Paris, France - Tous les sportifs français n'ont pas les mêmes chances de survie en cas de mort subite : le taux de ressuscitation varie considérablement entre les départements allant de 3,4 à 42,6 % (contre 3 à 5 % pour les morts subites dans la population générale), selon une analyse des retours d'information des SAMU et du registre des morts subites réalisée par l'équipe du Pr Xavier Jouven (Hôpital Européen Georges-Pompidou, Inserm, Paris) et publiée dans l'European Heart Journal[1].
Impact de la sensibilisation du public aux gestes de réanimation
Ces disparités peuvent s'expliquer majoritairement par deux principaux critères : la mise en place immédiate d'une réanimation cardio-respiratoire par un témoin de l'accident, et la possibilité pour les SMUR de réaliser des chocs électriques externes en cas de rythme choquable.
Mais pourquoi le taux de réanimation par les personnes présentes passe de 15,3 à 80,9 % et celui de l'existence de rythme pouvant bénéficier d'un choc électrique externe de 28,6 à 79,1 % ?
Parce que certains départements tels que le Côte d'Or et le Nord ont mis l'accent sur la sensibilisation répétée de la population aux gestes de réanimation.
Des mesures facilement généralisables qui pourraient permettre d'améliorer le pronostic des 800 à 1000 sportifs qui font une mort subite en France, et plus généralement des 40 000 français qui décèdent de cette façon chaque année.
Admission à l'hôpital, sortie de l'hôpital et devenir neurologique
L'étude coordonnée par le Dr Eloi Marijon (HEGP) a inclus les morts subites de sportifs dans 60 départements français entre 2005 et 2010.
Etaient inclus tous les sportifs amateurs ou professionnels âgés de 10 à 75 ans qui ont présenté un arrêt cardio-respiratoire au décours de la pratique d'un sport ou dans l'heure qui a suivi. Pour cela, les auteurs ont recouru au registre national des morts subites, ils ont contacté les SAMU des départements concernés et ont épluché les annonces de décès des quotidiens régionaux.
Ils ont pris en compte les admissions à l'hôpital et le taux de sortie d'hospitalisation.
Le devenir neurologique des survivants a aussi été analysé.
820 patients ; 128 survivants ; un appel au SAMU dans les 2 minutes
Au total, ils ont retenu 820 patients en arrêt cardiaque dont 253 (30,8 %) ont été admis à l'hôpital et 15,7 % (128) ont survécu.
Les patients étaient âgés en moyenne de 46 + /- 15 ans (11 à 75 ans). La majorité était indemne de pathologie ou de facteurs de risque cardio-vasculaire préexistants (88,3 %). La moitié des arrêts cardiaques est survenue au sein d'un complexe sportif (52%) et presque toujours en présence d'un témoin (99,8 %).
Une seconde publication portant sur la même étude, cette fois dans les colonnes du JAMA, apprend en outre que les sportifs victimes de mort subite sont très majoritairement des hommes (20 hommes / 1 femme), et que les sports les plus pratiqués étaient le jogging, la natation et le vélo [2].
En moyenne, une réanimation a été rapidement débutée par l'une des personnes présentes dans 30,7 % des cas.
Le délai entre l'accident et l'appel aux SAMU a été en moyenne de 2 minutes, entre l'arrêt cardiaque et la première tentative de réanimation de 4,8 minutes et de 12,5 minutes entre la mort subite et la première utilisation d'un défibrillateur externe.
De 15,3 à 80,9 % de gestes de réanimation immédiate
Les auteurs ont analysé les caractéristiques de 4 sous-groupes de population en fonction de leur taux de survie à la sortie de l'hôpital : 0-10%, 10-20%, 20-40 % et plus de 40 % de survie. Ils n'ont pas retrouvé de différence en termes d'âge, de sexe, de lieu de survenue de l'accident, de présence de témoin, de type de sport, d'heure de survenue de l'arrêt cardiaque, du jour de la semaine, de délai d'appel du SAMU et de l'intensité de l'effort physique.
En revanche, lorsque le taux de survie est compris entre 0 et 10 %, seuls 15,3 % des patients ont bénéficié de gestes de réanimation rapidement mis en place par des témoins contre 80,9 % dans le groupe « survie supérieure à 40 % ».
De façon similaire, 28,6 % des patients du groupe « survie faible » avaient un rythme choquable à l'arrivée du SMUR contre 79,1 % dans le groupe « survie élevée ».
Le devenir neurologique a par ailleurs été analysé pour 103 des 126 survivants et il était favorable pour 77,4 à 90 % des patients dans les 4 groupes de patients individualisés (différence non significative).
Un plaidoyer pour des campagnes nationales et locales de sensibilisation
Pour les auteurs, c'est la sensibilisation du grand public aux gestes de survie qui fait toute la différence.
Les campagnes nationales menées pendant les 5 années de suivi ont globalement permis de former 11 500 personnes pour 100 000 habitants au massage cardiaque.
Mais à cette moyenne nationale s'ajoutent les résultats d'initiatives locales, d'importances très inégales. Ainsi, dans les régions où le taux de ressuscitation est le plus important, les initiatives locales ont, à elles seules, permis de former, durant la période considérée, 18 833 personnes pour 100 000 habitants, s'ajoutant aux personnes déjà formées par les programmes nationaux. Dans les départements où le taux de survie est le plus faible, les initiatives locales ont touché 758 personnes sur 100 000 habitants.
Un véritable plaidoyer pour la formation du plus grand nombre aux gestes de premier secours, en même temps qu'une reconnaissance de l'importance et de l'efficacité des initiatives locales de formation.
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L'étude a été financée par l'Inserm et le Ministère de la Santé et des Sports. |
Actualités Heartwire © 2013
Citer cet article: Mort subite du sportif : de 3 à 43% de ressuscitations selon les départements ! - Medscape - 21 août 2013.
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