Médiator : seulement 7,7 % des dossiers d'indemnisation retenus, perplexité et colère
Alors que le collège d'experts sur le benfluorex (Mediator) rendait ses premières conclusions, de nombreuses voix se sont élevées pour décrier leurs méthodes, et leur faible résultat. 5 février 2013Paris, France - Un an après l'installation du collège d'experts benfluorex dépendant de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), un premier bilan des 836 premiers dossiers des victimes du Médiator® examinés a été rendu public. Seulement 7,7% de dossiers retenus par la commission. Il n'en fallait pas plus pour susciter la perplexité, voire la colère.
Gérard Bapt demande la démission du collège d'experts
Suite à la présentation des 836 premiers dossiers expertisés, l'agence de presse médicale (APM) révélait que les experts avaient rejeté une série de dossiers en se basant uniquement sur des photocopies d'échographies.
Le député Gérard Bapt, rapporteur de la commission parlementaire sur le Médiator, a exprimé sa colère dans la foulée, dans un communiqué rendu public le dimanche 3 février : « Le bilan est que seul 7,7% des premiers dossiers examinés sont proposés à indemnisation, sur des critères de sévérité extrême d'évaluation de la gravité des atteintes valvulaires [...] Mais il apparait désormais que certains examens sont réévalués à la baisse par le collège, au détriment des victimes ». Et de demander dans la foulée la démission de l'ensemble du collège d'experts, présidé par Roger Beauvois : « La simple éthique professionnelle commanderait au collège des experts une démission collective ».
La faible proportion de dossiers retenus avait provoqué la fureur des associations de victimes, en particulier de l'Association d'aide aux victimes du Médiator (Avim), présidée par le Dr Dominique Courtois.
Les premiers dossiers positifs rendus public en juin 2012
Sur 836 dossiers traités, 64 ont été retenus pour indemnisation et 697 rejetés. 66 dossiers rejetés en l'état, « car les dossiers ne disposent pas des pièces médicales permettant de se prononcer », a expliqué le Dr Jean-Michel Race, médecin expert de l'ONIAM. Huit autres dossiers ont été rejetés pour « défaut de matérialité de prise de benfluorex », un dossier n'a pas été retenu pour « défaut de qualité à agir », 98 pour « chirurgie valvulaire », 39 pour décès.
« Le nombre de dossiers positifs augmente avec le temps », a tenu à rassurer Roger Beauvois (président du collège d'experts de l'ONIAM). En effet, alors que les premiers dossiers négatifs ont été rendus dès février 2012, les premiers dossiers positifs n'ont été connus qu'en juin.
Les 22% de valvulopathies sténosantes sont rejetées
Parmi les causes de rejet, le collège d'experts a retenu l'absence de toute pathologie, qui concerne 3,9% des cas, soit 27 dossiers :
12,9% des rejets concernent des maladies non cardiaques ;
25% des maladies cardiaques non valvulaires.
« Le benfluorex est à l'origine d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies fuyantes » a rappelé le Dr Érik Rance, directeur de l'ONIAM. Les valvulopathies sténosantes n'ont donc pas été retenues et représentent 21,8% des dossiers rejetés. Les maladies valvulaires fuyantes « de cause connue non imputable au benfluorex » n'ont pas non plus été retenues et représentent 26,8% des dossiers. Les « fuites isolées de grade égal ou inférieur à 1 sans lien direct et certain avec le benfluorex » ont été rejetés à hauteur de 9,6%.
Les dossiers retenus
Parmi les dossiers retenus :
62 concernent des valvulopathies, dont 14 sont aortiques, 2 mitrales et 46 micro-aortiques,
83% de ces victimes sont des femmes, et leur âge moyen est de 61 ans,
La majorité des fuites valvulaires sont de grade 1 ou 2. Il a été constaté 20 fuites mitrales de grade 1, 18 de grade 2 contre 6 de grade 3, et 4 de grade 4. Pour les fuites valvulaires aortiques, 11 sont de grade 1, 40 de grade 2, 9 de grade 3, et aucune de grade 4.
« Pour les personnes entre 50 et 70 ans, la présence d'une fuite de bas grade constitue une zone grise. Difficile de dire si les fuites sont liées ou pas au benfluorex. Car à partir de 50 ans, 15% de la population est atteint de fuites aortiques », a expliqué le cardiologue Jean-Jacques Blanc (CHU Brest), citant entre autres l'étude REGULATE.
Pour 51% des dossiers retenus, les experts ont mis en évidence une comorbidité associée : dans 41% des cas, il s'agissait de pathologies pulmonaires, dans 10% des cas d'insuffisance coronaire, dans 3% des cas de troubles du rythme cardiaque, dans 7% des cas de cancers, et dans 29% des cas d'obésité. Par ailleurs, dans 45% des cas, au moins deux comorbidités associées étaient mises en évidence.
Faible nombre d'experts
Autre problème soulevé lors de cette présentation : le faible nombre d'experts pour traiter de l'ensemble des dossiers. En un an, le collège a expédié un peu moins de 1000 dossiers. Mais il y a encore quelque 7000 dossiers à traiter.
« Nous ne pouvons aller plus vite, la procédure nous imposant, pour les dossiers retenus, trois passages en commission. Et nous ne sommes pas suffisamment nombreux. Cinq membres de la commission n'ont pas été remplacés. Et il est très difficile de trouver des experts de renommée à la fois disponibles et qui n'ont pas de liens d'intérêts » explique Roger Beauvois.
Citer cet article: Médiator : seulement 7,7 % des dossiers d'indemnisation retenus - Medscape - 5 févr 2013.
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