Urticaire chronique : efficacité de l'Ac anti IgE omalizumab

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

29 mars 2013

Urticaire chronique : efficacité de l'Ac anti IgE omalizumab

L'Ac monoclonal anti IgE omalizumab prouve son efficacité dans l'urticaire chronique réfractaire. Reste à cibler les bons patients et à vérifier la tolérance. Commentaires du Pr JF Nicolas.
29 mars 2013

Omaha, Etats-Unis ; Berlin, Allemagne --L'essai randomisé de phase 3 ASTERIA II confirme l'efficacité et la bonne tolérance de l'anticorps monoclonal omalizumab, (Xolair®, Roche, Genetech, Novartis ) dans l'urticaire chronique spontané modéré à sévère non répondeur aux antihistaminiques. Les résultats ont été présentés au congrès de l'American Academy of Allergy, Asthma and Immunology et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine [1][,2].

Ce traitement actuellement indiqué en Europe dans l'asthme sévère est un anticorps monoclonal anti IgE qui altère la fonction des mastocytes et les polynucléaires basophiles.

« Plusieurs études et les prescriptions dans le cadre d'ATU ont déjà montré la très bonne efficacité de l'omalizumab. Le problème est la façon dont nous allons sélectionner les patients parce qu'il s'agit tout de même d'un traitement immunobiologique et que nous avons des difficultés à l'arrêter chez les patients qui y répondent très bien », commente le Pr Jean-François Nicolas (dermatologue et co-responsable du Département Allergologie et d'Immunologie Clinique du CHU de Lyon, France) pour Medscape France.

Dans cet essai multicentrique réalisé en double aveugle, Marcus Maurer et coll (Berlin, Allemagne) ont inclus 323 patients. Tous présentaient une urticaire chronique spontanée depuis en moyenne 3,3 ans et des démangeaisons depuis au moins 8 semaines en dépit de l'utilisation d'antihistaminiques. Les participants ont.été randomisés pour recevoir trois injections sous cutanés d'omalizumab aux doses de 75 mg, 150 mg, ou 300 mg ou un placebo. Chaque injection était espacée de 4 semaines. La période de suivi après les injections était de 16 semaines au cours de laquelle les patients pouvaient continuer les anti-histaminiques.

Un effet dose dépendant important et une bonne tolérance


Sur une échelle de démangeaison de 0 à 21, à l'entrée dans l'étude, les patients avaient un score d'approximativement 14. A 12 semaines, le score de démangeaison baisse de -5,1 + 5,6 dans le groupe placebo (NS), de -5,9 + 6,5 dans le groupe 75 mg d'omalizumab (NS), de -8,1 + 6,4 dans le groupe 150 mg (p=0,001) et de -9,8 + 6 dans le groupe 300 mg (p<0,001). L'effet est donc clairement dose-dépendant et significatif pour les doses de 150 mg et 300 mg.

Concernant les critères secondaires, une analyse post-hoc montre que 40% des patients qui reçoivent la dose la plus forte d'omalizumab n'ont plus d'urticaire et d'angio-œdème après les 12 semaines de traitement. Plus précisément, 53% des patients qui reçoivent la dose la plus forte d'omalizumab n'ont plus d'urticaire et d'angio-œdème après les 12 semaines de traitement contre 23% dans le groupe 150 mg, 18% dans le groupe 75 mg et 10% dans le groupe placebo.

« Ces résultats ne me surprennent pas. Nous, nous avons débuté en administrant 375 mg, la dose recommandée dans l'asthme et nous avons constaté que ce médicament est très efficace. Je pense que la dose de 300 mg est la bonne dose », indique le Pr Nicolas.

Autre résultat positif : à la fin de la période de traitement, l'utilisation hebdomadaire de tablettes de diphenhydramine (Benadryl®) en traitement d'urgence baisse de 4,1 dans le groupe 300 mg (p=0,01), de 3,7 tablettes dans le groupe 150 mg (p=0,07), de 2,3 dans le groupe 75 mg (p=0,91) et de 2,2 tablettes dans le groupe placebo.

