Amsterdam, Pays-Bas ; Istambul, Turquie ; Cleveland, Etats-Unis - La question d'un éventuel excès d'infarctus (IDM associé au dabigatran (Pradaxa®, Boehringer) pourrait resurgir. Soulevée dans RE-LY, l'hypothèse semblait avoir été écartée par des résultats observationnels danois, publiés en avril dernier dans le Journal de l'American College of Cardiology[1]. Mais voilà que coup sur coup, deux méta-analyses viennent reposer la question.
La première fait l'objet d'une Lettre à l'éditeur, adressée au JACC en réponse à l'article danois [2]. En fait, la critique de l'étude danoise porte non seulement sur les résultats concernant les IDM, mais aussi sur ceux concernant les hémorragies gastro-intestinales (GI).
La seconde a été présentée il y quelques jours par des auteurs belges au XXIVème congrès de l'International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH Amsterdam, 29 juin-4 juillet 2013) [2]. Ici encore, un excès d'IDM est retrouvé, en particulier pour la dose de 2x150 mg/j.
« Cette méta-analyse d'essais randomisés et contrôlés montre de manière robuste que le dabigatran est associé à une augmentation significative du risque d'IDM, en particulier à forte dose (2x150 mg/j) », écrivent les auteurs. En revanche « aucune conclusion solide ne peut être tirée pour la faible dose (2x110 mg/j), en raison du nombre limitée d'étude incluses dans cette méta-analyse ».
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Des résultats observationnels contestés
Parmi ces résultats, deux sont critiqués dans la lettre au JACC : la réduction de 60 à 70% des IDM, d'une part, et la réduction de 40% des saignements GI à la dose de 2x110 mg/j de dabigatran.
S'agissant des IDM, la critique se fonde sur une méta-analyse des essais RE-LY, RE-COVER, RE-DEEM, RE-MEDY, RE-SONATE. Cette méta-analyse montre, elle, non pas une diminution mais une augmentation du risque sous dabigatran : RR=1,48 ; p=0,005.
Les analyses ont été refaites, en retirant chacune des 5 études tour à tour - « y compris l'étude RE-LY qui a suscité l'hypothèse d'une augmentation du risque d'IDM par le dabigatran », notent les auteurs. « Ces analyses complémentaires ne changent pas l'excès significatif d'IDM », indiquent-ils.
S'agissant des hémorragies GI, les auteurs ne proposent pas, cette fois, de méta-analyse, mais s'étonnent du hiatus entre la réduction observée au Danemark sous 2x110 mg/j de dabigatran, et les résultats de RE-LY et de RE-COVER, qui, eux, montraient une augmentation des hémorragies digestives par rapport à la warfarine.
« Les résultats observationnels de Larsen et al et ceux des essais cliniques randomisés et contrôlés montrent des différences significatives en matière d'IDM et de saignements GI avec le dabigatran, mais dans des directions complètement opposées », concluent les auteurs de la lettre au JACC. « Les auteurs [de l'étude danoise] pourraient-ils expliquer leur point de vue sur le risque de facteur confondant résiduel dans leur analyse ? »
Un risque, en particulier à la dose maximale
Seconde inquiétude, concernant les IDM : une méta-analyse présentée à l'ISTH d'Amsterdam. Tous les essais randomisés du dabigatran rapportant des données sur les IDM et les évènements cardiaques ont été inclus dans cette analyse - soit 10 essais au total. Une stratification a été opérée en fonction du comparateur (warfarine, enoxaparine ou placebo), et une autre en fonction de la dose de dabigatran (2x150 mg/j ou 2x110 mg/j).
Parmi 23 839 patients exposés au dabigatran, 292 IDM ont été recensés. Globalement, le risque relatif par rapport au comparateur, est de 1,32 (IC 95% [1,07-1,63] ; p=0,010).
Par rapport à la warfarine, à l'enoxaparine et au placebo, les risques relatifs ressortent respectivement à 1,38 ([1,08-1,77] ; p=0,009), 0,96 ([0,57-1,60] ; p=0,869), et 1,70 ([0,80-3,58] ; p=0,165).
S'agissant des doses, le risque relatif associé à la dose de 2x150 mg/j est globalement de 1,45 ([1,10-1,90] ; p=0,008) et de 1,41 par rapport à la warfarine ([1,07-1,88] ; p=0,016). Pour la dose de 2x110 mg/j, le risque est globalement de 1,33 ([0,99-1,77] ; p=0,057).
En revanche, aucune association n'a été retrouvée entre les autres évènements cardiaques (n=841) et le dabigatran.
Les auteurs ajoutent que « l'analyse de sensibilité conserve une augmentation significative des IDM associée au dabigatran comparé à la warfarine », qu'aucun « biais de publication n'a été trouvé, et que l'hétérogénéité est négligeable ».
La conclusion est très directe. « Les professionnels de santé et les régulateurs devraient envisager des stratégies appropriées pour éviter de tels effets adverses. La limitation de l'utilisation du dabigatran chez les patients à haut risque ou atteints de maladie coronaire, l'utilisation simultanée d'aspirine, ou le passage à un inhibiteur du facteur Xa devrait être soigneusement considéré ».
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Ilke Sipahi, Seden Celik et Ahmet Akyol, auteurs de la lettre au JACC déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêt. Les éventuels conflits d'intérêt de Jonathan Douxfils ne sont pas mentionnés sur le site de l'ISTH. |
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Citer cet article: Sur-risque d'infarctus sous dabigatran : l'hypothèse pourrait se confirmer - Medscape - 12 juil 2013.
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