Amsterdam, Pays-Bas — Pour les syndromes coronaires aigus (SCA) sans élévation de ST (NSTEMI) mais avec majoration des troponines - considérés comme à haut risque et devant être revascularisés précocement - administrer une dose de charge de prasugrel (Efient®), au moment du diagnostic n'apporte pas de bénéfice en terme de réduction des événements ischémiques d'une part et majore significativement le risque hémorragique au moment du geste de revascularisation d'autre part.
La sanction est rude pour l'essai ACCOAST, présentée par le Pr Gilles Montalescot (Centre cardiologique, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) en Hot Line du congrès de ESC 2013 .
« L'administration d'une dose de charge de clopidogrel à des patients avec un SCA non ST est une pratique courante qui s'est élargie aux nouveaux anti P2Y12. Nos résultats montrent que c'est seulement après avoir vu l'anatomie coronaire et décidé de revasculariser qu'il faut administrer du prasugrel. Reste à savoir si cette stratégie sera également valable pour le ticagrelor, un autre inhibiteur des P2Y12… » concluent les investigateurs d'ACCOAST.
Du fait de l'absence de bénéfice et de l'augmentation des saignements, l'essai a été interrompu prématurément suite à l'avis du comité indépendant de surveillance en novembre 2012 au terme de 398 évènements du critère primaire au lieu des 400 attendus, ce qui ne grève pas la puissance de l'essai.
Plus de 4000 patients et 17 pays
ACCOAST est un essai multicentrique randomisé en double aveugle mené dans 19 pays et 171 centres, sponsorisé par les laboratoires Daiichi Sankyo et Eli Lilly.
Au total 4033 personnes avec un diagnostic de SCA non ST et des troponines élevées programmées pour avoir une coronarographie dans les 2h à 48h ont été randomisées. Les patients recevaient une dose de charge de 30 mg de prasugrel (groupe d'intervention) ou un placebo, dès le diagnostic. Puis secondairement, si la décision d'angioplastie était prise en salle de coronarographie, les patients du groupe prétraitement recevaient 30 mg de prasugrel supplémentaire ou 60 mg (si placebo). Tous les patients étaient par ailleurs pris en charge de manière optimale selon les recommandations actuelles.
Le critère de jugement primaire est un critère composite comprenant les décès cardiovasculaires, infarctus (IDM), les AVC, les revascularisations/recours aux anti GP 2b/3a en urgence, dans les 7 jours suivant la randomisation. Tous les saignements mineurs et majeurs (TIMI), survenant hors pontage et durant pontage, étaient adjudiqués (critère de sécurité).
La mesure des critères d'efficacité et de sécurité ont été poursuivie du 7ème au 30ème jour post-randomisation.
Aucun bénéfice sur les événements ischémiques et dans tous les sous-groupes
Après coronarographie, 68,7% des sujets ont été revascularisés par angioplastie, dans un délai médian de 4,3 heures. Les autres patients ont été, dans un délai de 7 jours, soit pontés (6,2%), soit traités médicalement (25,1%). Dans cette étude, 32% des patients ne nécessitaient donc pas d'anti P2Y12.
Concernant le critère primaire d'efficacité, il n'existe aucune différence entre les deux groupes et dans tous les sous-groupes de population, à 7 jours et à 30 jours. Donc y compris chez les patients théoriquement les plus à risque de thrombose (diabétiques, sujets âgés, score GRACE élevé, accès radial vs fémoral…).
Pré-traitement N=2037 |
Pas de pré-traitement N=1996 |
IC |
p |
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À 7 jours |
||||
Critère primaire (décès CV, IDM, AVC, revascularisation/anti 2b/3a en urgence |
10% |
9,8% |
1,02 (0,84-1,25) |
0,81 |
Hémorragies majeures (TIMI) |
2,6% |
1,4% |
1,9 (1,19-3,03) |
p=0,002 |
À 30 jours |
||||
Critère primaire |
10,8% |
10,8% |
0,997 (0,83-1,20) |
0,98 |
Hémorragies majeures |
2,8% |
1,5% |
1,97 (1,26-3,08) |
p=0,002 |
« Même pour les 69% de patients angioplastiés, la dose de charge de prasugrel n'a pas réduit les complications thrombotiques » a insisté le Pr Montalescot.
En revanche, le taux d'hémorragies majeures et des hémorragies menaçant le pronostic vital (classification TIMI), non liées aux pontages, est respectivement multiplié par 3 et par 6. Les saignements sont survenus préférentiellement chez les patients revascularisés et précocement en cas d'angioplastie. Le risque le plus élevé mais non significatif (vs angioplastie) concerne les patients pontés.
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Le plus tard est le mieux
Pour l'éditorialiste du NEJM, John Keany (University of Massachusetts, Worcester) qui estime qu'en matière d'inhibition plaquettaire par une thiénopyridine dans le non STEMI, « le plus tard est peut-être le mieux », l'essai ACCOAST souligne la différence entre les inhibiteurs de P2Y12 de première génération (clopidogrel) et de seconde génération (prasugrel). Les deux sont des prodrogues qui nécessitent une transformation mais le prasugrel est plus rapide et plus puissant.
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Citer cet article: Pas de prétraitement des SCA non ST par prasugrel conclut ACCOAST - Medscape - 1er sept 2013.
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