Confirmation de la sortie de l'HTA sévère des ALD: esquisse de plan B

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

31 octobre 2012

Le Conseil d'Etat confirme la suppression de l'HTA sévère de la liste des ALD

Le Conseil d'Etat n'a pas sauvé l'ALD « HTA sévère ». La riposte des associations de patients et des professionnels de santé s'organise. Commentaires du Pr Blacher.
31 octobre 2012

Paris, France - Médecins et patients cherchent déjà de nouvelles solutions après la décision du Conseil d'Etat de confirmer la suppression de l'hypertension artérielle sévère de la liste des affections de longue durée[1].

Non sans une certaine ironie, c'est le lundi 29 octobre, Journée de la prévention des AVC, que le Conseil d'Etat a annoncé le rejet du recours déposé par trois associations de patients (Alliance du cœur, le Collectif Inter-associatif Sur la Santé et l'Association des accidentés de la vie/FNATH) fin juin 2011. La juridiction suprême de l'ordre administratif a estimé que cette mesure ne portait atteinte à aucun droit ni principe inscrits dans la loi ou dans la constitution.

« Cette décision était assez attendue car le Conseil Constitutionnel a validé le caractère institutionnel de la loi. En revanche, il s'agit d'une loi scélérate, qui ne s'appuie pas sur des arguments professionnels. Si les dépenses de santé ne sont pas tenables, il faut réfléchir de façon pondérée à ce qu'il est possible de dérembourser et mettre en place des évaluations médico-économiques », a commenté le Pr Jacques Blacher (Université Paris Descartes ; AP - HP ; Centre de Diagnostic et de Thérapeutique, Hôpital Hôtel-Dieu, Paris) pour Medscape.fr.

Pour rappel, les trois associations d'usagers ont déposé un recours fin juin 2011 (voir encadré ci-dessous) suite à la publication au Journal Officiel du décret supprimant de la liste des affections de longue durée (ALD), l'hypertension artérielle sévère, au motif que l'hypertension sévère était un facteur de risque et non une maladie avérée.

Un argument rejeté par les associations patients et les professionnels de santé. « La justification avancée dans le décret, à savoir que c'est la seule affection de longue durée constituant un facteur de risque et non une pathologie avérée, semble plus tenir du prétexte que de la justification scientifique. Il suffit de soigner quelques hypertendus sévères pour avoir la certitude que ces malades sont des malades et non pas des gens en bonne santé porteurs d'un « simple » facteur de risque », écrivait le Jacques Blacher dans un éditorial publié dans la revue Sang Thrombose Vaisseaux en 2011.

Les associations de patients appellent le gouvernement à revenir sur cette décision


Dans un communiqué de presse datant du 31 octobre [2], le collectif des trois associations réagit à la décision du Conseil d'Etat et invite le gouvernement revenir sur cette décision : « Même si les associations sont déboutées, le contenu de l'arrêt invite à ce que l'HTA sévère soit réintégrée dans la liste des ALD par la nouvelle ministre des Affaires sociales et de la Santé. Nos associations demandent ainsi au Gouvernement de réintégrer l'HTA sévère à la liste des ALD. Enfin, cinq ans après l'avis de la Haute Autorité de Santé rendu en décembre 2007 et réclamant la nécessité d'une politique publique cohérente en matière d'ALD, les associations réclament un traitement global de la question. »

« Je pense qu'il est important de ne pas laisser passer et de demander à la Ministre des Affaires sociales et de la Santé de s'emparer du dossier », a approuvé le Pr Blacher.

Une nouvelle ALD pour l'hypertension dite résistante ?


En parallèle, les spécialistes regroupés au sein du Comité français de lutte contre l'hypertension espèrent convaincre le gouvernement de créer une nouvelle affection de longue durée pour l'hypertension dite résistante. Cette nouvelle définition concernerait les patients dont la pression artérielle n'est pas contrôlée malgré 3 médicaments anti-hypertenseurs. Elle ouvrirait à ces patients la possibilité d'avoir un parcours de soin dédié dans l'objectif de diminuer leur risque cardiovasculaire à court et à moyen terme.

« Il a y actuellement un groupe de travail qui se réunit à la Direction Générale de la Santé à l'initiative des spécialistes de l'hypertension et notamment du Pr Joël Ménard, qui a demandé à discuter avec législateur. L'objectif est de trouver une façon d'évoluer vers une situation intermédiaire en ne sélectionnant que les patients qui justifieraient de façon indiscutable d'une prise en charge à 100% », a précisé le Pr Blacher.

Rationnel du recours : une mesure injustifiée et inégalitaire

Dans le cadre de leur recours, les trois associations ont fait notamment valoir que :

-une telle décision ne peut être prise sans consultation des instances démocratiques ;

-selon les sociétés savantes, l'HTA sévère présente aussi les caractéristiques d'une maladie ;

-la suppression d'une ALD est de nature à alourdir le reste-à-charge des malades et constitue de ce fait une violation des exigences constitutionnelles (protection de la santé).

Autre argument majeur avancé par les associations: l'inégalité de traitement entre les hypertendus sévères diagnostiqués avant et après le 24 juin. Les premiers continuant à bénéficier de la prise en charge et les derniers restant sur le carreau. Le remboursement des traitements à 65% pour les patients diagnostiqués depuis lors, peut poser problème aux personnes dépourvues de mutuelle, et constitue de toutes façons une entorse au principe de l'égalité face aux soins.

L'Assurance maladie attend une économie de 20 millions d'euros par an de la suppression de cette ALD, mais le Pr Blacher, comme d'autres, s'interroge sur son réel impact à moyen et à long terme : « Il faut évaluer, non pas seulement le gain financier à court terme de la suppression de l'HTA sévère de la liste des ALD, mais aussi juger de son impact à moyen et à long terme. Aussi, personnellement, je pense qu'il est important de préserver le système de solidarité qu'est la Sécurité Sociale pour les maladies sévères.»



Jacques BLACHER déclare l'absence de participation au capital et l'absence de lien durable ou permanent avec une entreprise. Il déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles en rapport avec les agences HAS et ANSM et avec des entreprises liées aux médicaments (interventions ponctuelles à des congrès, conférences, essais cliniques, expertises, colloques, symposia, et autres réunions), et ceci avec la majorité des entreprises du médicament commercialisant des produits dans les domaines cardiovasculaire et métabolique (ces 3 dernières années, à la sollicitation des laboratoires : AMGEN, ARDIX-THERVAL, ASTRA-ZENECA, BAYER, BRISTOL-MYERS SQUIBB, DAIICHY-SANKYO, DANONE, EUTHERAPIE, GLAXO SMITHKLINE, IPSEN, LILLY, MENARINI, MERCK SERONO, MSD, NOVARTIS, PIERRE FABRE, ROCHE, SANOFI, SERVIER, TAKEDA).

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