Feuille de route du diabète EASD/ADA moins axée sur la glycémie, plus sur l'individu
La nouvelle feuille de route EASD/ADA sur la prise en charge du diabète de type 2 s'écarte du critère tout puissant de la glycémie pour une prise en charge plus globale de l'individu. 8 octobre 2012Berlin, Allemagne -La nouvelle feuille de route sur la prise en charge du diabète de type 2 rédigée conjointement par l'European Association for the Study of Diabetes (EASD) et l'American Diabetes Association (ADA) [1][2][,3] a été adoptée à l'unanimité par les diabétologues français. La Société Francophone du Diabète (SFD) l'a d'ailleurs reprise à son compte en en assurant sa traduction et sa diffusion [4].
Si les mesures hygiéno-diététiques et la metformine gardent la première place dans la prise en charge de l'hyperglycémie, lorsque les objectifs ne sont pas atteints, les experts reconnaissent qu'il n'est pas possible, sur le seul critère de la glycémie, de choisir un traitement plutôt qu'un autre, leur efficacité étant équivalente.
« En pratique, toutes ces classes thérapeutiques ont un effet comparable sur l'HbA1-c. Il n'y a pas, à ce jour, de super-antidiabétique oral qui ferait mieux que les autres » a commenté en conférence de presse le président de l'EASD, Pr Andrew Boulton (Manchester, RU)
Les experts prônent, donc, « une approche centrée sur le patient » qui prend en compte la personne dans sa globalité. Ils préconisent de choisir la seconde ligne de traitement, non plus en fonction de l'efficacité sur la glycémie, mais, en fonction des différents mécanismes d'action, des effets secondaires, de la préférence du patient et de ses conditions de ressources.
« Ces recommandations sont une très très bonne chose et d'ailleurs, les Français ont longtemps été des défenseurs de cette personnalisation de la prise en charge. Les grandes études ont leur utilité mais elles ne remplacent pas la nuance de l'indication en fonction des niches de patients que vous avez en face de vous. Aujourd'hui, on revalorise la vraie médecine. Les médecins ne sont pas que des techniciens d'application des recommandations ! », a commenté le Pr Jacques Bringer (Chef du service de diabétologie du CHU de Montpellier et doyen de la faculté de médecine de Montpellier) pour Medscape.fr.
Pour rappel, les glitazones (thiazolidinédiones : thioglitazone, rosiglitazone et pioglitazone) qui figurent dans la feuille de route, ont été retirées du marché français.
Pourquoi ce changement de paradigme ?
Soigner la glycémie des diabétiques de type 2 est devenu de plus en plus complexe et sujet de controverse, en raison du nombre croissant d'agents pharmacologiques disponibles, des inquiétudes suscitées par leurs possibles effets indésirables et de nouvelles incertitudes quant aux bénéfices d'un contrôle strict de la glycémie sur les complications cardiovasculaires du diabète.
« Nos recommandations sont moins directives que les précédentes et ne contiennent pas d'algorithme comme auparavant […] Notre intention est d'inciter à prendre en compte le caractère hétérogène et progressif du diabète de type 2, le rôle spécifique de chaque médicament, les facteurs propres au patient et à la maladie qui conduisent à la prise de décision clinique et les contraintes imposées par l'âge et les comorbidités, » indique la feuille de route.
Passage à la bi- et à la trithérapie : comment choisir ?
Ce qui dit la feuille de route :
Lorsque la monothérapie seule ne permet pas d'obtenir ou de maintenir une HbA1c dans les cibles au-delà de trois mois, l'étape suivante devrait être l'adjonction d'un second médicament par voie orale (biguanides, sulfamides hypoglycémiants, métiglinides, glitazones, inhibiteurs DPP4, chélateur des sel biliaires, agoniste dopaminergique, agoniste de l'amyline), d'un agoniste du récepteur GLP-1 ou d'une insuline basale.
S'il n'y a pas de baisse cliniquement significative de la glycémie et après en avoir évalué l'observance, ce médicament devrait être remplacé par un autre ayant un mécanisme d'action différent.
« En raison du peu d'essais disponibles ayant comparé leur efficacité sur le long terme, on ne peut pas formuler de recommandations uniformes sur le meilleur médicament à ajouter à la metformine, » souligne le texte.
Le choix va donc se faire sur d'autres critères parmi lesquels:
La motivation du patient ;
Le poids. Il reste important d'éviter les prises de poids inutiles en sélectionnant au mieux les médicaments et leur dose ;
La tolérance globale (hypoglycémie, effets secondaires gastro-intestinaux, rétention d'eau, risque de fractures) ;
La durée du diabète ;
L'espérance de vie ;
Les comorbidités ;
Les complications cardiovasculaires ;
Les ressources.
En matière de trithérapie, un élément de décision essentiel est l'utilisation d'agents aux mécanismes d'action complémentaires. Augmenter le nombre de médicaments accroît le risque d'effets secondaires et d'interactions médicamenteuses, augmente les coûts et impacte négativement l'observance du patient. Le rationnel, les avantages et les effets secondaires de chaque nouveau médicament doivent être discutés avec le patient.
Propositions de stratégies spécifiques pour cibler de situations particulières
Dans le cadre d'une prise en charge personnalisée, la feuille de route propose des arbres décisionnels dans des situations précises :
Lorsque le but est d'éviter les hypoglycémies, en résumé, les associations recommandées (bi ou trithérapies) n'incluent ni les sulfamides ni l'insuline.
Lorsque le but est d'éviter la prise de poids, seuls les inhibiteurs de DPP4 et les agonistes des récepteurs au GLP1 sont recommandés en association avec la metformine et seulement en bithérapie. L'insuline n'est pas recommandée.
Lorsque le but est de réduire les coûts, les molécules préconisées sont la metformine, les sulfamides et les insulines. Les insulines appropriées sont les insulines humaines NPH et solubles.
La feuille de route accorde également une place privilégiée à la prise en charge des personnes souffrant de comorbidités (maladie-coronaire, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale chronique, dysfonction hépatique, hypoglycémie) mais aussi à la prise en charge de la personne âgée.
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Des études pour élargir la notion d'efficacité du traitement
Les experts alertent sur la nécessité réaliser des études « de grande qualité qui comparent l'efficacité des traitements et non seulement en ce qui concerne le contrôle de la glycémie, mais aussi le coût induit et les éléments d'évaluation qui comptent le plus pour les patients (la qualité de vie, la prévention de la morbidité et de la mortalité, en particulier cardiovasculaires).
Ils soulignent également le manque de données scientifiques sur la notion de permanence de l'effet des traitements (souvent attribuée à la préservation de la fonction des cellules bêta) qui permettrait de stabiliser le contrôle métabolique et de diminuer la lourdeur des traitements ultérieurs pour les patients.
Enfin, ils reconnaissent le besoin de recueillir plus de données cliniques sur « les phénotypes ou autres caractéristiques du patient ou de sa maladie qui permettraient de guider le choix des médicaments. »
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Le Pr Jacques Bringer a des liens d'intérêts avec BMS, Johnson&Johnson, Eli-Lilly, MSD, Novartis, Novo Nordisk et Sanofi. |
Citer cet article: Diabète : désormais on s'attache plus à la personne qu'à l'hyperglycémie - Medscape - 8 oct 2012.
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