Prendre un placebo : les patients ne sont pas contre, selon une enquête US
Prescrire un placebo serait-il accepté par les patients ? Une enquête téléphonique réalisée aux Etats-Unis montre que oui, sous condition de transparence de la part du médecin. 26 juillet 2013Bethesda, Etats-Unis - Les patients accepteraient-ils de se voir prescrire un placebo ? Sur la base de différents scénarios, 853 patients américains ont majoritairement répondu par l'affirmative (73,2%) à une enquête téléphonique. Les conditions mises concernaient la transparence des informations données par le médecin sur le « traitement ». Seuls 20,9% des personnes interrogées ont jugées qu'il était inacceptable que les médecins proposent un placebo, selon une étude parue dans le BMJ [1].
Etre informé ou pas
L'utilisation de placebo en pratique clinique a été bien documentée ces dernières années, suggérant que 17 à 80 % des médecins en prescrivent [1]]. Dans une récente étude américaine menée chez les médecins de médecine interne et les rhumatologues, la moitié ont rapporté avoir prescrit des traitements placebo, définis comme des médicaments « dont les bénéfices résultent des attentes des patients plutôt que du mécanisme physiologique ou pharmacologique du traitement en lui-même [2]».
Si le comportement des médecins commence à être connu, celui des patients l'est moins d'où cette grande enquête qui s'est appuyé sur les adultes entre 18 et 75 ans issus de la cohorte Kaiser Permanente Northern California. Toutes les personnes de l'échantillon avaient été vues pour un problème de santé chronique au cours des 6 derniers mois (visite ambulatoire).
Les patients se sont vus proposés une définition de l'effet placebo, à savoir aller mieux après avoir pris un traitement, mais non en raison du traitement en lui-même mais plutôt parce que les patients attendent un bénéfice de ce traitement. Puis quatre scénarios étaient proposés à tous les participants, dont l'un existait en 2 versions : dans l'une le patient était informé que le médecin lui proposait un placebo, dans l'autre pas. Les personnes qui ont acceptées de répondre à l'enquête téléphonique étaient majoritairement des femmes (61,4%), âgées de 45 ans en moyenne.
Echantillon représentatif ?
La plupart (50-84%) ont répondu qu'il était acceptable que le médecin prescrive un placebo, sous réserve qu'il soit convaincu de l'intérêt, du bénéfice du traitement et qu'il soit transparent sur la nature du traitement. Par exemple, dans le scénario où l'on demandait aux patients s'ils étaient d'accord pour prendre un placebo pour une douleur modérée de l'estomac, en étant conscient qu'ils s'agissaient d'un placebo, les deux tiers ont répondu qu'ils prendraient probablement ou surement le traitement dans ces conditions.
L'étude n'est pas sans comporter certains biais. Les auteurs font remarquer que la population était plus éduquée que ne le serait un échantillon représentatif. Interrogé par Medscape, le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et spécialiste du placebo*, souligne lui aussi plusieurs limites à l'étude : le fait que les personnes étaient payées pour répondre à l'étude (bon cadeau d'une valeur équivalente à 15 euros) et le fait qu'elles aient répondu à un questionnaire téléphonique fondé sur des scénarios. « Les choses sont très différentes quand on est en situation ».
En revanche, « il est important que le patient sache. Je considère que donner à l'insu de quelqu'un un placebo « pur » est non-éthique. Il y a des moyens de dire la vérité sans entraver l'effet du placebo » a-t-il considéré.
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*Le Dr Patrick Lemoine est auteur de deux ouvrages « le mystère du placebo » et « le mystère du nocebo », publiés aux Editions Odile Jacob.
Citer cet article: Prendre un placebo : les patients ne sont pas contre, selon une enquête US - Medscape - 26 juil 2013.
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