Insuffisance hépatique aiguë : vigilance accrue envers le paracétamol
Le paracétamol peut provoquer ou aggraver une insuffisance hépatique aiguë à des doses thérapeutiques. Il est recommandé d'élargir l'indication du traitement en urgence par N-acétylcystéine 10 juin 2013Paris, France - Même si l'intoxication au paracétamol n'est pas suspectée, il est recommandé d'administrer un traitement en urgence par N-acétylcystéine pour toutes les situations où existe un œdème cérébral chez les patients en insuffisance hépatique aiguë, a rappelé le Pr Gilles Potel, chef du service d'urgences du CHU de Nantes, lors du congrès Urgences 2013, à Paris [1]. Le traitement doit aussi être envisagé pour les patients alcooliques chroniques consommant du paracétamol à des doses thérapeutiques.
« En France, l'hépatotoxicité des médicaments, bien que rare, est estimée à 14 cas pour 100 000 habitants par an, dont 12% feront l'objet d'une hospitalisation et 6% décèderont », a souligné le Pr Potel.
La principale cause d'insuffisance hépatique aigue (IHA) est l'intoxication au paracétamol, dont l'incidence est croissante dans les pays développés en raison d'une banalisation de la consommation de ce médicament. Aux Etats-Unis, elle est responsable de la moitié des IHA.
La dose maximale de paracétamol autorisée en France est de 4g/jour chez l'adulte, avec un seuil de toxicité de 10 grammes en une prise, et 150 mg/kg chez l'enfant. L'effet toxique du paracétamol est dû à l'épuisement des réserves de glutathion, nécessaire à l'élimination de l'un des métabolites du médicament.
Pour éviter l'hépatite fulgurante et la transplantation hépatique, l'intoxication au paracétamol doit être traitée en urgence par injection en intraveineuse de N-acétylcystéine, un acide aminé qui fait figure d'antidote en stimulant la production de glutathion.
L'administration précoce de N-acétylcystéine est à envisager dans tous les cas d'intoxication au paracétamol, « mais aussi dans toutes les situations où existe un œdème cérébral » en lien avec une IHA, même si l'intoxication au paracétamol n'est pas suspectée, a souligné le Pr Potel.
Non seulement, la N-acétylcystéine permet de protéger le patient des effets potentiellement aggravants d'une prise récente de paracétamol, mais il améliorerait également les paramètres hémodynamiques au cours d'une insuffisance hépatique et favoriserait ainsi la réduction de l'œdème [2].
Risque de « mésaventure » thérapeutique
Le traitement est, par ailleurs, recommandé pour « les patients avec alcoolisme chronique ayant consommé du paracétamol à des doses thérapeutiques, afin d'éviter ce que la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE) a nommé la « mésaventure » thérapeutique au paracétamol », a ajouté le Pr Potel.
La « mésaventure » au paracétamol est une insuffisance hépatique aiguë survenant au cours d'un traitement sans surdosage chez des buveurs excessifs chroniques, l'alcool entrainant une déplétion hépatique en glutathion.
Selon le Pr Potel, « la prise de paracétamol à des doses thérapeutiques pendant la phase pseudo-grippale d'une hépatite chez un buveur excessif est une situation particulièrement dangereuse ».
Il estime que « l'administration de N-acétylcystéine doit devenir un réflexe lorsqu'il y a un risque de mésaventure au paracétamol ».
Le paracétamol, sous toutes ses formes, est le médicament le plus vendu en France. Selon l'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), près de 500 millions de boites ont été vendues en 2011, soit près de la moitié de l'ensemble des boites de médicaments écoulées en pharmacie [3].
Dans les pays développés, l'incidence des IHA d'origine virale a fortement diminué ces dix dernières années, notamment grâce à la vaccination, tandis que celle des IHA d'origine médicamenteuse s'est élevée.
Le virus de l'hépatite A reste exceptionnellement à l'origine d'une IHA. Le virus de l'hépatite B est responsable de 30% des cas (moins de 4% des hépatites B), le reste étant attribués à d'autres virus hépatotropes comme le cytomégalovirus ou le virus Epstein-Barr.
Citer cet article: Insuffisance hépatique aiguë : vigilance accrue envers le paracétamol - Medscape - 10 juin 2013.
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