Ca et Mg seraient sans effet sur la neurotoxicité de l'oxaliplatine
L'administration IV de de calcium et de magnésium ne prévient pas la neurotoxicité de l'oxaliplatine. Ce résultat d'une étude randomisée pourrait remettre en question une pratique de 10 ans. 17 juin 2013Chicago, Etats-Unis - Selon une étude américaine présentée au congrès de l'American Society of Clinical Oncology 2013 (ASCO), le calcium et le magnésium ne réduiraient pas la neurotoxicité de l'oxaliplatine [1].
L'oxaliplatine est utilisé notamment contre le cancer du côlon. Il est connu pour sa neurotoxicité, celle-ci pouvant être cause de réductions de doses, et de retards voire d'abandon de traitement.
Pour tenter de réduire cette neurotoxicité, une pratique courante consiste à administrer du Ca et du Mg en IV avant et après la chimiothérapie. C'est cette pratique que les résultats présentés remettent en question. Non qu'elle soit délétère, mais elle n'apporte rien et allonge encore les procédures, tant pour les patients que pour le personnel.
Une étude randomisée
Les résultats présentés par le Dr Charles Loprinzi (Mayo Clinic, Rochester) ont été obtenus dans le cadre d'un essai randomisé. Ils portent sur 353 patients traités pour cancer du côlon par une combinaison de 5-fluoro-uracil, d'oxaliplatine et de leucovorine (FOLFOX).
Ces patients ont été randomisés en trois bras :
1 g de gluconate de Ca et 1 mg de sulfate de Mg en IV avant et après chimiothérapie.
Idem avant chimiothérapie et placebo après.
Placebo et placebo avant et après chimiothérapie.
La neurotoxicité de l'oxaliplatine, évaluée par les patients à partir de questionnaires, est apparue identique d'un groupe à l'autre, qu'il s'agisse de la toxicité aiguë ou cumulée. Par ailleurs, aucune différence significative quant aux doses de chimiothérapies administrées, et aux taux d'interruption de traitement, n'est apparue entre groupe.
« Les résultats sont très clairs » a estimé le Dr Richard Wilson (Belfast, Irlande du Nord), en commentant la présentation, ajoutant qu'ils devraient, selon lui, conduire à « changer les pratiques ».
Au départ, une étude française
Cette pratique a en fait commencé en 2004, avec la publication par une équipe d'Angers, d'une étude rétrospective sur 161 patients, montrant, chez les 96 patients recevant du Ca/Mg avant et après chimiothérapie, un taux d'abandon de traitement de 4%, contre 31% chez les 65 patients non traités par Ca/Mg [2].
L'étude n'étant pas randomisée, la conclusion des auteurs restait prudente : « Les perfusions de Ca/Mg semblent réduire l'incidence des symptômes aigus induits par l'oxaliplatine, et pourraient retarder les neuropathies cumulatives, en particulier lorsque l'oxaliplatine est administré à la dose de 85 mg/ m2 », dose la plus faible utilisée dans l'étude.
Outre ses résultats, l'essai s'appuyait sur un rationnel biologique. L'un des métabolites de l'oxaliplatine est l'oxalate, qui pourrait agir sur les canaux Na voltage-dépendants des neurones. L'idée était donc d'utiliser les propriétés chélatante du Ca et du Mg vis-à-vis de l'oxalate.
La pratique s'est largement répandue, sans jamais être véritablement validée. Le Dr Loprinzi a rapporté que deux essais, destinés, justement, à obtenir cette validation, avait dû être interrompus prématurément, des analyses intermédiaires suggérant une interaction du Ca/Mg avec la chimiothérapie. L'hypothèse a été démentie. Mais l'effet neuroprotecteur du Ca/Mg est, lui, resté en suspens.
Il n'est pas certain que les résultats américains convainquent tous les centres d'arrêter cette pratique ; peut-être certains continueront-ils, « au cas où… ». Mais l'aspect positif de ces résultats est qu'ils obligent à reposer la question des effets secondaires graves de l'oxaliplatine, là où on s'était peut-être un peu reposé, durant 10 ans, sur une pratique qui se révèle finalement inefficace.
Citer cet article: Ca et Mg seraient sans effet sur la neurotoxicité de l'oxaliplatine - Medscape - 17 juin 2013.
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