Plus d'un pour cent des diabétiques 2 ferait une hypoglycémie sévère par an
Une enquête menée à Grenoble sur les hypoglycémies iatrogènes sévères du diabète 2 esquisse un portrait étonnant d'une complication très sous-estimée et mal répertoriée. 2 avril 2013Montpellier, France - L'enquête menée à Grenoble auprès des pompiers, du SAMU, des services d'urgence du CHU de Grenoble et jusque dans les dossiers patients... dresse un premier portrait des hypoglycémies iatrogènes sévères chez les diabétiques de type 2. Ses premiers résultats, dont certains surprenants, ont été présentés en avant-première au congrès de la Société Francophone du Diabète (SFD) à Montpellier par le Pr Serge Halimi (Grenoble). [1]
Un coût estimé à 12 milliards de dollars par an aux Etats-Unis
On manque totalement de données sur les hyperglycémies sévères iatrogènes en France. « Et ne comptez pas sur le PMSI pour vous en apporter » explique d'entrée Serge Halimi.
Or, aux Etats Unis, parmi les patients de plus de 65 ans hospitalisés pour iatrogénie, une étude publiée dans le NEJM en 2011 pointe les 4 premières causes identifiées : AVK (33%), insuline, antiagrégants et antidiabétiques oraux (ADO). [2]
« Les antidiabétiques oraux arrivent donc aux Etats-Unis en quatrième position des motifs d'hospitalisation pour iatrogénie des plus de 65 ans ».
« Un travail présenté à l'EASD 2012 à Berlin (Poster de G Singh et coll., université de Paolo Alto) a de son côté chiffré le nombre et le coût des hospitalisations pour hypoglycémies chez les diabétiques de type 2 sur l'année 2009 aux Etats-Unis. Il montre que ces hospitalisations représentent 3,5% des hospitalisations pour diabète 2 et 1,3 millions de jours d'hospitalisations en 2009 (durée moyenne de séjour : 7,8 jours). Soit un coût total de 12 milliards de dollars/an (50.000 dollars/hospitalisation) ».
Etude rétrospective sur le bassin de population de Grenoble
« L'étude a été menée sur le territoire de Grenoble, sans aucun financement » souligne Serge Halimi « et avec l'aide très précieuse d'étudiants en pharmacie (thèses). Elle visait à identifier/analyser les hypoglycémies sévères - (définition = besoin d'aide d'une tierce personne) - chez tous les diabétiques (types 1 et 2). Mais seules les data concernant le diabète 2 sont présentées ici » précise S Halimi.
Les données ont été recherchées dans le PMSI du CHU (référence/hospitalisation pour hypoglycémie), dans le PMSI de traumatologie (1 hypo/300 dossiers), dans les archives des pompiers, du SAMU, du service d'accueil des urgences (SAU) du CHU et d'autres secteurs proches et jusque dans les dossiers patients.
« Nous avons aussi recherché le devenir des patients en sortie de SAU. Ce travail permettra donc de dessiner non seulement la typographie des patients mais aussi leur "parcours patient" (avant /pendant/après) en collaboration avec l'ARS ».
L'enquête a retrouvé, sur l'année 2010, un total de 99 patients et 105 hypoglycémies sévères. Sur une population de 460 000 personnes dont 4% de diabétiques de type 2, soit environ 17 000 diabétiques 2.
Extrapolé à la population française, le nombre d'hypoglycémies sévères pourraient être de 25 000 par an représentant un coût de 125 millions d'euros...
« Cette enquête met en évidence un taux d'hypoglycémies sévères autour de 1/100 patients/an. Et ce taux est très largement sous-estimé: on passe probablement à côté de 2/3 des cas » souligne Serge Halimi.
Implication importante des ADO : forte représentation du répaglinide
Ces diabétiques de type 2 en hypoglycémie sévère ont 73 ans d'âge moyen (62% d'hommes). Et 30% ont plus de 80 ans.
Un tiers d'entre eux étaient sous antidiabétiques oraux (ADO) seuls. Sans surprise 92% sont sous insulino-sécrétagogue(s) dont 50% sous sulfamide. « Plus étonnant, 40% sont sous répaglinide (Novonorm®). Et c'est probablement l'une des informations les plus intéressantes de cette enquête » selon le diabétologue.
Les deux autres tiers étaient insulino-traités. Parmi eux, 60% sont sous insuline seule, les autres sous insuline + metformine (17%), sulfamide (10%) ou répaglinide (17%).
Chez les patients recensés pour hypoglycémies sévères sous seuls antidiabétiques oraux, la comparaison aux données CNAM de vente (tous âges confondus) régionale pour tenter de voir lesquels sont les plus impliqués (avec les réserves afférentes) plaide une sur-représentation de :
-deux sulfamides : glibenclamide (n= 3), carbutamide (Glucidoral®) (n=14)
-du répaglinide (n= 8).
Les horaires de survenue sont surtout diurnes: 21% entre 8h et midi, 25% entre midi et 16h, 33% entre 16 et 20h. Seulement 8% surviennent entre 20h et minuit et 13% entre minuit et 8h du matin.
Quand cet item est renseigné, l'étude révèle que 30% bénéficient d'une infirmière à domicile.
« Mais surtout, une majorité de ces sujets sont en insuffisance rénale. De fait 45 % sont en insuffisance rénale allant d'une IR modérée à la dialyse. Seuls 28% ont une fonction rénale normale. Restent 27% dont la fonction rénale n'est pas précisée. »
« La sur-représentation du répaglinide (faible élimination rénale) est d'ailleurs probablement liée à cette problématique d'insuffisance rénale. Vu son profil, il est fort possible qu'il ait été particulièrement prescrit à des diabétiques âgés présentant une fonction rénale fragile » commente le Pr Halimi.
Les hypoglycémies sévères, absentes des écrans radars
« Cette enquête montre l'absence, en France, de données exploitables. Le PMSI est "hors-jeu". Les données des SAU sont pour partie utilisables mais incomplètes. Les dossiers du CHU, très incomplets, ignorent le diabète même dans ces circonstances. Résultat : les hypoglycémies sévères sont absentes des écrans radars. Alors qu'elles concernent au moins 1% des diabétiques 2 par an » résume Serge Halimi.
« 40% des hypoglycémies sévères des diabétiques 2 surviennent sous ADO seuls. Ceci chez des sujets réputés fragiles (âgés, insuffisants rénaux) mais ni isolés ni précaires. Donc sur des typologies de patients prévisibles. Bon nombre étaient sûrement évitables. »
A noter, aucune de ces hypoglycémies n'est survenue pendant le Ramadan.
« L'analyse des dossiers va nous éclairer sur les parcours patients, les défaillances, les réponses à apporter. Et à partir de ce profil, une vaste étude devrait être lancée par l'ARS Rhône Alpes.»
Citer cet article: Plus d'1% des diabétiques 2 feraient une hypoglycémie sévère par an - Medscape - 2 avr 2013.
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