Risque de cataracte sous statine : une méta-analyse dissipe les inquiétudes

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

6 septembre 2013

Risque de cataracte sous statine : une méta-analyse dissipe les inquiétudes

Selon une méta-analyse colligeant les données de plus de 2 millions de personnes, les statines protègeraient de la cataracte et non l'inverse comme cela a été suggéré.
6 septembre 2013

Amsterdam, Pays-Bas - D'après une méta-analyse de grande taille présentée à l'European Congress of Cardiology 2013, contrairement à ce qui est parfois craint, les statines n'augmenteraient pas le risque de cataracte. A l'inverse, elles en diminueraient le risque de 20% ! Et lorsque les statines sont débutées jeunes, au cours de la quarantaine, et qu'elles sont administrées sur une longue période (jusqu'à 14 ans), elles réduiraient même le risque de moitié [1].

Un résultat rassurant qui contredit le travail rétrospectif de Machan et coll. rapporté dans Medscape France et qui, lui, concluait à augmentation du risque de cataracte sous statine (Voir encadré).

Les auteurs, le Pr John B. Kostis et coll. (Etats-Unis), rappellent que la cataracte affecte plus de 20 millions de personnes dans le monde et que les statines comptent parmi les médicaments les plus prescrits. Aux Etats-Unis, une personne sur 3 de plus de 45 ans reçoit des statines.

« Les médecins et les professionnels de santé, en général, restent aujourd'hui préoccupés par le risque de cataractogénicité des statines. Or, la crainte actuelle que les statines induisent des cataractes est principalement fondée sur des données obsolètes », a commenté le Pr Kostis pour Medscape France.

« Nous avons donc cherché à évoluer l'association entre les statines et les cataractes dans une méta-analyse de 14 études sélectionnées après une revue minutieuse de la littérature médicale. A notre connaissance, il s'agit de la première méta-analyse sur le sujet », explique-t-il.

71 personnes traitées par statines = 1 cataracte évitée


En tout, la méta-analyse a enrôlé 2 399 200 personnes atteintes de 25 618 cataractes. La durée moyenne du traitement par statines était de 54 mois et l'âge moyen des participants de 61 ans.

Dans leur méta-analyse, les auteurs ont inclus 8 études observationnelles et 6 essais randomisés.

Globalement, la méta-analyse des 14 études a montré une réduction significative du risque de cataractes par les statines de près de 20% (RR= 0,82, IC 95% 0,72 à 0,92, p=0,0011).

En parallèle, lorsque les auteurs ont colligé les données des essais randomisés uniquement, ils ont observé un effet protecteur non significatif de16 % (RR= 0,84, IC 95% 0,67 à 1,05, p=0,12). Et, lorsqu'ils ont rassemblé les données des études observationnelles, ils ont obtenu un effet protecteur de 18% (RR= 0,82, IC 95% 0,70 à 0,93, p=0,004).

« Il n'y avait pas d'hétérogénéité entre les études », a commenté le Pr Kostis.

En risque absolu, la réduction du risque était de 1,4% (IC 95% de 1,1% à 1,7%, p<0,0001), ce qui correspond à 71 personnes traitées avec les statines pour prévenir une cataracte (IC 95% 59 à 91 personnes).

Un effet protecteur plus important chez les jeunes et avec un traitement long


L'analyse des chercheurs a également montré que les personnes qui débutaient les statines jeunes étaient celles qui bénéficiaient le plus de cet effet protecteur avec une baisse du risque de 50% chez les patients quarantenaires et de seulement 10% chez les patients septuagénaires. Pour le Pr Kostis, il est possible que les deux paramètres, l'âge et les statines « fonctionnent en parallèle ou en interaction. »

En outre, les résultats montrent que plus le traitement par statines est long, plus il est protecteur : diminution du risque de 10% pour un traitement de 6 mois à 55% pour 14 ans de traitement.

« Cette méta-analyse montre un effet protecteur statistiquement et cliniquement significatif des statines sur les cataractes. Nos résultats dissipent les inquiétudes sur la sécurité des statines concernant les cataractes et sont un argument de plus pour utiliser les statines sur le long terme », conclut le Pr Kostis.

Interrogé sur le mécanisme sous-jacent de cet effet protecteur, il explique : « Puisque l'hypercholestérolémie n'est pas associée aux cataractes, nous pensons que le mécanisme est pléiotrope. Il pourrait y avoir un effet antioxydant protecteur, par exemple. »

Des craintes fondées sur une étude rétrospective et observations chez l'animal

Jusqu'ici, les publications sur l'association entre statines et cataractes ont rapporté des données divergentes. Au départ, il a été montré que des fortes doses de lovastatine, la première statine autorisée par la FDA, induisaient des cataractes chez les chiens Beagle. En 1987, lorsque la lovastatine a reçu une AMM de la FDA, l'agence a donc préconisé de surveiller les yeux avant et quelques temps après l'initiation du traitement puis annuellement. Cette recommandation a été retirée en 1991. Aujourd'hui, selon la base de données médicales Micromedex, des cas de cataractes ont été rapportés dans les études post-marketing pour toutes les statines et Lexi-Comp, une autre ressource de renseignements sur les médicaments, rapporte un taux de déficience visuelle de 1,6% avec la pravastatine.

Concernant les travaux récents, en 2012, Machan et coll. ont montré, dans l'étude rétrospective Waterloo Eye Study , que la prise de statine était un facteur de risque de cataractes. En termes de mécanisme, selon Machan et coll. une association entre statines et risque de cataractes aurait une « bio-plausibilité ». Pour les auteurs canadiens, la membrane du cristallin demande beaucoup de cholestérol pour un développement adéquat des cellules épithéliales et la transparence de la lentille. Ils soulignent aussi qu'une augmentation des cataractes a été constatée chez l'animal et chez l'homme atteint de déficit héréditaire en cholestérol, et que le risque existe que les statines inhibent la synthèse du cholestérol dans le cristallin humain.


Le Dr. Kostis a travaillé comme orateur pour Merck et comme consultant pour Sanofi, deux laboratoires impliqués dans les traitements hypocholestérolémiants. Ms. Dobrzynski n'a pas de liens à déclarer.

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