Au-delà de 4 tasses par jour, le café serait néfaste

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

23 août 2013

Au-delà de 4 tasses par jour, le café serait néfaste

Les études sur le café se suivent et ne se ressemblent pas…De nouveaux résultats suggèrent une augmentation importante de la mortalité chez les moins de 55 ans, consommant plus de 4 tasses par jour.
23 août 2013

Columbia, Etats-Unis - Une consommation importante de café (à partir de 4 tasses par jour) est-elle associée à une surmortalité générale et cardiovasculaire ? Pour la mortalité générale, la réponse serait oui, selon une vaste étude américaine publiée dans les Proceedings de la Mayo Clinic[1]. Chez les femmes de moins de 55 ans, le risque serait plus que doublé par rapport aux personnes abstinentes.

L'effet bénéfique, délétère ou neutre du café, et éventuellement du thé, a fait l'objet de multiples études, portant sur des populations parfois très importantes, mais aboutissant à des résultats contradictoires.

S'agissant de la mortalité cardiovasculaire, les résultats obtenus chez 44 005 hommes, participants depuis 1986 à la Health Professionals Follow-up Study, et chez 84 488 femmes, recrutées en 1976 dans la Nurses Health Study, semblaient en faveur d'une neutralité du café sur le risque coronarien [2].

Cependant des études de cohortes rapportent un effet protecteur vis-à-vis de l'infarctus (IDM) [3,4], et à l'inverse, des études cas-contrôle font état d'un sur-risque [5,6]. Pour être complet, signalons aussi deux études rapportant une courbe en J entre consommation de café et évènement coronariens [7,8].

Enfin, s'agissant de la mortalité toutes causes confondues, des résultats publiés l'an dernier dans le New England Journal of Medicine, ont, eux, montré une relation inverse entre consommation de café et mortalité (RR= 0,88 (IC 95%, 0,84 - 0, 93) pour 4 à 5 tasses/jour chez les hommes, et 0,84 (IC 95%, 0,79 - 0, 90) chez les femmes) [9].

La question des effets du café est donc pour le moins controversée.

4 tasses / jour : un seuil à ne pas dépasser ?


Les nouveaux résultats proviennent de la Aerobics Center Longitudinal Study, qui a inclus 43 727 personnes (9 827 femmes), âgées de 20 à 87 ans lors du recrutement, entre 1971 et 2002. L'ensemble représente un suivi de 699 632 personne-années.

L'analyse a exclu les sujets présentant une histoire d'IDM, d'AVC ou de cancer, ainsi que les sujets présentant un ECG anormal, au repos ou à l'exercice, qui n'atteignaient pas 85% de la fréquence cardiaque prédite à leur âge, présentant un IMC < 18,5 kg/m2, ou qui ont été suivis moins de 1 an avant leur décès.

Les données ont été collectées à l'inclusion, par examen médical, questionnaires standardisés et interview. Sur le plan médical, les mesures portaient sur l'anthropométrie, la glycémie, la pression artérielle (PA), l'ECG, et un test d'effort. Les antécédents familiaux, et les habitudes de vie ont par ailleurs été consignées, notamment la consommation de café, exprimée en nombre de tasses standards par semaine (0-1, 1-7, 8-14, 15-21, 22-28, > 28 tasses/semaine).

Le suivi médian a été de 17 ans, durant lesquels 2 512 décès ont été enregistrés, dont 32% (804) d'origine cardiovasculaire.

Plusieurs modèles d'analyse multivariée ont été utilisés ; le modèle le plus complet comportait des ajustements pour : l'âge, l'année d'inclusion, le tabagisme, la consommation d'alcool, la consommation de thé, de café et/ou de thé décaféiné, la sédentarité, le diabète, l'HTA, l'IMC, la durée de l'effort sur le tapis roulant (avant que le sujet ou le médecin ne l'interrompe).

Dans ce modèle, la consommation la plus élevée de café (> 28 tasses par semaine) était significativement associée à la mortalité toutes causes chez l'homme. Par rapport à une consommation nulle, la consommation maximale est associée à un RR de 1,21 (IC95% [1,04-1,40]).

Par ailleurs, après stratification de la population en classes d'âge, une association est retrouvée entre consommation de café et mortalité toutes causes chez les sujets de moins de 55. Cette fois, l'association est observée dans les deux sexes. Chez les hommes, le RR associé à une consommation > 28 tasses par semaine, par rapport à une consommation nulle, est de 1,56 ([1,30-1,87]), tandis que chez les femmes, le risque atteint 2,13 ([1,26-3,59]).

Le débat n'est pas tranché


Cette surmortalité constatée chez des sujets jeunes, suggère un effet relativement spécifique du café, et non cardiovasculaire - puisque sur ce plan, rien ne sort.

Comme le soulignent les auteurs dans leur discussion, le café est un mélange complexe de milliers de composants. D'un côté, sa consommation apporte des quantités très substantielles d'antioxydants. De l'autre, « il est aussi bien connu que le café a des effets indésirables potentiels, liés aux effets de la caféine : stimulation de la libération d'épinéphrine, inhibition de l'activité de l'insuline, augmentation de la PA et de l'homocystéinémie ».

« Tous ces mécanismes pourraient se contrebalancer », notent les auteurs, en relevant aussi que des facteurs confondants pourraient être associés à la consommation de café. Parmi ceux-ci, on note par exemple la dépression.

Au total donc, les nouveaux résultats renforcent les divers travaux déjà publiés sur un effet délétère des fortes consommations de café, mais sans véritablement trancher le débat. D'où, sans doute, la conclusion infiniment prudente des auteurs, qui estiment que, « sur la base de ce travail, il semble approprié de suggérer que les jeunes devraient éviter la consommation massive de café (à partir de 4 tasses/jour). Les résultats demandent toutefois à être confirmés par des études à mener dans d'autres populations ».

Ce travail a été financé par diverses institutions publiques américaines.

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