Danger du Bisphénol A: verdict confirmé par l'Anses
Un rapport de l'Anses souligne un risque lié au bisphénol A pour le développement de la glande mammaire chez les enfants à naître des mères exposées. Problème : il n'existe pas de substitut en vue. 9 avril 2013Paris, France - L'Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail (Anses) vient de publier son rapport sur les risques sanitaires liés au bisphénol A. Il est accompagné d'un état des lieux sur les alternatives au bisphénol A, d'une évaluation des dangers d'autres composés de la famille des bisphénols, et d'un rapport sur les incertitudes concernant les perturbateurs endocriniens.
L'évaluation du bisphénol A ne peut en effet s'abstraire du contexte d'une multiplication des perturbateurs endocriniens dans l'environnement. « Nous avons tenu compte du paysage sanitaire pointé par l'OMS, c'est-à-dire l'émergence de pathologies en rapport avec ces perturbateurs », souligne ainsi Dominique Gombert (Directeur de l'évaluation des risques à l'Anses).
En substance, « l'avis publié ce jour confirme les effets sanitaires du bisphénol A pointé par l'Agence en septembre 2011, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l'enfant à naître », indique le rapport.
La nouveauté de la nouvelle évaluation est qu'elle prend en compte une estimation des expositions non seulement alimentaires, mais aussi par inhalation et par voie cutanée (papier thermique, notamment).
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Formellement, le risque est démontré chez l'animal, et seulement fortement suspecté chez l'homme, à partir de la caractérisation des expositions. Le rapport parle d'ailleurs de « risque potentiel pour l'enfant à naître des femmes enceintes exposées », et qualifie « le niveau de confiance » de « modéré au regard de l'état actuel des connaissances et des incertitudes ».
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On note que si le risque ne pourra être démontré chez l'homme que par un suivi épidémiologique adéquat, la nature du risque, ou au moins, de l'un des risques, est bien identifié. Il s'agit d'une modification de la structure de la glande mammaire, qui pourrait favoriser un développement tumoral ultérieur. Ce risque concernerait les deux sexes.
Chez l'enfant à naître, toujours, des effets sur le cerveau et le comportement, l'appareil reproducteur féminin, et le métabolisme et l'obésité, ont également été envisagés, mais ils semblent correspondre à des doses internes de bisphénol A plus élevées. L'effet sur la glande mammaire interviendrait, lui, pour des doses plus faibles encore.
Doses pouvant provoquer des effets critiques selon l'appareil Appareil |
Etude |
Voie d'exposition |
Dose interne seuil de l'effet critique (µg/kg/j) |
Cerveau et comportement |
Xu et coll. 2010 |
Orale |
0,005 |
Appareil reproducteur féminin |
Rubin et coll. 2001 |
Orale |
0,01 |
Métabolisme et obésité |
Miyawaki et coll. 2007 |
Orale |
0,009 |
Glande mammaire |
Moral et coll. 2008 |
Orale |
0,0025 |
Réflexion sur la mission publique d'évaluation
Une limitation évidente des conclusions de l'Anses est qu'elles ne portent que sur les femmes enceintes. « Les lacunes dans les connaissances relatives à d'autres populations sensibles, notamment les jeunes enfants, n'ont pas permis à l'Agence de mener à bien l'évaluation des risques pour ces populations », indique le rapport.
Consciente de ces limitations, l'Agence recommande d'ailleurs « d'acquérir des données scientifiques nouvelles sur la toxicité du bisphénol A, en particulier pour les populations les plus sensibles, et de mieux caractériser les expositions ».
Sur le plan méthodologique, elle recommande de revoir la pertinence des valeurs toxicologiques de référence lorsque la tranche d'âge vulnérable n'est pas connue, et d'intégrer systématiquement une analyse interdisciplinaire des incertitudes dans l'évaluation des risques. Il est en effet toujours beaucoup plus facile d'écarter, ou au moins de minimiser un risque pour qui n'est pas de la spécialité.
En clair, tout montre aujourd'hui que le dispositif public d'évaluation doit être renforcé.
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Pour le moment, une loi protégeant les consommateurs, mais pas de substitut
Même si les connaissances restent minces, celles dont on dispose suffisent à justifier la loi de novembre 2012, votée à la suite de l'avis rendu par l'Anses en septembre 2011, et visant « la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A ».
« Cette loi permettra de réduire considérablement l'exposition alimentaire des femmes enceintes », estime Dominique Gombert.
L'Agence rappelle d'ailleurs la pertinence, pour le consommateur, des recommandations émises dans ses avis précédents.
Enfin, s'agissant des substituts au bisphénol A, l'Agence, maniant la double négation « n'encourage pas à utiliser d'autres bisphénols ». En effet, comme on en sait encore moins sur ces molécules que sur le bisphénol A, les autoriser reviendrait à repartir pour des années d'incertitude.
D'une manière générale, les industriels semblent peu diserts sur les alternatives. « On a très peu d'information sur les substituts au bisphénol A », déplore le Pr Lafargues. Mais d'après certaines données, « les aliments acides poseraient des problèmes ». Toutefois, « clairement, la balle est dans le camp des industriels ».
Citer cet article: Danger du bisphénol A : verdict confirmé par l'Anses - Medscape - 9 avr 2013.
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