Un enfant guéri du VIH : les dessous d'un scoop

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

8 mars 2013

Un enfant guéri du VIH : les dessous d'un scoop

Une trithérapie précoce a guéri fonctionnellement du Sida ou comment une communication bien orchestrée peut semer la confusion dans le traitement du VIH : notre éclairage.
8 mars 2013

Atlanta, Etats-Unis -- Il a suffi d'une communication présentée à la Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (CROI) [1] et relayée par un abstract sans publication simultanée dans une revue à comité de lecture, pour que les médias du monde entier parlent de « guérison d'un enfant atteint du Sida ». Il faut dire que le Dr Deborah Persaud (Baltimore) a présenté l'enfant dans une conférence de presse préalable à la conférence comme le « Timothy Ray Brown pédiatrique », faisant référence au « patient Berlin », premier cas de guérison du VIH.

Mais la différence fondamentale entre ces deux patients, c'est que l'adulte a subi une greffe de moelle avec un donneur homozygote pour la délétion du récepteur CCR5-delta 32 des CD4, alors que l'enfant n'a reçu qu'un traitement antirétroviral [1].

Des données pas si nouvelles


Les médias français ont immédiatement relayé cette information avec plus ou moins de prudence : « premier cas de guérison d'un nouveau-né (Le Parisien) », « Une guérison fonctionnelle inédite (Le Figaro) », « Un bébé guérit du Sida pour la première fois (20 minutes), « Une guérison qui relance l'espoir (Libération) »…

Et les experts français ont suivi « Ce cas est très intéressant sur le plan de la recherche (Pr Jean-François Delfraissy, ANRS) », « Nous avons à présent des preuves que traiter l'infection par le VIH serait possible (Pr Françoise Barré-Sinoussi, Pasteur) »….

Or, depuis la publication de l'étude Visconti sur les contrôleurs post-traitement (personnes chez qui le virus ne se multiplie plus ou très peu) menée par l'ANRS et présentée en 2012 à l'occasion de la conférence mondiale sur le Sida [2], on sait que certains patients traités très précocement après l'infection par le VIH peuvent se passer de traitement jusqu'à 6 ans après la contamination.

Dans un même ordre d'idée, les études sur la prévention post-exposition (PreP) ou la prévention pré-exposition (PreP) ont montré qu'il est possible que des adultes ou des enfants ne soient pas contaminés grâce à un traitement préventif. En outre, certaines mutations - dont la plus connue est la délétion du récepteur CCR5-delta 32 des CD4 - permettent à des patients d'être « contrôleurs du virus » ou « long-term survivors ».

Le New York Times détaille le cas


Alors, quoi de neuf avec l'enfant surexposé à l'occasion de la CROI ? C'est en lisant le New York Times que l'on en apprend le plus, puisque l'abstract présenté au congrès est assez succin. En attendant, bien sûr, une publication dans une revue plus scientifique.

L'enfant est donc né par voie basse il y a 3 ans dans une région rurale du Mississipi. Sa mère qui ne connaissait pas son statut sérologique n'avait pas bénéficié de suivi obstétrical et n'avait donc pas reçu de traitement prophylactique. L'enfant est né prématuré.

A la naissance, sa charge virale était relativement basse puisqu'elle a été évaluée à 20 000 copies par mL (contre 100 000 copies/mL classiquement pour une contamination intra-utérine), ce qui suggère une infection intra-utérine et non liée à l'accouchement du fait de la précocité de la détection du virus. Dans de tels cas, aux Etats-Unis, les enfants sont habituellement traités par un ou deux médicaments antirétroviraux à dose prophylactique.

L'enfant pour sa part, après avoir été transporté dans un centre hospitalier régional, a immédiatement reçu une trithérapie à dose curative (AZT+3TC+nevirapine dès la 31e heure avec un changement de l'inhibiteur de protéase le 7e jour). La charge virale s'est rapidement négativée (5e jour) et ce, jusqu'au 18 e mois du bébé. La mère a ensuite suspendu tout traitement et tout suivi médical.

Elle est revenue consulter au 25ème mois de l'enfant et les tests ont une nouvelle fois montré l'absence de virus : anticorps, ADN pro-viral, PCR.

Des hypothèses à creuser


Que s'est-il donc passé ? La détection virale correspondait-elle à une infection ou à un simple passage passif du virus au cours de l'accouchement ? On peut aussi imaginer que l'enfant pourrait être un « contrôleur viral » du fait de mutation spécifique. Il est aussi possible que les traitements n'aient pas permis au virus de se multiplier et d'atteindre les réservoirs dans lesquels il aurait pu rester quiescents. Il n'est pas non plus possible d'exclure qu'une réactivation du virus intervienne dans les prochains mois ou les prochaines années sachant, qu'au moment du test, l'enfant n'était resté que 6 mois sans traitement (entre 18 et 25 mois).

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