Saint-Denis, France - La France, via l'ANSM, met en place un dispositif pour encadrer les prescriptions de médicaments en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces Recommandations Temporaires d'Utilisation (RTU), visant à sécuriser des prescriptions hors AMM, apparaissent comme un modèle novateur, susceptible d'être reproduit dans d'autres pays. Elles sont d'ailleurs relayées et argumentées dans un article du New England Journal of Medicine, signé de Joseph Emmerich, Nathalie Dumarcet et Annie Lorence de l'ANSM [1].
Près de 150 millions de prescriptions hors AMM aux Etats-Unis !
La plupart du temps, et c'est la norme, la prescription d'un médicament se fait dans le respect de son autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle est donc fondée sur un rapport bénéfice/risque positif, ce qui est sensé sécuriser son utilisation. Il arrive cependant que certains médicaments puissent être prescrits en dehors du cadre de leur AMM. La pratique n'a rien de confidentielle, puisqu'elle compterait pour environ 20 % des prescriptions, soit près de 150 millions de prescriptions aux Etats-Unis, selon les auteurs de l'article.
La prescription se fait parfois pour de bonnes raisons : répondre à un besoin de santé publique non couvert, comme pour certaines maladies orphelines, assurer l'accès au médicament à certains sous-groupes de patients non pris en compte dans l'AMM ou encore pour des raisons économiques, on pense à l'Avastin® anti-cancéreux donné en traitement de la dégénérescence liée à l'âge (DMLA) car d'un coût moindre.
Parfois, les raisons de la prescription hors AMM sont beaucoup plus douteuses. L'affaire du Médiator® (benfluorex), à l'origine d'atteintes valvulaires graves et parfois fatales, pour avoir consommé un antidiabétique pris comme un coupe-faim, est dans tous les esprits et soulève la question essentielle de la sécurité d'une prescription non encadrée.
Dans le but de sécuriser le plus possible l'utilisation des médicaments en dehors de l'AMM, la France a récemment fait passer une loi (dite du 29 décembre 2011) où elle introduit la possibilité d'encadrer ces prescriptions par des RTU [2].
« Des mesures ont été prises par les Autorités de régulation, non seulement en France, mais aussi en Europe et dans d'autres pays pour réduire les potentiels dommages que cela pourrait entrainer chez les patients », notent les auteurs de l'article. L'avantage de ce dispositif, c'est de faire d'une pierre deux coups. Puisque, non seulement, il encadre la prescription hors AMM mais « il encourage le développement de nouvelles utilisations pour des médicaments déjà commercialisés et permet une surveillance en termes de bénéfice/risque en vue de nouvelles indications. »
Ce dispositif pourrait avoir une limite : une fois temporairement autorisé, il pourrait être difficile de stopper la prescription d'un médicament dans une indication donnée si une extension d'AMM n'est pas obtenue selon les démarches habituelles après les 3 ans de durée de la RTU. Inversement en cas de rapport bénéfice/risque se révélant non favorable au cours du suivi, une RTU peut à tout moment être interrompue.
Les RTU en 8 points-clés
De quoi s'agit-il [3] ?
Les RTU peuvent s'appliquer à tous les médicaments ayant une AMM en France, prescrits en ville ou à l'hôpital.
Elles sont temporaires et ne peuvent excéder 3 ans.
Elles peuvent porter sur une indication ou des conditions d'utilisation différentes de celles de l'AMM.
Une RTU peut concerner une seule spécialité pharmaceutique ou plusieurs appartenant à un groupe générique ou ayant un mécanisme d'action similaire.
Les RTU sont élaborées par l'ANSM lorsque deux conditions sont remplies :
-l'existence d'un besoin non couvert par une alternative médicamenteuse autorisée en France dans l'indication concernée ;
-un rapport bénéfice/risque du médicament présumé favorable.
Les RTU sont obligatoirement assorties d'un protocole de suivi des patients assurés par le ou les laboratoire(s) concernés, en vue d'améliorer la connaissance sur le médicament et d'inciter le laboratoire à déposer une demande d'extension d'indication.
L'initiative d'engager la procédure d'élaboration d'une RTU relève de la compétence exclusive de l'ANSM. D'ores et déjà, l'Agence annonce avoir « déjà reçu des signalements d'utilisation de médicaments prescrits en dehors de leur AMM et susceptibles de faire l'objet de RTU, et va engager leur évaluation ».
Les prescriptions dans le cadre des RTU peuvent donner lieu à remboursement, après avis de la HAS.
Qui pourra saisir l'ANSM en vue d'une demande de RTU ? :
le ministre chargé de la santé,
le ministre chargé de la sécurité sociale,
la Haute Autorité de Santé (HAS),
l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam),
l'Institut National du Cancer (Inca),
les centres de référence/compétence en charge des maladies rares,
les associations agréées de patients.
Des besoins d'extension théoriquement nombreux
Les besoins d'extension de l'AMM sont théoriquement nombreux. L'ANSM élaborera des RTU en prenant en considération plusieurs critères dont
la qualité des preuves scientifiques,
le caractère innovant et le profil de sécurité du médicament,
le pronostic et la fréquence de la maladie ainsi que l'existence d'essai clinique en France dans l'indication. « Cela semble plus logique de mettre en place une RTU pour une maladie grave que pour une pathologie peu sévère. Bien sûr, les Autorités de régulation aussi bien que les professionnels de santé et les patients seront moins strictes sur le ratio bénéfices/risques dans le cas d'une maladie mortelle sans alternative de traitement » indiquent les auteurs. « C'est la raison pour laquelle, les RTU seront vraisemblablement plus utilisées en oncologie et en hématologie, de même que pour les maladies infectieuses ». De la même façon, une attention particulière sera accordée aux maladies rares.
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Actualités Heartwire © 2012
Citer cet article: Prescription hors AMM : le nouveau dispositif RTU made in France - Medscape - 10 oct 2012.
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