Une étude danoise montre une moindre mortalité par cancer sous statines.
La consommation de statines avant l'apparition d'un cancer réduirait la mortalité globale et la mortalité par cancer, selon une très vaste étude rétrospective. A confirmer… 15 novembre 2012Copenhague, Danemark - Une nouvelle étude de population rétrospective publiée dans l'édition du 8 novembre du New England Journal of Medicine montre que la prise de statines en amont d'un diagnostic de cancer peut réduire le risque de décès par cancer de 15% et le risque de mortalité globale dans les mêmes proportions [1].
Diverses hypothèses pharmacologiques soutiennent l'idée d'un effet protecteur des statines sur la survenue des cancers. Il s'agit, notamment, de la réduction de l'inflammation, de la néo-vascularisation et/ou de la prolifération cellulaire. Cependant, globalement, jusqu'ici les études ont montré soit une absence d'effets, soit un effet protecteur, notamment sur le cancer du colon, du poumon ou du sein, mais avec un faible niveau de preuves.
La nouvelle étude possède l'avantage de représenter la quasi-totalité de la population danoise, et donc d'avoir une bonne puissance statistique, mais elle n'a pas su éviter certains biais.
« Les patients traités par statines et les patients non traités n'étaient pas forcément comparables sur des critères associés à la mortalité, ce qui a pu biaiser les résultats », a indiqué le Dr Caporaso (National Cancer Institute, Bethesda)dans un éditorial accompagnant l'article [2].
Une réduction de la mortalité liée au cancer pour 13 types de néoplasies
L'étude de Sune F. Nielsen et coll de l'Université de Copenhague a été menée à partir des registres informatisés danois d'état civil, du cancer et des prescriptions médicamenteuses. Les chercheurs ont évalué la mortalité chez l'ensemble des patients danois qui avait reçu un diagnostic de cancer entre 1995 et 2007 et les ont suivis jusqu'à décembre 2009. Au total, les données ont porté sur 18 721 patients âgés d'au moins 40 ans qui recevaient régulièrement de statines avant le diagnostic du cancer et sur 277 204 non utilisateurs.
L'équipe a constaté que les utilisateurs de statines versus les non-utilisateurs ont une baisse de risque de 15 % de décès par cancer et de décès toutes causes confondues (RR : 0,85 ; IC 95% : 0,82 à 0,87 et respectivement de 0,85 ; IC 95% : 0,83 à 0,87) (p<0,001).
Les différences sont significatives après ajustement pour l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, le lieu de résidence, le stade de la maladie néoplasique au diagnostic, les traitements reçus, les maladies cardiovasculaires ou le diabète.
La réduction de la mortalité liée au cancer chez les utilisateurs de statines a été observée pour 13 types de cancer sur les 27 étudiés.
Pour le Dr Caporaso, même si ces résultats suggèrent que dans la plupart des cas, il existe une « baisse substantielle et consistante » de la mortalité à travers les différents groupes de cancers, un effet dose-réponse net (baisse de la mortalité avec l'augmentation des doses) ne ressort pas.
Une forte puissance statistique mais des limites significatives
Avec 295 925 patients cancéreux, la puissance de l'étude est suffisante pour évaluer « même les types de cancer les moins courants, avec un biais de sélection limité qui permet de généraliser les données au moins au Danemark, puisque virtuellement, l'ensemble de la population est représentée par la base de donnée », souligne le Dr Caporaso.
Cependant, l'étude présente des biais importants. Les informations sur le tabagisme, par exemple, ne sont pas disponibles alors qu'elles peuvent influencer l'utilisation des statines, le risque cardiovasculaire, l'incidence du cancer et la mortalité.
Aussi, les données sur les types et les protocoles de chimiothérapie ou de radiothérapie sont manquantes pour 72 % des utilisateurs de statines et pour 29% des non utilisateurs.
De plus, il ne peut être exclu que les personnes ayant bénéficié des statines n'ont pas eu une meilleure surveillance médicale que les autres.
Enfin, il faut souligner que ces conclusions sont en contradiction avec les études randomisées conduites avec les statines sur le risque cardiovasculaire qui n'ont pas retrouvé d'influence de la prise de ces médicaments sur l'incidence des cancers ou sur la mortalité par cancer.
Faut-il lancer un essai clinique randomisé ?
Sur cette question, les avis des auteurs et de l'éditorialiste divergent.
Pour Nielsen et coll., il est temps d'entreprendre un essai thérapeutique prospectif pour déterminer si un traitement adjuvant par statines permet de prolonger la survie des patients atteints de cancer.
En revanche, pour le Dr Caporaso, l'essai thérapeutique est prématuré : « Les auteurs suggèrent de passer à l'essai clinique mais étant donné les questions soulevées et la nécessité de vérifier et d'affiner l'hypothèse, il serait particulièrement utile de reprendre les données des essais et des cohortes avec les statines à la lumière de cette étude, pour déterminer la statine, la dose et la durée de traitement optimales à retenir pour un essai clinique convaincant sur cette importante question de santé publique.»
Les liens d'intérêts des auteurs sont consultables sur le site du NEJM. |
Citer cet article: Un traitement adjuvant par statines pour réduire la mortalité par cancer ? - Medscape - 15 nov 2012.
Commenter