Dépistage du cancer du poumon : nouvel outil, nouvelles cibles

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

23 novembre 2012

L'ABC du dépistage individuel du cancer du poumon suite à l'essai NLST

Les experts français sont favorables au dépistage individuel du cancer du poumon par scanner basse dose chez les patients à haut risque. L'ABC de ce dépistage.
23 novembre 2012

Lyon, France - Jusqu'ici le dépistage individuel du cancer du poumon n'était pas recommandé. Mais, depuis peu la donne a changé. L'Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT) et le Groupe d'Oncologie de Langue Française (GOLF) préconisent désormais le dépistage individuel de ce cancer par scanner basse dose pour les patients à haut risque, dans un cadre bien précis et après avoir informé le patient des bénéfices et des risques [1].

Ce sont les résultats de l'essai NLST publiés en 2011 qui ont conduit les spécialistes à discuter à nouveau du bénéfice du dépistage du cancer du poumon chez les patients à haut risque. En effet, cet essai sur 53 000 patients à haut risque de cancer du poumon a montré une réduction de la mortalité par cancer du poumon de 20% (p=0,004) et de la mortalité toute cause de 6,7% (p=0,02) lorsqu'un scanner basse dose était réalisé annuellement à la place d'une radiographie classique du thorax [2].

« Cet essai est très bien taillé sur le plan méthodologique, il est franchement positif, et il s'ajoute à une abondante littérature sur le sujet, dans un contexte d'engouement important pour le scanner basse dose dans le cancer du poumon, une maladie qui est effroyable », commente pour Medscape France le Dr Sébastien Couraud (Service de pneumologie, CHU de Lyon, France), rapporteur de l'étude.

Comment adapter ces résultats à la pratique quotidienne ? C'est la question que s'est posée un groupe de travail multidisciplinaire d'une trentaine d'experts (méthodologistes, médecins généralistes, pneumologues, radiologues, chirurgiens thoraciques, oncologues…) organisé sous l'égide de l'Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT), du Groupe oncologie de la Société de Pneumologie de Langue Française (GOLF) et de la Société d'Imagerie Thoracique (SIT) à à l'initiative du Pr Bernard Milleron (ancien médecin des hôpitaux de Paris et Président honoraire de l'IFCT) et du GOLF.

A partir d'une revue systématique de la littérature, les spécialistes ont répondu à différentes questions : Qu'est-ce qu'un scanner basse dose ? Qui faut-il dépister ? Que faire après un dépistage positif ?....Les réponses ont été débattues puis validées par l'ensemble des membres du groupe.

« L'objectif était d'encadrer une éventuelle interprétation individuelle de cet essai et d'essayer de proposer une réponse consensuelle aux praticiens et aux patients qui font la demande d'un dépistage individualisé. Il fallait pouvoir répondre aux questions qui se posaient suite à ces résultats », précise le Dr Couraud.

Qui dépister ?


Les critères de sélection des patients choisis, pour l'instant, sont ceux de l'étude NLST car ils sont les seuls à avoir fait leur preuve de manière prospective. Ils ont également été adoptés par l'ASCO en mai dernier.

  • âge entre 55 et 74 ans ;

  • au moins 30 paquets-années (un paquet par jour pendant 30 ans, deux paquets par jour pendant 15 ans…) ;

  • fumeur ou arrêt du tabac depuis moins de 15 ans ;

  • pas de grave maladie évolutive ;

  • pas d'infection pulmonaire dans les 12 dernières semaines ;

  • accord pour la réalisation de plusieurs scanners ou des investigations complémentaires en cas de résultats anormaux ;

  • accord pour recevoir une aide à l'arrêt du tabac.

« Ces critères pourront être amenés à évoluer car des essais sont en cours (essai NELSON [3]] et UKLS [4]) qui pourront nous amener à réviser ces jugements », a souligné le Dr Couraud.

Qu'est-ce qu'un dépistage positif ?


La notion de dépistage positif de l'essai NLST (tout nodule de plus de 4 mm) n'a pas été retenue par le groupe d'experts car pas assez « contraignante ».

« L'essai NSLT, c'est 24% de tests positifs et parmi ces positifs, il y a 97% de faux positifs. Evidemment, dans une politique de dépistage, ce n'est pas possible », indique Sébastien Couraud.

Les experts ont donc adopté les critères de positivité de l'essai NELSON. Dans l'essai NELSON, un nouveau scanner est réalisé trois mois après le premier pour confirmer ou infirmer la positivité du test. Avec ce truchement, le taux de nodules positifs passe à 2 % avec un taux de faux positifs de deux tiers.

En pratique, un nodule inférieur à 4 mm est négatif. Un nodule supérieur à 10 mm est positif et nécessite une investigation immédiate. Et, entre 5 et 10 mm, ce qui est la situation la plus fréquente, le statut est « dit » indéterminé. La plupart du temps, il s'agit des séquelles d'une infection, d'infection tuberculeuse, d'une tumeur bénigne, d'un artéfact… « Le risque de faux positifs est très important sur ces nodules », explique le pneumologue.

Un nouveau scanner est donc réalisé trois mois plus tard pour suivre son évolution. En cas d'évolution rapide, il est investigué. Et à l'inverse, s'il ne grossit pas, il n'est pas nécessaire de pratiquer des examens inutiles alors que le patient reviendra dans un an pour un nouveau scanner.

Notons que tout nodule en verre dépoli, s'il persiste plus de trois mois, doit faire l'objet d'une consultation chez le pneumologue.

Les experts détaillent, dans leur rapport, la façon de procéder une fois le nodule positif découvert : la place de la fibroscopie, du PET-scan, de la ponction transpariétale, de la chirurgie.

Informer le patient des modalités et des risques du dépistage


Le malade doit être parfaitement informé des modalités : scanner annuel et arrêt du tabac ; des bénéfices : possibilité de détecter un cancer à un stade plus précoce et donc de pouvoir l'opérer. Mais aussi, des risques : possibilité de détecter un nodule qui n'est pas un cancer et qui le conduira peut être inutilement sur la table d'opération, avec de possibles conséquences importantes pour lui et pour sa santé.

Parmi les investigations réalisées lorsqu'un nodule douteux est détecté, le scanner est peu invasif, la fibroscopie bronchique a un taux de complications sévères proche d'1 %, la ponction transpariétale est responsable de pneumothorax dans 20% des cas, et enfin, la chirurgie thoracique est grevée d'une certaine morbidité.

« C'est sur ce point que les patients doivent être informés. Il y a possibilité d'aller jusqu'à l'intervention chirurgicale pour enlever le nodule et de s'apercevoir qu'il est bénin », insiste le Dr Couraud.

Condition n°1 : Arrêter de fumer !

Avant tout, il est essentiel de rappeler au patient qu'il faut arrêter de fumer. Et le pneumologue insiste sur ce point : « L'erreur d'interprétation qu'il faut absolument éviter, c'est que les patients pensent qu'ils peuvent continuer à fumer parce que le cancer va être dépisté. Il faut bien expliquer que le dépistage n'est validé de manière prospective par l'essai NLST qu'associé à une politique individuelle et collective de lutte contre le tabagisme.»


Les frais d'hôtellerie et de déplacement des membres du groupe de travail ont été pris en charge par les laboratoires Roche. Aucun autre lien d'intérêt n'a été rapporté par les auteurs.

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