Seulement 10% de greffe rénale avec donneur vivant: la France à la traîne faute d'information
Pionnière en matière de greffe rénale avec donneur vivant, la France est désormais à la traîne, faute d'information. D'où la campagne nationale mise en place par l'association de patients, Renaloo. 27 décembre 2012Paris, France - Soixante ans tout juste après la première greffe de rein à partir de donneur vivant, l'association de patients Renaloo lance une campagne d'information pour faire connaitre ce mode de transplantation [1]. En augmentant la part de patients transplantés, la greffe rénale est, en effet, à ce jour, le meilleur traitement en cas d'insuffisance rénale, permettant de meilleures qualité et espérance de vie pour le receveur. Par ailleurs, c'est aussi le traitement le plus économique. Pourtant pionnière dans le domaine, la France est aujourd'hui à la traîne de ses voisins européens. En dépit des évolutions des lois de bioéthique élargissant le champ des donneurs, le don du rein reste une possibilité méconnue.
En 1952, la greffe de Marius est une première mondiale française
La grande épopée de la greffe de rein démarre il y a 60 ans avec Marius Renard, 16 ans, greffé avec le rein de sa mère. A la fin du mois de décembre 1952, ce jeune charpentier tombe en effet d'un échafaudage, abimant le rein unique qu'il possédait. La dialyse n'existe pas et le jeune homme est promis à une mort certaine. Désespérée, sa mère se propose alors pour donner un de ses reins à son fils. Ce type de transplantation n'a encore jamais abouti, mais le Pr Jean Hamburger et son équipe acceptent de réaliser l'opération - ce qui relève du miracle, commente le Pr Christophe Legendre, chef du service de néphrologie de l'hôpital Necker (Paris). Au final, la transplantation est un succès, le rein refonctionne immédiatement. Pourtant, mi-janvier 1953, les choses se gâtent et Marius meurt le 27 janvier, après un élan de générosité sans précédent puisqu'après médiatisation de la première mondiale, plus de 100 anonymes ont proposé de donner à leur tour un rein pour sauver le garçon. En dépit de son issue tragique, cette histoire aura au moins permis de comprendre « qu'il n'est pas possible de réaliser une greffe sans traitement anti-rejet » indique le néphrologue.
Greffe de donneur vivant : seulement 10 % des transplantations rénales
Aujourd'hui, en France, environ 70 000 personnes sont traitées pour une insuffisance rénale terminale : 55 % d'entre elles sont dialysées et 45 % transplantées.
Au cours de l'année 2011, plus de 12000 patients ont attendu un rein mais moins de 3 000 ont effectivement été transplantés. Un des moyens les plus efficaces et les plus économiques, selon l'association Renaloo, d'augmenter ce chiffre est de faire appel à la greffe à partir de donneurs vivants. Une possibilité qui reste encore méconnue en France puisqu'en 2011, seulement 10 % des transplantations rénales ont été faites selon cette modalité, contre 38% au Royaume-Uni, 23% en Allemagne, 45 % en Suède ou 37% aux Etats-Unis. Ainsi en 2011, seulement 312 des 2976 transplantations rénales réalisées en France ont été faites à partir de donneurs vivants.
Un taux qui reste très faible - contrastant fortement avec le rôle pionnier de la France dans le domaine il y a 60 ans - alors même que la loi (loi de bioéthique du 7 juillet 2011) a récemment évolué de façon à élargir les possibilités de don.
Jusque-là réservé à la famille élargie, le don peut désormais provenir d'un proche ayant un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec la personne malade, qu'il existe ou non un lien de parenté. De même, la France a autorisé les dons croisés. Lorsqu'il existe une incompatibilité immunologique entre un donneur et son receveur potentiel, il est alors possible de procéder à un échange avec un autre « couple » dans la même situation. Les chaines de dons et le don altruiste - autorisés aux Etats-Unis, par exemple - ne le sont, en revanche, toujours pas dans l'hexagone.
Des avantages en matière de qualité de vie et d'économies de santé
Pourquoi la greffe plutôt que la dialyse ? Pour ses partisans, la transplantation est indéniablement le meilleur traitement de l'insuffisance rénale. Elle permet à la fois une meilleure qualité de vie et une meilleure espérance de vie. De plus, les greffes de rein réalisées avec donneur vivant fonctionnent mieux et plus longtemps que celles réalisées à partir d'un donneur décédé.
C'est aussi le traitement le moins onéreux pour le système de santé. Le coût global de la prise en charge des patients souffrant d'insuffisance rénale terminale se chiffre à 4 milliards d'euros par an, plus de 80% de cette somme étant consacrée à la dialyse. Les 3 000 greffes de rein réalisées chaque année font économiser à l'Assurance maladie 90 millions d'euros.
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« Les patients ne sont pas informés du meilleur traitement dont ils pourraient bénéficier »
Renaloo profite des 60 ans de la première greffe de rein au monde pour lancer une campagne de sensibilisation délibérément optimiste et festive déclinée sous la forme d'un spot télé et web, d'affiches et d'annonces (les espaces publicitaires et la campagne ont été offerts gracieusement)[2]. L'idée est à la fois de témoigner une profonde reconnaissance aux donneurs, et aux professionnels de santé qui rendent possibles ces greffes. C'est aussi l'occasion de faire connaître la transplantation : « les patients ne sont pas informés du meilleur traitement dont ils pourraient bénéficier » déclare Yvanie Caillé, fondatrice de Renaloo, qui a elle-même bénéficié d'un greffe de rein à partir de donneur vivant.
Les témoignages montrent que cette option n'est effectivement connue, ni des patients, ni des familles, et rarement proposée (ou du moins évoquée) par les néphrologues, ou trop tardivement dans l'avancée de la maladie. Un certain retard français qui se ressent au niveau de l'organisation hospitalière : en France, une dizaine d'équipes parmi les 44 pratiquant la greffe rénale, réalise à elle seule 65% de toutes les greffes rénales de donneurs vivant, tandis que 25 n'en font qu'entre 0 et 5 au cours de l'année.
Citer cet article: Greffe rénale avec donneur vivant : la France à la traîne, faute d'information - Medscape - 27 déc 2012.
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