Découverte fortuite d'une PA excessive chez l'enfant : que font les médecins ?

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

5 août 2013

Découverte fortuite d'une PA excessive chez l'enfant : que font les médecins américains ?

Chez les enfants et adolescents américains, la découverte d'une pression artérielle élevée est rarement suivie d'une seconde mesure de contrôle. Lorsque c'est le cas, la confirmation d'une HTA véritable est rare.
5 août 2013

Denver, Etats-Unis - Une pression artérielle (PA) élevée chez les enfants et adolescents est traditionnellement considérée comme une question un peu « à part ». En Europe, elle fait ainsi l'objet de recommandations spécifiques, émises en 2009, les toutes dernières recommandations de 2013 sur l'HTA n'abordant que la question du jeune adulte. Aux Etats-Unis également, les recommandations sont spécifiques. Elles ont été émises pour la première fois en 2004 sous la forme d'un consensus d'experts du National Heart, Lung and Blood Institute, et reprises quasiment à l'identique dans les recommandations de 2011 sur la santé cardiovasculaire des enfants et adolescents.

Les publications sont plutôt rares sur le sujet et on ne sait pas, non plus, comment se comportent les médecins en cas de découverte de chiffres tensionnels anormalement élevés chez un enfant ou un adolescent. Tel était l'objet d'une étude américaine publiée dans Pediatrics [1].

En substance, dans une population âgée de 3 à 17 ans suivie durant 4 ans, une PA élevée a été mesurée dans moins de 10% des cas. La découverte de cette PA élevée incidente devrait normalement faire l'objet d'une seconde mesure de contrôle. Pourtant, à un mois, la PA n'a effectivement été vérifiée que dans 20% des cas.

L'impact de cette négligence sur la santé des jeunes américains est cependant limité par le fait que, lorsqu'une PA élevée, après avoir été dépistée, est correctement suivie, les contrôles n'aboutissent que dans moins de 3% des cas au diagnostic formel d'hypertension (HTA).

Un PAS et/ou une PAD élevée peut être observée de 3 à 17 ans


L'étude a été menée de manière rétrospective dans les bases de données d'assureurs privés de trois états américains (Minnesota, Colorado, Californie du Nord). La période d'étude allait de 2007 à 2010. Les sujets étaient âgés de 3 à 17 ans.

Tous les sujets présentant un diagnostic d'HTA dans leur dossier ont été exclus, ainsi que les sujets atteints d'une pathologie susceptible d'entrainer une HTA.

Afin d'éviter le biais lié à la couverture sociale, tous les sujets inclus devaient être assurés sur le plan médical dans les 6 mois précédant, et dans les 12 mois suivant l'inclusion.

Les dossiers de 72 625 enfants et adolescents ont été analysés.

Parmi eux, 6108, soit 8,4%, ont présenté lors d'une consultation, une pression artérielle systolique (PAS) et / ou une pression artérielle diastolique (PAD) > 95ème percentile selon l'âge, le sexe et la taille.

En ce qui concerne les tranches d'âge, 26,7% de ces sujets étaient âgés de 15 à 17 ans, et 20,8%, de 12 à 14 ans (9-11 ans : 18,9% ; 6-8 ans : 18,5% ; 3-5 ans, 15,1%).

L'élévation de la PAD, à PAS normale, est plus fréquente parmi les très jeunes (43,9% chez les 3-5 ans, contre 19,6% chez les 15-17 ans). Inversement, la proportion d'élévation de la PAS de grade 1 ou 2 est plus importante chez les adolescents.

Les filles constituent 47,9% de l'effectif des enfants avec une mesure anormale de PA. Par ailleurs, 26,7% des sujets ayant présenté une PA élevée étaient obèses et 18% étaient en surcharge pondérale (IMC respectivement > 95ème et > 85ème percentile selon l'âge et le sexe).

Le contrôle devrait être la règle


L'étude évaluait, après un premier résultat élevé, le taux de vérification de la PA par une nouvelle mesure.

En principe, le délai recommandé pour effectuer une nouvelle mesure de la PA est de une à deux semaines. Ce délai a été allongé à un mois par les auteurs.

