Dermatite atopique: meilleure connaissance des facteurs de risque
Maladie des milieux urbains, la dermatite atopique a fait véhiculer beaucoup d'idées fausses concernant notamment sa prévention. Le point sur l'état des connaissances avec le Dr Sébastien Barbarot. 20 février 2013Paris, France — A l'occasion des Journées Dermatologiques de Paris, organisées par la Société Française de Dermatologie, le Dr Sébastien Barbarot (Nantes) a fait le point sur les avancées récentes dans le domaine de la dermatite atopique (DA). On dénombre beaucoup de publications sur le sujet aussi bien en épidémiologie qu'en matière de facteurs de risque [1].
Une maladie des milieux urbains
Si des données sur l'incidence de la dermatite atopique sont disponibles dans un grand nombre de pays depuis la publication de l'étude ISAAC[2], il manquait encore des chiffres aux Etats-Unis, en France et en Chine.
Une étude publiée en 2011 [3] réalisée en utilisant des données d'une enquête nationale de santé datant de 2003 a permis d'estimer la prévalence de la maladie entre 9 et 18 %, selon les états, l'incidence étant plus élevée sur la côte est des Etats-Unis. Les facteurs de risque associés étaient la vie en milieu urbain, le niveau socio-économique élevé des parents et la peau noire.
En Chine, une étude réalisée dans la région de Shangaï a mis en évidence une prévalence de 8,3 % de dermatite atopique avec un gradient urbain/rural très net (10,2 % contre 4,6 %).
Comme dans la plupart des pays émergents, la prévalence de la maladie a augmenté nettement en 10 ans, alors que dans les pays d'Europe du nord, elle tend à se stabiliser (20 % des enfants concernés) [4].
Un rôle protecteur de la flore commensale
Les bactéries cutanées de la flore commensale semblent jouer un rôle important dans les poussées de dermatite atopique. En effet, si en dehors des poussées, il existe une grande diversité des souches bactériennes à la surface de la peau, cette diversité décroit au cours des poussées au profit des souches de staphylocoques (S aureus ou epidermidis).
Dans les milieux ruraux, la plus grande diversité des bactéries commensales pourrait protéger contre le risque d'atopie puisque à l'instar des bactéries commensales digestives, les bactéries cutanées pourraient être dotées d'un rôle crucial sur l'immunité cutanée.
Les traitements locaux les plus efficaces seraient ceux qui tendraient à favoriser la diversité bactérienne plutôt que de la réduire [5] [6] [7]
La filaggrine, protéine clé de la barrière cutanée
La filaggrine est une protéine contenue dans les kératinocytes de la couche granuleuse qui permet l'arrangement des filaments de kératine et participe à la formation de l'enveloppe cellulaire de la couche cornée. Cette protéine participe à la fonction de la barrière cutanée.
Dans une étude récente de cohorte [8] portant sur 1 897 enfants, les auteurs ont montré que les mutations inactivatrices du gène de la filaggrine augmentent le risque de DA à l'âge de 8 ans mais également celui d'eczéma non atopique. L'association de la mutation et de la présence d'un chat à domicile au moment de la naissance n'est pas considérée comme un facteur de risque, même si elle a été évoquée.
Quelles sont les interactions entre mutation de la filaggrine, eczéma et sensibilisation allergique ?
Une étude menée sur 1 150 sujets [9] répond enfin à cette question : les mutations et l'eczéma exposent au risque futur de sensibilisation allergique chez l'enfant et il semble aussi qu'une sensibilisation allergique précoce associée à une mutation de la filaggrine expose au risque futur d'eczéma. Une restauration précoce de la barrière cutanée semble pertinente pour prévenir l'eczéma et les sensibilisations allergiques futures.
Distinguer le vrai du faux
Allaitement
Pour répondre définitivement à la question de l'intérêt de l'allaitement sur le risque de DA, il manquait encore l'analyse de la phase 2 de l'étude ICAAC, la plus grande étude internationale réalisée en population générale sur 51 119 enfants âgés de 8 à 12 ans et vivant dans 22 pays. C'est aujourd'hui fait [10] et les conclusions des auteurs vont inciter à modifier les recommandations européennes sur ce sujet. L'allaitement exclusif pendant 4 mois ou plus, en effet, ne protège pas du risque de DA dans les pays développés et émergents.
Alcool
La prise d'alcool pendant la grossesse pourrait représenter un facteur de risque de DA. C'est ce que suggèrent les résultats de l'étude prospective COPSAC. Ce travail a analysé la relation entre la consommation d'alcool pendant la grossesse de mères connues comme atopiques et le risque de DA à l'âge de 7 ans des enfants issus de ces grossesses. Chez les 411 enfants étudiés, la prise d'alcool augmente le risque de DA après ajustement pour les facteurs confondants habituels. Ces résultats obtenus chez des mères atopiques doivent maintenant être confrontés à ceux estimés dans une population tout venant [11].
Probiotiques
L'efficacité des probiotiques en prévention de la DA se confirme. Une récente méta-analyse conclut en effet à un effet préventif présent bien qu'assez modeste (RR 0,79). « Néanmoins, avant de conseiller ce traitement en pratique quotidienne, trois questions doivent être résolues : quelle est la population cible idéale ? Quelle est la souche bactérienne la plus adaptée ? Quelles sont les durées et période optimale d'administration (pendant la grossesse, après la naissance ou les deux) ? », explique le Dr Barbarot [12] [13].
En revanche, l'administration de bactéries digestives inactivées (E coli et E faecalis) per os à partir de la naissance jusqu'à l'âge de 7 mois ne modifie pas le risque de DA chez les enfants à risque [14].
Il semble qu'à l'échelle d'une population, l'effet préventif d'un probiotique sur la dermatite atopique est d'autant plus marqué que les facteurs génétiques sont faibles.
Citer cet article: Dermatite atopique : meilleure connaissance des facteurs de risque - Medscape - 20 févr 2013.
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