Les cosmétiques contenant des protéines peuvent-ils induire une allergie alimentaire ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

3 mai 2013

Les cosmétiques aux protéines peuvent-ils induire une allergie alimentaire ?

Le débat sur la sécurité d'utilisation des cosmétiques à base de protéines alimentaires n'est pas tranché mais les dernières études sont rassurantes, y compris chez les allergiques.
3 mai 2013

Paris, France -- « Beaucoup de cosmétiques contiennent des protéines alimentaires comme l'avoine, le blé, le sésame, l'amande, le lait, l'œuf ou l'arachide. Ces protéines peuvent être utilisées sous forme d'hydrolysats, notamment pour leurs qualités d'émulsifiant, d'autres sont utilisées pour leur qualités anti-inflammatoires et anti-prurigineuses voire anti-oxydantes. Différents auteurs font état de réactions allergiques à la suite de leur utilisation. Cependant, plusieurs études montrent la bonne tolérance de ces cosmétiques, y compris chez des patients atopiques. De rares cas font état à la fois d'une sensibilisation de contact à une protéine contenue dans un cosmétique et d'une allergie alimentaire secondaire à cette sensibilisation. A l'inverse certains auteurs mentionnent explicitement la bonne tolérance de la protéine présente dans le cosmétique, y compris en cas d'IgE positives. Lors de la conférence de presse du Congrès Français d'Allergologie, le Dr Anne Tsicopoulos, pneumo-allergologue (Lille) et membre du comité d'organisation a fait le point sur la question en s'appuyant sur la communication du Dr Anne-Claire Bursztejn (dermatologue, Nancy) au congrès [1].

Atopie et allergies alimentaires : les chiffres

Le nombre de patients atopiques est de 10 à 20% dans les pays industrialisés. Parmi ces patients, la proportion de patients avec allergie alimentaire pourrait atteindre 30 à 60% des enfants de moins de 6 ans (avec une dermatite atopique sévère ne répondant pas aux traitements anti-inflammatoires). Enfin, les allergies alimentaires sont des allergies aux céréales dans 3 à 4% des cas, et une allergie à l'arachide dans 25 à 40% des cas.



Est-il possible de se sensibiliser par voie cutanée ?


Est-ce qu'un sujet qui met des cosmétiques contenant des protéines alimentaires peut se sensibiliser à ces protéines alimentaires ? Ce risque est-il accru chez un patient atopique ? « Différentes études font effectivement état d'un eczéma ou d'une urticaire de contact à la suite de l'utilisation de cosmétiques contenant des protéines alimentaires, comme l'huile de sésame, mais surtout l'avoine, le blé, l'amande. Même si cette observation n'est sans doute que le reflet de l'utilisation prépondérante de certains cosmétiques au détriment d'autres plutôt que le reflet d'un pouvoir sensibilisant plus important » selon le Dr Anne-Claire Bursztejn. « En plus, on retrouve des IgE spécifiques, indique le Dr Tsicopoulos. Ce qui montre bien qu'une sensibilisation cutanée est possible ».

Cependant, plusieurs études montrent la bonne tolérance des cosmétiques contenant des protéines alimentaires, y compris chez des patients atopiques. On peut citer les études suivantes :

  • Pigatto a évalué le taux de sensibilisation à l'avoine chez des enfants atopiques de moins de 2 ans ainsi que chez des sujets contrôles. La conclusion des auteurs était l'absence de risque à utiliser ce type de traitement chez des patients atopiques [2].

  • Kull n'a pas montré de lien évident entre l'utilisation d'une crème à base d'huile d'arachide et la sensibilisation à cette même protéine [3].


Quel risque d'allergie alimentaire secondaire à une sensibilisation par voie cutanée ?


Là encore, les études sont assez contradictoires.

De rares cas font état à la fois d'une sensibilisation de contact à une protéine contenue dans un cosmétique et d'une allergie alimentaire secondaire à cette sensibilisation, comprenant les hydrolysats de protéines de blé, le blé et l'avoine. A ce titre, l'étude de Lack[4] est intéressante, indique le Dr Tsicopoulos. Elle semble démontrer sur une série de cas que la voie de sensibilisation cutanée pourrait être responsable d'allergies alimentaires à l'arachide. Les enfants exposés à des topiques contenant de l'huile d'arachide présentaient significativement plus (6 fois plus) d'allergie à l'arachide avec test de provocation orale positif que les enfants qui n'avaient pas été exposés à ces mêmes topiques. L'absence de sensibilisation in utero chez ces enfants était attestée par l'absence de consommation d'arachide au cours de la grossesse par les mères et un taux d'IgE spécifiques négatif dans le sang de cordon. Mais, à l'inverse, certaines études mentionnent explicitement la bonne tolérance de l'aliment, y compris en cas d'IgE positives.

Comment affirmer l'allergie alimentaire ? d'après le Dr Anne-Claire Bursztejn

Afin d'affirmer l'allergie alimentaire, les tests allergologiques sont nécessaires et notamment un test de provocation orale, la présence d'IgE spécifiques ou un prick test positif ne permettant pas de prédire le risque de manifestation immédiate en cas d'ingestion de la protéine.

Il ne semble donc pas adapté de contre-indiquer a priori la consommation des protéines alimentaires, à l'exception peut-être, des hydrolysats de blé qui sont plus fréquemment associés à la fois à des manifestations cutanées et à une allergie alimentaire.



Peut-on utiliser ces topiques chez des patients allergiques ?


« Là encore, les études sont contradictoires : certaines montrent une aggravation, d'autres aucune modification.  Donc, généralement ce que l'on propose si on sait que le patient est allergique, c'est de tester l'émollient (tests épicutanés, tests d'application répétée) pour vérifier l'absence de réaction », explique le Dr Tsicopoulos.

Comment tester les patients suspects d'allergie de contact à des protéines alimentaires ? D'après le Dr Anne-Claire Bursztejn

Les différents cas cliniques rapportés montrent que les réactions peuvent être complexes combinant à la fois des mécanismes immunologiques immédiat et retardé. Il apparaît donc important de réaliser à la fois des tests épicutanés à l'aide des critères de lecture de l'ICDRG à 48 et 96h. Les cosmétiques utilisés ainsi que le détail de ces produits doivent être testés. Les tests d'application répétée sont utiles dans tous les cas douteux. Des prick tests avec les cosmétiques et leurs composés doivent être réalisés, en particulier en cas de réaction immédiate. En cas de réaction immédiate lors d'un test, le dosage des IgE spécifiques pour la protéine concernée doit être effectué. En cas de doute, un test de provocation orale doit être réalisé afin d'affirmer ou non l'existence d'une allergie alimentaire associée.


En conclusion, « le débat concernant la sécurité de l'utilisation des cosmétiques perdure. Mais, globalement, les dernières études publiées montrent la bonne tolérance de ces derniers y compris chez des patients allergiques » rassure le Dr Tsicopoulos.

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