Pendant les 16 semaines qui ont suivi l'arrêt du traitement, les participants avaient le droit de continuer leurs anti-histaminiques quotidiens et pouvaient prendre du diphenhydramine 25 mg jusqu'à 3 fois par jour. En dépit de cela, les symptômes sont revenus progressivement pour la plupart des patients.

« Ce traitement ne guérit pas les patients. Les symptômes reviennent aussi vite qu'ils ont disparu », explique le Pr Nicolas.

Concernant les effets secondaires, leur incidence était similaire dans les deux groupes. Les effets secondaires sévères étaient peu fréquents, bien que plus élevés dans le groupe 300 mg (6%) comparé au groupe placebo (3%) ou aux groupes 75 mg et 150 mg (1% pour chaque).

« A réserver aux patients résistants aux fortes doses d'anti-histaminiques »


« Le point faible de cette étude est que l'omalizumab a été comparé à la dose d'antihistaminique indiquée dans l'autorisation de mise sur le marché (1 cp/j). Or, nous savons pertinemment que cette dose est trop faible. Auparavant, l'équipe du Pr Marcus Maurer a montré que lorsque les anti-histaminiques de dernière génération sont administrés à la dose AMM (1 cp/j), ils sont efficaces (amélioration de 75% des symptômes) chez environ 35% des patients. En revanche, à 2, 3 et 4 comprimés par jour, le traitement est efficace chez respectivement près de 60%, 80% et 95% [3]. Lorsque les patients ont été inclus dans l'étude, les auteurs ne disposaient pas de cette information. Ils ont donc reçu la dose AMM », explique le Pr Nicolas.

Avant d'administrer l'omalizumab, l'immuno-dermatologue recommande donc d'augmenter les doses d'anti-histaminiques jusqu'à 4 fois la dose AMM, puis d'utiliser les autres molécules à disposition comme les anti inflammatoires (anti-leucotriennes...). Des recommandations devront être proposées par les sociétés savantes : Société Française de Dermatologie (SFD) par l'intermédiaire du groupe de travail « Urticaire » (référence nouvelle proposée), et Société Française d'Allergologie et d'Immunologie [4].

« L'omalizumab a un profil de sécurité globalement très bon. Contrairement à ce que nous observons avec les anti-TNF, avec le recul dont nous disposons, les risques d'infections et de cancer ne semblent pas augmentés. En revanche, pour un patient donné, nous sommes incapables de savoir si le traitement à long terme ne va pas induire des effets secondaires à type de maladies autoimmunes ou d'hypersensibilités. En outre, les essais cliniques sur quelques milliers de patients révèlent les effets secondaires les plus fréquents mais lorsqu'un médicament est administré à des millions de patients, les effets secondaires plus rares et parfois graves commencent à apparaître du fait de l'hétérogénéité génétique des patients. C'est pourquoi, ce médicament nouveau et extrêmement puissant ne doit pas être prescrit en premières lignes de traitement, à mon avis. Je redoute que l'indication de l'AMM cible les patients résistants aux anti-histaminiques alors qu'il existe plusieurs autres molécules à tester entre les deux. Je pense que sa prescription doit être réservée à des centres spécialisés et à la condition que les patients entrent dans un circuit d'éducation thérapeutique », commente l'expert.

« En 5 ans, nous avons traité une vingtaine de patients avec l'omalizumab alors que nous traitons entre 150 et 200 nouveaux patients par an et que la file active de patients est de plusieurs milliers », précise-t-il.

L'étude a été financée par Genentech et Novartis Pharma. Un certain nombre d'auteurs de l'étude sont des employés de Genetech et de Novartis Pharma (voir site du NEJM). Le Pr. Maurer a reçu des honoraires d'Uriach Pharma, UCB, Sanofi, Merck, FAES et Almirall, et une bourse d'Uriach Pharma via son centre. Le Pr Jean-François Nicolas n'aucun lien d'intérêt en rapport avec cette publication.

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