Chicago, Etats-Unis — Les résultats de l'essai randomisé Look AHEAD (Action for Health in Diabetes) sont décevants : les patients diabétiques de type 2 obèses ou en surpoids qui perdent 7% de leur poids, et qui maintiennent cette baisse pendant une dizaine d'années, n'en tirent pas de bénéfice en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire. [1]
Ces résultats définitifs présentés au congrès de l'Americain Diabetes Asssociation (ADA) ne sont pas vraiment une surprise puisque l'essai avait été interrompu par le National Institute of Health (le sponsor majoritaire) à l'automne dernier du fait de l'absence de différence entre le groupe de patients suivant un programme intensif conçu pour perdre du poids et le groupe de patients suivant un programme d'éducation et de soutien classique pour les diabétiques.
Les auteurs de l'étude encouragent tout de même les diabétiques de type 2 obèses ou en surpoids à faire plus d'activité physique et à réduire leurs apports caloriques car l'essai confirme les bénéfices de la perte de poids en termes de qualité de vie, de complications microvasculaires, d'apnée du sommeil, du risque de dépression, d'incontinence urinaire et de coûts de santé.
« L'étude montre que les diabétiques de type 2 obèses ou en surpoids peuvent perdre du poids et en tirer de nombreux bénéfices. Ces résultats vont donc dans le sens des recommandations qui encouragent les diabétiques de type 2 obèses ou en surpoids à faire plus d'activité physique et à perdre du poids pour améliorer leur santé », a commenté le Dr Griffin P. Rodgers (Directeur du National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases, National Institutes of Health) lors d'une conférence de presse à l'ADA [2].
Un premier essai sur le long terme
C'est sur la base d'études à court terme, qu'il est aujourd'hui recommandé aux patients diabétiques de type 2 obèses de perdre du poids.
« Les effets cardiovasculaires à long terme de cette stratégie ne sont pas connus » notent les auteurs, le Pr Rena Wing et coll. (Professeur de psychiatrie et de comportement humain, Alpert Medical School, Brown University, Providence, Etats-Unis) dans un article publié simultanément dans le New England Journal of Medicine [2,][3].
Pour évaluer la protection cardiovasculaire à long terme, les auteurs ont enrôlé 5145 patients de 45 à 76 ans en surpoids ou obèses (IMC> 25 kg/m²) et atteints d'un diabète de type 2.
Les participants, provenant de 16 centres aux Etats-Unis, ont été randomisés en deux groupes. Dans le groupe « intervention », les patients ont réduit leur apport calorique et augmenté leur activité physique (175 minutes par semaine sur toute la durée du suivi) afin de perdre 7% de leur poids et de maintenir cette baisse pendant les 10 ans de suivi. Dans le groupe « contrôle », les patients ont bénéficié, 3 fois l'an, de sessions d'éducation thérapeutique sur la prise en charge de la maladie incluant des conseils en matière de nutrition, d'activité physique et de soutien social.
Le critère primaire de jugement est un critère composite associant la mortalité cardiovasculaire, les infarctus du myocarde non mortels, les AVC non mortels ou l'hospitalisation pour un angor sur un suivi maximum de 13,5 ans.
L'essai a été stoppé prématurément, après un suivi moyen de 9,6 ans [8,9 à 10,3 ans] en raison de résultats préliminaires indiquant clairement qu'un suivi plus prolongé ne modifierait pas les résultats.
Moins de 4% des participants ont été perdus de vue.
Pas de protection cardiovasculaire
Bien que les participants du groupe intervention aient perdu, en moyenne, 8,6% de leur poids la première année, et maintenu une perte de poids de 6% jusqu'à la fin de l'intervention, aucune protection cardiovasculaire n'est observée par rapport aux patients du groupe contrôle qui ont, eux, perdu 0,7% de leur poids la première année et 3,5% de leur poids, en moyenne, à la fin du suivi.
Le critère principal composite associant la mortalité cardiovasculaire, les infarctus du myocarde non mortels, les AVC non mortels ou l'hospitalisation pour angine de poitrine survient chez
403 patients du groupe intervention et chez 418 patients du groupe contrôle, soit 1,83 et 1,92 événements pour 100 personnes-années, respectivement (RR 0,95%, IC95% [0,83-1,09] ; p=0,51).
En outre, aucune différence significative n'est observée entre les deux groupes sur les critères composites secondaires pré-spécifiés ou sur les événements cardiovasculaires composant ces critères (mortalité, mortalité cardiovasculaire, IDM, AVC, insuffisance cardiaque, angine de poitrine…).
Des bénéfices qui s'estompent dans le temps
Au cours de la première année de suivi; les patients du groupe intervention ont de meilleurs résultats que les patients du groupe contrôle en termes d'hémoglobine glyquée et pour tous les autres facteurs de risque cardiovasculaire mesurés sauf pour le LDL cholestérol. Cependant, la différence entre les groupes s'estompe dans le temps. Elle reste la plus marquée pour l'hémoglobine glyquée et la pression artérielle systolique.
Pourquoi ces résultats négatifs ?
Les auteurs avancent plusieurs hypothèses pour expliquer ces résultats inattendus. L'une d'elle est que l'étude manque de puissance pour mettre en évidence une différence. « Cependant, nous ne croyons pas que cela puisse expliquer ces résultats négatifs », précisent-ils.
Autre possibilité : une perte de poids plus importante est peut être nécessaire pour faire chuter le risque cardiovasculaire. En ce sens, les auteurs indiquent que la différence de poids entre les deux groupes est de 4% au début de l'étude et seulement de 2,5% à la fin du suivi. Cependant, ils remarquent que la perte de poids observée avec le programme intensif est « représentative du mieux que l'on puisse obtenir avec les méthodes actuelles ».
Enfin, la troisième et la plus plausible des pistes est que les sessions d'éducation thérapeutique, d'une part, et l'utilisation plus importante des statines dans le groupe contrôle, d'autre part, a pu lisser la différence entre les deux groupes. Les auteurs soulignent que l'utilisation de traitements antihypertenseurs, de statines et d'insuline était moindre dans le groupe intervention.
Aussi, l'intensification de la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires en routine dans les deux groupes a pu masquer les bénéfices du programme intensif pour perdre du poids.
L'étude a été principalement financée par le NIH. Les liens d'intérêts des auteurs sont listés dans le numéro du NEJM. |
Actualités Heartwire © 2013
Citer cet article: Diabétiques en surpoids : pas de bénéfice cardiovasculaire après 10 ans de programme d'intervention - Medscape - 26 juin 2013.
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