Incrétines : à son tour, l'EMA décide d'enquêter sur le risque pancréatique

Vincent Bargoin

28 mars 2013

Londres, Royaume-Uni - Quelques jours après une décision analogue de la FDA, l'EMA  annonce à son tour  le lancement « d'investigations sur les données concernant le risque pancréatique des traitements basés sur la GLP-1 dans le diabète de type 2 » [1].

Sont concernés les agonistes du récepteur au glucagon-like-peptide-1 (GLP-1) et les inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4 (DPP-4), enzyme dégradant le GLP-1.

Le facteur qui a déclenché ce mouvement, est la récente publication, dans Diabetes, d'une étude associant les incrétines à un risque accru de pancréatites et de métaplasie des cellules ductales[2]. Cette étude n'est toutefois pas la première. Le Journal de l'American Medical Association a ainsi lui aussi publié dernièrement une étude montrant un doublement du risque d'hospitalisation pour pancréatite aiguë chez les diabétiques de type 2 traités par éxénatide (Byetta®) et sitagliptine (Januvia®) [3].

Au demeurant, comme le rappelle le communiqué de l'EMA, «  des effets sur le pancréas ont été identifiés comme un risque possible de ces traitements durant leur évaluation initiale, du fait de leur mécanisme d'action ».

Depuis, la controverse sur le risque tumoral en général et pancréatique en particulier, est récurrente, alimentée par des données chez l'animal qui suggèrent un effet promoteur de tumeur des incrétines (à prendre évidemment d'autant plus en compte que le risque tumoral est augmenté chez les diabétiques), par les cas de pancréatite rapportés aux agences de régulation, et par des résultats d'études limitées qui, pour certains, signalent qu'outre le pancréas, la thyroïde pourrait aussi être un organe cible des effets indésirables des incrétines [4].

Le risque lui-même n'est donc pas à proprement parler une découverte. La nouveauté, avec les études publiées dernièrement, est qu'il n'est plus possible de récuser les signaux de sécurité au motif qu'ils sont insuffisants pour constituer des preuves.

Prolifération, dysplasie, hyperplasie

Pour fixer les idées sur le niveau de preuve actuellement disponible, les principales données du dernier papier de Diabetes sont les suivantes.

Elles concernent une série autopsique de 8 sujets diabétiques traités par incrétines, de 12 sujets également diabétiques, mais traités sans incrétines, et de 14 contrôles non diabétiques.

Dans le premier groupe, une augmentation de la masse pancréatique de l'ordre de 40% a été constatée. Cette augmentation de masse s'accompagne d'augmentations significatives de la prolifération des cellules exocrines, et des images dysplasiques.

Plus frappant encore : la masse de cellules bêta, réduite d'environ 60% chez les sujets diabétiques du second groupe, était augmentée d'un facteur 6 chez les sujets traités par incrétines. L'hyperplasie des cellules endocrines est par ailleurs significativement plus fréquente chez les sujets traités par incrétines.

Enfin, des microadénomes pancréatiques ont été caractérisés chez 3 des 8 sujets traités par incrétines, ainsi qu'une tumeur neuroendocrine.

Dans leur conclusion, les auteurs parlent « d'expansion marquée » des compartiments exocrine et endocrine, avec prolifération et dysplasie dans le premier, et hyperplasie des cellules alpha dans le second, et évoquent un « potentiel d'évolution vers des tumeurs neuroendocrines ».

Pour le moment, rien ne change

Le Committee for Medicinal Products for Human Use, et le Pharmacovigilance Risk Assessment Committee de l'EMA, sont donc officiellement chargés d'enquêter sur ces résultats, afin de « déterminer la nécessité de possibles actions supplémentaires de régulation ».

Pour le moment cependant, l'EMA indique « n'avoir atteint aucune conclusion », et souligne l'absence « de changement dans les recommandations d'utilisation de ces traitements ». Il n'est pas nécessaire que les patients interrompent leur traitement, note l'Agence. Quant aux professionnels de santé, ils « doivent continuer à prescrire ces traitements en accord avec les informations produits ».

On note enfin qu'une étude est en cours pour collecter les données de sécurité relatives au traitement du diabète au travers du Réseau Européen de Centres de Pharmacoépidémiologie et Pharmacovigilance (ENCePP). Cette étude, baptisée SAFEGUARD et financée par la Commission européenne, n'est pas spécifiquement tournée vers la question des pancréatites, mais va certainement lui porter une attention accrue.  

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