Même avec cette prorogation, le résultat n'est pas fameux : à 1 mois, la PA n'a en effet été mesurée une seconde fois que chez 20,9% des sujets chez lesquels une valeur élevée avait été trouvée une première fois.

34,9% des sujets sont par ailleurs contrôlés entre 2 et 6 mois après la première mesure, et 18,9% entre 7 et 12 mois. La médiane se situe à 4,7 mois.

En ce qui concerne les facteurs associés à un contrôle dans un délai correct, l'analyse multivariée ne fait ressortir que deux paramètres liés au sujet : l'âge (RR:1,04 ; IC95%[1,02-1,06]), et la régularité dans le recours aux structures de soins (RR:1,07 ; [1,05-1,09]).

Curieusement, ni l'obésité, ni la mesure initiale d'une PAS élevée de grade 2, n'étaient significativement associées à un contrôle de la PA dans un délai raisonnable.

Autre résultat un peu surprenant : c'est lorsque la première mesure a été effectuée pour une visite de routine en soins primaires que le taux de contrôle est le plus faible. En d'autres termes, lorsque l'enfant ou l'adolescent consultant est malade, la mesure de PA effectuée à cette occasion est prise plus au sérieux. Et le ratio est élevé, puisque la probabilité qu'un contrôle soit effectué chez un consultant vu une première fois pour une maladie, est plus de trois fois plus élevée (3,29 en données ajustées) que pour un consultant dont on aura pris la PA lors d'une visite de routine.

« Ce résultat était inattendu, notamment parce que la consultation de routine, est considérée par beaucoup comme le contexte idéal pour s'intéresser à la santé cardiovasculaire de l'enfant », font remarquer les auteurs.

Au final, peu d'HTA, et surtout en cas de PAS élevée


Dernier aspect évalué par l'étude : le taux réel d'HTA parmi les enfants et adolescents chez lesquels une PA élevée a été mesurée une première fois.

Initialement, un chiffre de PAS et/ou de PAD élevé a donc été relevé chez 6108 sujets. Parmi eux, un diagnostic d'HTA a finalement été porté dans 84 cas (1,4%), après trois mesures élevées consécutives dans les 12 mois.

Toutefois, sur l'effectif de départ, la moitié (2998) a finalement bénéficié de trois mesures de la PA dans l'année. Et les 84 diagnostics d'HTA portés représentent alors 2,8% des sujets convenablement suivis après un premier signal.

Une certaine négligence dans le contrôle d'une première mesure de PA élevée, laisserait donc passer la moitié des HTA qui mériteraient d'être diagnostiquées.

« Bien que nos résultats convergent avec des observations antérieures, montrant une certaine sous-reconnaissance de l'HTA dans l'enfance, d'autres facteurs que cette sous-reconnaissance pourrait contribuer à l'absence de suivi » notent les auteurs.

« Le personnel de santé peut reconnaitre une PA élevée, mais reléguer le résultat au rang d'erreur de mesure, ou l'imputer à l'anxiété de l'enfant », estiment-ils. De manière un peu sibylline, ils ajoutent que « le personnel de santé peut percevoir les seuils de PA actuels comme trop bas, avec pour conséquence l'identification de trop d'enfants relevant d'un suivi ».

Facteurs prédictifs de la présence d'une hypertension

Les facteurs prédictifs d'un diagnostic d'HTA pourront peut-être aider à un suivi correct après une première mesure élevée. Il s'agit de la mesure initiale d'une PAS élevée de grade 2 (3,7% des sujets dans ce cas ont eu 3 mesures consécutives élevées) et d'une élévation de la PAS (1,6%).

Les sujets présentant initialement une PAD élevée ont été seulement 0,3% à présenter une PA élevée à trois reprises. Le contrôle d'une PA élevée devrait donc être systématique, mais en particulier dans le cas d'une PAS élevée.


Dans leur conclusion, les auteurs suggèrent, outre des stratégies pouvant améliorer la reconnaissance et le suivi d'une première mesure de PA élevée, une révision des recommandations pour focaliser l'attention sur les enfants et adolescents les plus à risque d'HTA persistante.

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