Mediator : risque de valvulopathie plus que triplé chez les diabétiques

Vincent Bargoin

13 novembre 2012

Amiens, France - Le Médiator®, mis en cause dans des valvulopathies sévères, apparait par ailleurs associé à un sur-risque important de régurgitation de bas grade. C'est la conclusion à laquelle abouti une étude française, menée chez des diabétiques asymptomatiques, et qui montre en substance qu'une régurgitation valvulaire au niveau du cœur gauche, est 3,55 fois plus fréquente parmi les sujets exposés au benfluorex durant au moins 3  mois, que parmi les sujets jamais exposés [1].

Pr Christophe Tribouilloy

Interrogé par heartwire, le Pr Christophe Tribouilloy (CHU d'Amiens), premier auteur de la publication, estime que ce résultat, « basé sur une méthodologie acceptable », correspond à « ce que l'on s'attendait à trouver : le benfluorex peut induire des lésions valvulaires. ». L'étude était clairement tournée vers les régurgitations de bas grade. « Le danger serait que l'on interprète ces résultats comme indiquant que l'on ne trouve pas de fuites sévères », avertit d'ailleurs le Pr Tribouilloy. « Ce n'était pas le but de l'étude ».

Après, reste bien sûr la question de l'évolution de ces fuites. Cette question est posée par l'étude REFLEX, (Recherche sur l'évolution des fuites valvulaires et benfluorex), actuellement en cours, et qui vise à suivre un millier de patients exposés au benfluorex entre 2006 et 2009, et présentant des images de valvulopathies de grade 1 ou plus. Dans une allusion à ce travail, les auteurs du papier de Circulation concluent d'ailleurs que « l'histoire naturelle des anomalies valvulaires induites par le benfluorex demande des recherche supplémentaires ». On saura alors de manière inattaquable à quoi s'en tenir quant à l'impact du Médiator® sur la santé publique.

Les fuites aortiques en première ligne

Les résultats publiés dans Circulation portent sur 293 diabétiques ayant pris du Médiator® durant au moins 3 mois depuis le 1er janvier 2000 (durée moyenne : 61,2 mois), comparés à 293 diabétiques n'ayant pas pris de Médiator®. Les sujets de ces deux populations ont été sélectionnés et appariés à partir de groupes de 376 sujets, exposés ou non au Médiator® - les patients ayant reçu des traitements également susceptibles d'induire des valvulopathies (alcaloïdes de l'ergot de seigle, fenfluramine/phentermine, dexfenfluramine, pergolide) ont été exclus. L'appariement sur l'âge, le sexe, l'IMC, le tabac, la dyslipidémie, et l'HTA, a été effectué selon des scores de propensité, qui permettent de tenir compte de l'absence de randomisation.

Les 376 patients exposés au benfluorex ont été inclus prospectivement, après avoir été adressés entre février 2010 et septembre 2011 par un médecin de ville à l'un des 10 centres experts ayant participé à l'étude, pour échocardiographie. Mais il s'agissait de patients asymptomatiques - comme, d'ailleurs, les sujets contrôles, non exposés. « Ces patients n'avaient à priori aucune atteinte valvulaire », résume le Pr Tribouilloy.

L'échographie a été interprétée en aveugle. Parmi les diabétiques appariés, une fuite valvulaire (mitrale et/ou aortique) a été mise en évidence chez 31% des patients (24% de fuites de grade 1 ; 6,8% de fuites modérées). Parmi les diabétiques non exposés au benfluorex, la prévalence des fuites est de 12,9% (OR=3,55 ; IC95% [2,03-6,21]).

S'agissant des fuites aortiques, le risque relatif monte à 5,29 [2,46-11,4]. S'agissant des fuites mitrales, le risque est de 2,38 [1,27-4,45].

Rechercher systématiquement la prise de Médiator chez les diabétiques

Ces résultats paraissent concordants avec les données dont on disposait jusqu'à présent. Ainsi, dans l'étude rétrospective de Weill, en 2010, un risque d'hospitalisation pour régurgitation accru d'un facteur 3 était signalé parmi les sujets exposés au benfluorex, ainsi qu'une augmentation d'un facteur 4 du risque de chirurgie valvulaire [2]. Les évaluations de l'Inserm chiffrent par ailleurs à 3100 le nombre d'hospitalisations pour valvulopathie liée au benfluorex, avec un nombre de décès qui pourrait atteindre 1300 (hypertensions pulmonaires non inclues) [3].

Les derniers chiffres publiés dans Circulation ne permettent quant à eux « aucune projection », souligne le Pr Tribouilloy. Par ailleurs, « ils n'interfèrent pas avec les discussions en cours sur les indemnisations », du moins tant que des données solides ne sont pas disponibles sur l'évolutivité d'une fuite de grade 1 liée au benfluorex.

Dans l'immédiat, ces chiffres apportent une confirmation supplémentaire à la recommandation de poser systématiquement la question aux patients : « avez-vous pris du Médiator® ? ». D'autant que, comme le souligne le Pr Tribouilloy, « beaucoup de gens ne s'en souviennent pas ».

Les auteurs du papier de Circulation déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêt en rapport avec le sujet.

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