L'insuline hors de cause dans la surmortalité CV des diabétiques dans ACCORD

Vincent Bargoin

1er juillet 2013

Chicago, Etats-Unis - On se souvient du résultat de l'essai ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) : le traitement intensif du diabète de type 2 chez des patients à haut risque CV, s'était soldé par une augmentation de la mortalité CV et toutes causes confondues - laquelle augmentation avait conduit à l'interruption de l'essai en 2008. Le résultat était suffisamment inattendu pour avoir été approfondi. Sans succès : aucune analyse post hoc n'a permis d'incriminer les hypoglycémies, une réduction trop rapide de la glycémie, l'un des traitements en particulier…

La question demeure. Mais lors du congrès de l'American Diabetes Association 2013, une nouvelle analyse, présentée par le Dr Elias Siraj (Temple University School of Medicine, Philadelphie, Etats-Unis) a au moins permis de mettre hors de cause les fortes doses d'insuline utilisées dans l'excès de mortalité cardiovasculaire [1].

L'association en analyse univariée n'est pas retrouvée sur les données ajustées

L'hypothèse d'une responsabilité de l'insuline pouvait être soulevée. Des données épidémiologiques associent en effet l'hyperinsulinisme à la survenue d'évènements cardiovasculaires, tandis que certaines études très limitées ont associé le traitement par insuline à un excès de mortalité. Ces notions sont donc démenties.

Les données de 10 163 participants à l'étude ACCORD ont été reprises, soit la quasi-totalité de l'effectif (n=10 251). La mortalité cardiovasculaire a été analysée en fonction de la dose moyenne quotidienne d'insuline administrée. Quatre modèles d'ajustement ont été utilisés, incorporant un nombre croissant de variables relatives aux patients et aux traitements.

En l'absence d'ajustement, l'exposition quotidienne à l'insuline est clairement associée à une surmortalité cardiovasculaire. Mais ce résultat n'est retrouvé dans aucun des modèles ajusté. Le Dr Siraj a notamment souligné le peu d'effet de l'incorporation, dans le modèle, de l'HbA1c ou des hypoglycémies sévères.

Relation entre exposition à l'insuline et mortalité cardiovasculaire dans ACCORD (RR ; [IC 95%] ; p)

Analyse univariée
Modèle 1
Modèle 2
Modèle 3
Modèle 4
Insuline totale
1,83 ; [1,45-2,31] ; <0,0001
1,21 ; [0,92-1,6] ; 0,1726
1,21 ; [0,91-1,61] ; 0,1912
1,12 ; [0,84-1,49] ; 0,4540
0,99 ; [0,74-1,34] ; 0,9693
Insuline basale
2,29 ; [1,62-3,23] ; <0,0001
1,3 ; [0,87-1,94] ; 0,2073
1,29 ; [0,85-1,95] ; 0,2272
1,13 ; [0,74-1,72] ; 0,5636
0,94 ; [061-1,46] ; 0,7955
Insuline bolus
3,36 ; [2-5,66] ; <0,0001
1,65 ; [0,88-3,11] ; 0,1172
1,63 ; [0,85-3,12] ; 0,1399
1,48 ; [0,77-2,84] ; 0,2365
1,23 ; [0,63-2,4] ; 0,5478

Modèle 1 : 14 caractéristiques initiales du patient. Modèle 2 : Modèle 1 + affectation aux bras "hypertension" et "lipide" d'ACCORD + hypoglycémies sévères + variations de poids. Modèle 3 : Modèle 2 + HbA1c actualisée. Modèle 4 : Modèle 3 + affectation au contrôle intensif ou habituel de la glycémie.

« Ces résultats ne sont pas en faveur d'un rôle causal direct de l'utilisation intensive de l'insuline dans l'augmentation du risque cardiovasculaire », a résumé le Dr Siraj, en soulignant toutefois qu'il s'agissait d'une analyse post hoc, et que l'étude elle-même n'était pas spécifiquement conçue pour répondre à la question. « Le résultat contribue à la littérature, alimente le débat, mais je ne peux affirmer qu'il s'agit d'une analyse concluante, même si elle est importante ».

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