Le régime méditerranéen réduit de 30 % le risque cardiovasculaire en prévention primaire

Muriel Gevrey

1er mars 2013

Barcelone, Espagne - Selon l'essai randomisé PREDIMED (Prevencion con Dieta Mediterranea) paru sur le site du New England Journal of Medicine, le régime méditerranéen réduit de 30 % le risque cardiovasculaire à 5 ans comparativement au simple conseil de limiter les graisses [1]

« C'est une bonne étude, la première à démontrer le bénéfice en mortalité du régime méditerranéen sur ce type de population à haut risque mais sans antécédent de cardiopathie ischémique » explique le Dr Jean Dallongeville (Institut Pasteur, Lille), interrogé par heartwire.

 
C'est une bonne étude, la première à démontrer le bénéfice en mortalité du régime méditerranéen sur ce type de population à haut risque mais sans antécédent de cardiopathie ischémique — Dr Jean Dallongeville (Institut Pasteur, Lille).
 

Pour lui, les limites portent surtout sur l'aspect statistique avec peu d'évènements et un effectif probablement insuffisant pour estimer au plus juste le bénéfice du régime. « Ce chiffre de 30 % me semble un peu exagéré » note t-il, tout en reconnaissant la qualité de ce travail qui fera date dans le domaine de la nutrition.

Le régime méditerranéen se compose d'un apport élevé de légumes, de fruits, de noix et de céréales, une consommation modérée de volaille et de poisson, un faible apport de produits laitiers, de viande rouge, de produits sucrés et une consommation modérée de vin rouge.

Dans deux études observationnelles et une étude de prévention secondaire (la Lyon Diet Heart Study), l'adoption de ce régime s'accompagne d'une réduction marquée du risque cardiovasculaire. « Il y a un bénéfice spectaculaire dans la Lyon Diet Study mais le défaut majeur était peu d'évènement et un faible effectif » a commenté le Dr Dallongeville. Le régime méditerranéen semble ainsi le modèle le plus plausible et le mieux documenté pour espérer infléchir le risque cardiovasculaire en prévention primaire.

Peu d'évènements

L'équipe de Ramon Estruch (Hospital Clinic, Barcelone, Espagne) s'est attelé à démontrer cette hypothèse dans l'étude PREDIMED, un essai d'intervention randomisé multicentrique comparant un régime méditerranéen supplémenté en huile d'olive, un régime méditerranéen enrichi en noix et un régime contrôle (conseil de régime pauvre en graisses). 7447 personnes à haut risque cardiovasculaire y ont participé durant un suivi moyen de 4,8 ans. 288 évènements cardiovasculaires sont survenus au cours de l'étude. Le critère primaire était un critère composite dur regroupant IDM, AVC et décès d'origine cardiovasculaire.

Le résultat est positif : le régime méditerranéen réduit le risque absolu de 3 évènements cardiovasculaires majeurs pour 1000 personnes/année avec une réduction du risque relatif de 30 % par rapport à un seul conseil de restriction des lipides (intervalle de confiance de 0,54 à 0,92) pour le régime enrichi en huile d'olive et une réduction de 28 % dans le régime enrichi en noix (intervalle de confiance de 0,54 à 0,96). Les courbes de Kaplan-Meier divergent assez rapidement pour atteindre une différence de 30 % à 5 ans en faveur des deux modalités du régime méditerranéen.

Les caractéristiques n'étant pas strictement superposables dans les trois bras de l'étude, les auteurs ont ajusté leurs résultats sur les possibles facteurs confondants et retrouvent un effet significatif sur le critère primaire composite.

Le bénéfice porte surtout sur la prévention des AVC

Le bénéfice nutritionnel se fait essentiellement sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux sans réduire de manière significative l'incidence des infarctus.

Avec le régime méditerranéen, la réduction du risque relatif d'AVC est de 49 % (RR de 0,61, IC de 0,44-0,86) alors que la réduction du risque d'IDM n'est que de 23 % soit une différence non significative avec un IC de 0,52 à 1,15.

« Cela peut être dû à des effets plus prononcés sur des facteurs de risque spécifiques aux AVC mais aussi à une puissance insuffisante pour détecter un effet sur l'infarctus » écrivent les auteurs. Sur l'ensemble de l'étude, le taux d'évènements cardiovasculaires étaient moins élevé que prévu.

« C'est toujours difficile dans les études d'intervention nutritionnelles. Ils ont fait un calcul de puissance sur un risque de 30 % à 10 ans mais en réalité c'était plus bas. Il aurait fallu alors que la durée soit plus longue mais on perd souvent du bénéfice !» a estimé Jean Dallongeville.

 
C'est toujours difficile dans les études d'intervention nutritionnelle. Ils ont fait un calcul de puissance sur un risque de 30 % à 10 ans mais en réalité c'était plus bas. Il aurait fallu alors que la durée soit plus longue mais on perd souvent du bénéfice !— Dr Jean Dallongeville
 

Cet impact plus marqué sur le risque d'AVC est conforme à ce qui a été rapporté antérieurement et est cohérent avec un effet favorable sur les facteurs de risque classiques et sur les marqueurs d'oxydation, d'inflammation et de dysfonction endothéliale.

« Il existe peut-être une synergie dans les nutriments présents dans le régime méditerranéen qui renforcent des changements favorables sur les mécanismes intermédiaires du risque cardiométabolique comme les lipides circulants, la sensibilité à l'insuline, la résistance à l'oxydation, l'inflammation et la réactivité vasculaire »

Un résultat à confirmer

Les auteurs admettent plusieurs limites à leur travail :

- Un changement de protocole en cours d'étude dans le groupe contrôle vers une intervention par conseil alors qu'au début, il n'y avait aucune recommandation dans le groupe comparateur. Cette disposition pourrait avoir favorisé la détection d'une différence plus importante en faveur du régime méditerranéen avant la modification du protocole mais les auteurs ne trouvent pas de différence de résultats selon la date d'entrée dans l'étude. « C'est un point très important car la présence de conseils nutritionnels dans le groupe contrôle permet de savoir ce qu'il en est du régime méditerranéen enrichi en huile d'olive ou en noix. Sinon, on aurait toujours pu dire que le bénéfice venait du conseil diététique » a souligné le Dr Dallongeville.

- Les perdus de vue surtout dans le groupe contrôle mais les participants perdus de vue ont finalement un profil cardiovasculaire plus péjoratif, ce qui suggère que le simple conseil diététique est bénéfique.

- La difficulté de généraliser ce résultat à des populations extra-méditerranéennes.

Les auteurs reconnaissent que les conseils prodigués dans le groupe contrôle ne changent pas grand-chose à la quantité de lipides ingérés mais plutôt jouent sur la composition des différents types d'acides gras. 

« L'intervention avait pour but d'améliorer la diététique globale mais les différences majeures ont porté sur la supplémentation » constatent les auteurs. En d'autres termes, il semble que c'est l'huile d'olive et les noix qui apportent le plus de bienfaits, et dans une moindre mesure le poisson et les légumes mais pas les autres groupes d'aliments. « C'est une étude très bien faite qui mérite d'être confirmée avec davantage de puissance » a conclu Jean Dallongeville.

Etude financée par le gouvernement espagnol (Instituto de salud Carlos III). L'huile d'olive, les noix, amandes et noisettes ont été fournis par des sponsors (Hojiblanca et Patrimonio Comunal Olivarero, California Walnut Commission, Borges, La Morella Nuts) qui n'ont eu « aucun rôle dans le design de l'étude, l'analyse des données et leur présentation » selon les auteurs de l'article.

 

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