Activité physique chez l'asthmatique : à conseiller et même à prescrire 

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

8 février 2013

L'activité physique n'est pas déconseillée mais, au contraire, bénéfique au patient asthmatique. Le point sur son intérêt et les activités à privilégier, selon le Pr Christian Préfaut (Montpellier). 8 février 2013

Lille, France - L'asthme constitue une gêne à la pratique de l'exercice et a pendant longtemps écarté bon nombre d'enfants des terrains de sport et des cours d'éducation physique et sportive. Les recherches actuelles sur le sujet montrent clairement que les bienfaits de l'exercice sont multiples et qu'ils contrebalancent le désagrément effectif du bronchospasme. Par ailleurs, toutes les modalités de pratique physique ne sont pas asthmogènes, et pour les autres, il existe des moyens de limiter le bronchospasme grâce à un traitement préventif ou une adaptation de la pratique physique, ainsi que l'a rappelé le Pr Christian Préfaut (Montpellier) lors d'une session « asthme et exercice physique » à l'occasion du 17eme congrès de Pneumologie de langue française[1].

Le cercle vicieux de la sédentarité


L'exercice peut déclencher l'asthme, et de ce fait l'activité physique a longtemps été déconseillée aux asthmatiques. Depuis les attitudes se sont modifiées, et les travaux actuels sur le sujet apportent la preuve au travers de programmes d'entraînement physiques contrôlés que l'exercice a des retentissements favorables sur la maladie, alors que l'absence d'activité physique, a fortiori chez le jeune, a des effets délétères.

« Dès 1987, Richard Casaburi montrait qu'un entraînement de sujets jeunes sédentaires (en l'occurrence des étudiants en médecine) diminuait de 30% la ventilation à 3 niveaux d'exercice répartis entre le seuil ventilatoire et la VO2 max par rapport à la VO2 max initiale (- 7, -23, -37 litres/min respectivement). Cette réduction était associée à une diminution de la lactacidémie. Un sujet sédentaire présente donc une hyperventilation de 30% pour chaque niveau d'exercice » a rappelé le Pr Préfaut.

Bien que l'exercice puisse être un facteur de déclenchement de l'asthme, il est maintenant reconnu que l'inactivité, conséquence de l'éviction des activités physiques, entraîne l'asthmatique dans le cercle vicieux de la sédentarité qui potentialise à son tour les effets de l'hyperréactivité bronchique.

« Chez l'asthmatique, la sédentarisation constitue les prémices du déconditionnement. S'en suit la spirale qui entraine hyperventilation et augmentation de la lactacidémie qui font, elles-mêmes, le lit de l'asthme induit par l'exercice.  Plus on sédentarise par peur de l'asthme d'exercice plus le seuil d'apparition d'asthme à l'exercice va diminuer», résume le pneumologue.

Chez l'asthmatique, l'hyperventilation se traduit, à l'état de base, par :

-une augmentation  de l'hyper-réactivité bronchique (Nystaad et al, 2001) ;

-une augmentation  de l'inflammation des voies aériennes (Ford et al, 2002) ;

-une diminution de la clairance muco-ciliaire avec augmentation du mucus et de l'œdème bronchique (Lucas et al, 2005)

et à l'exercice, il se produit une diminution du seuil d'apparition de l'asthme induit par l'exercice.

Bénéfices du réentrainement à l'effort et d'une activité physique régulière


A l'inverse, différents travaux ont montré les bénéfices du réentrainement à l'effort et d'une activité physique régulière sur la physiopathologie de l'asthme.

Si la fonction respiratoire reste inchangée, la tolérance à l'exercice (VO2 max…) est très améliorée et la tolérance clinique est bonne (Ram et al, 2005, Cochrane database, Chadratilleke et al, 2012 Cochrane database). De plus, la qualité de vie est améliorée (Chadratilleke et al, 2012 Cochrane database).

A savoir : il a été montré que le réentrainement à l'effort s'accompagne d'une diminution chez 50% des sujets de la dose inhalée de corticoïdes (Farinelli et al, 2007).

Quant à l'activité physique régulière, elle entraine :

  • Une augmentation de la tolérance à l'exercice (Heikkinen et al, 2012)

  • Une amélioration de la qualité de vie et du contrôle de l'asthme (Heikkinen et al, 2012)

Mais surtout, à l'instar des autres pathologies chroniques, la pratique d'une activité physique régulière serait susceptible de diminuer le risque de développer un asthme, comme l'indique une récente méta-analyse (Eijkemans et al, 2012) portant sur des études longitudinales (n = 85 000 ; 5 à 10 ans).

Une observation, par ailleurs, confirmée par des études transversales (n=661 000) qui, elles aussi, montrent une diminution de la prévalence de l'asthme. « Ce résultat est intéressant car c'est la première fois que l'on démontre un tel effet de l'exercice physique sur la prévalence de l'asthme. Cela étant les revues systématiques étant récentes, cet effet demande à être confirmé » commente le Pr Préfaut.

Tenir compte des facteurs de risque


Fort heureusement, le bronchospasme n'apparaît pas systématiquement chez l'asthmatique lorsqu'il fait du sport. L'hyperventilation étant à l'origine du déclenchement, la réponse bronchique est modulée par un certain nombre de facteurs de risque, parmi lesquels :

-L'hyperactivité bronchique

-La durée de l'exercice

-L'intensité de l'exercice

-L'environnement :

Les conditions atmosphériques ont également leur importance : une activité se déroulant en ambiance froide et sèche est en principe moins bien tolérée que si elle a lieu dans un milieu chaud et humide, à fortiori si la qualité de l'air est médiocre et contient des polluants (nitrogène, dioxide, sulfure dioxide).

-Le type d'exercice joue aussi :

Course à pied > cyclisme

Course à pied > jogging > marche

Choisir des activités adaptées


En dehors du cas particulier de la plongée sous-marine, la plupart des autres sports sont autorisés.

Activités fortement asthmogènes :

En raison de l'hyperventilation :

Course à pied (longue distance), cyclisme (idem), football, basketball, rugby

Ambiance froide et sèche :

Ski de fond, hockey sur glace, patinage sur glace

Activités faiblement asthmogènes :

Tennis, handball, gymnastique, karaté, sprint, natation, ski alpin, water-polo

A savoir : les sports d'équipe d'intensité modérée sont à conseiller, notamment pour leur dimension sociale.

Le cas particulier de la natation : l'avantage est qu'elle se pratique dans un milieu chaud et humide. La limite est la présence de chlore, qui peut favoriser les rhinites.

A retenir

L'asthmatique peut et doit pratiquer de l'activité physique.

Celle-ci semble diminuer la prévalence de la maladie.

La dispense d'activité physique chez l'enfant asthmatique est une aberration.

La dispense partielle en cas d'asthme non contrôlé doit être compensée par une réhabilitation.



Le Pr Christian Préfaut a déclaré ne pas avoir de liens d'intérêt en rapport avec sa présentation.

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