la maladie), peuvent survivre jusqu'à 10 ans après le diagnostic de leur maladie [1].
Une première analyse des 12 études cliniques préliminaires - 2 de phase III, 8 de phase II et 2 études observationnelles - a conclu que la médiane de survie de l'ensemble des patients traités par ipilimumab s'établissait à 11,4 mois. Selon la base de données en conditions réelles de prescription avant que la molécule soit disponible sur le marché, ce chiffre était de 9,5 mois.
Aucun décès chez les patients qui ont survécu plus de 7 ans
« Mais même si ces données chiffrées semblaient un peu décevantes, bien que la médiane de survie ait été significativement augmentée, il était important de les relativiser car l'une des études de phase III montrait que 18 % des patients étaient encore vivants 5 ans après avoir reçu la première dose d'ipilimumab, alors que le taux attendu était quasiment nul », explique le Dr Hodi.
« C'est la raison pour laquelle nous nous sommes ensuite plus spécifiquement focalisés sur le taux de réponse à long terme. Et le résultat est sans appel : à 3 ans, le taux de survie globale est de 21 % et il reste à ce niveau à 48, 72, 108 et 120 mois. Aucun des patients qui a survécu plus de 7 ans (soit 20 patients) n'est décédé de son cancer. Et la survie la plus longue actuellement est de 9,9 ans, et ce patient est toujours vivant. Il est donc désormais possible d'imaginer que le mélanome peut devenir chez les 15 à 20 % de patients répondeurs au traitement par ipilimumab une maladie chronique».
L'ipilimumab est une nouvelle voie d'approche du traitement des mélanomes métastatiques ou localement avancés fondée sur une activation du système immunitaire. Cet anticorps monoclonal a pour cible le récepteur lymphocytaire CTLA-4. En cas de mélanome, ce récepteur est inhibé par les cellules cancéreuses ce qui ne permet pas aux lymphocytes T de détruire les cellules tumorales au niveau ganglionnaire. L'ipilimumab débloque ce mécanisme inhibiteur et le système immunitaire peut à nouveau fonctionner de façon optimale.
3 ou 10 mg/kg, pré-traités ou non : un effet similaire
Les patients issus d'essais cliniques inclus dans cette analyse (n=1861) ont reçu l'ipilimumab à la dose de 3 mg/kg (dose approuvée par l'EMA et la FDA, n=965) ou de 10 mg/kg (l'un des dosages choisis pour les phases d'investigation clinique, n=706).
Le médicament était administré 4 fois pendant une période initiale de 3 mois et certains patients ont reçu un nouveau traitement ou des doses plus espacées en maintenance.
Certains patients avaient déjà été traités par d'autres médicaments (n=1 257), les autres étaient naïfs.
Pour le Dr Hodi, « le dosage utilisé et l'existence d'un prétraitement n'ont pas influé sur la durée de survie globale ».
Une association possible avec les anti PD1/PDL1 ou des thérapeutiques ciblées
Interrogé par Medscape.fr le Pr Alexander Eggremont (Directeur général de Gustave Roussy), explique que « ce traitement qui permet une réactivation du système immunitaire (alors qu'il était bloqué) est une vraie avancée. Il pourra aussi être utilisé en combinaison avec d'autres nouvelles molécules telles que les anticorps monoclonaux anti PD1/PDL1 actuellement en développement ».
Le Dr Hodi, lui aussi, imagine des associations thérapeutiques avec des thérapies ciblées telles que les inhibiteurs de BRAF pour les 50 % de patients BRAF-positifs.
Le Dr Hodi a travaillé comme consultant bénévole pour Bristol-Myers Squibb, compagnie qui a financé l'étude. Deux des co-auteurs sont employés de Bristol-Myers Squibb. |
Citer cet article: Mélanome : une survie jusqu'à 10 ans grâce à l'ipilimumab - Medscape - 30 sept 2013.
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