Londres, Royaume-Uni - Selon une analyse des données de 13 cohortes européennes, publiée dans le Lancet, le stress professionnel aurait une prévalence de l'ordre de 15%, et serait associé à un accroissement de 20-25% du risque de coronaropathie [1].
Un certain nombre de travaux ont déjà rapportés une telle association, avec des risques relatifs compris entre 1,4 et 2. On peut considérer que l'étude princeps remonte à 1981, avec la publication de résultats obtenus par Karasek dans une population masculine suédoise [2]. Ces résultats ont notamment permis de valider un modèle constamment employé depuis (dit « modèle de Karasek »), qui associe le stress professionnel à la combinaison d'une forte charge de travail avec une autonomie réduite dans l'exécution des tâches.
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Pr Pierre Ducimetière |
Analyse aussi des résultats non publiés
L'analyse publiée dans le Lancet porte sur un total de 197 473 sujets, enrôlés entre 1985 et 2006 dans 13 cohortes européennes constituées au Royaume-Uni, en Finlande, en Belgique, au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas et en France (cohorte GAZEL, des employés d'EDF-GDF). Au moment du recrutement, ces personnes travaillaient, et étaient indemnes de coronaropathie. Leur âge variait entre 38 et 50 ans, et la proportion de femmes, de 17 à 81%.
Sur le plan méthodologique, on remarque deux aspects. Premièrement, les données analysées étaient les données individuelles. Par ailleurs, ces données avaient, pour certaines, déjà été publiées. Mais des données non publiées ont également été inclues dans l'analyse, ceci, afin d'éviter le classique biais de publication, qui favorise évidemment les résultats montrant une forte association entre stress et IDM.
Deuxièmement, pour exclure la causalité inverse (une maladie coronarienne sous-jacente serait la cause du stress), deux analyses ont été réalisées, la première, sur l'ensemble des IDM, la seconde, sur les IDM survenus au moins 3 ans ou au moins 5 ans après l'évaluation du stress professionnel.
3 à 4% du risque de coronaropathie en population attribuable au stress professionnel
Ce stress a été évalué à l'inclusion dans la cohorte, par des questionnaires validés. Au total, 30 124 participants (15%) se sont révélés être dans la double situation d'un travail intensif, et d'une latitude réduite dans l'exécution (peu de marge de manœuvre). Si l'on excepte deux pics à 21 et 22% dans deux cohortes danoises, on note que la prévalence du stress professionnel est très resserrée, autour de 14-15%, dans les différents pays européens. Les conditions de travail d'un pays à l'autre ne sont donc pas particulièrement protectrices ou aggravantes vis-à-vis du stress professionnel.
Durant un suivi moyen de 7,5 ans (1,49 millions de personne.années), 2358 coronaropathies incidentes ont été recensées. Après ajustement pour l'âge et le sexe, le risque relatif associé au stress professionnel par rapport à l'ensemble des autres participants (forte charge de travail et importante latitude d'exécution ou faible charge quelle que soit la latitude d'exécution), était de 1,23 (IC 95% [1,10-1,37]).
On remarque qu'effectivement, le sur-risque s'est révélé plus important dans les études déjà été publiées (1,43 [1,15-1,77]) que dans les études non publiées (1,16 [1,02-1,32]).
En revanche, dans les analyses portant sur les seules coronaropathies apparues après au moins 3 ans, ou 5 ans de suivi, le sur-risque augmente : respectivement 1,31 [1,15-1,48], et 1,30 [1,13-1,50]. L'exclusion d'une causalité inverse renforce donc l'association.
Enfin, l'association entre stress professionnel et coronaropathie incidente demeure quel que soit le sexe, la tranche d'âge, le statut socio-économique, et la région géographique, et après ajustement supplémentaire pour le statut socio-économique, le mode de vie, et les facteurs de risque habituels.
Au total, les auteurs estiment à 3-4% le risque de coronaropathie attribuable au stress professionnel en population.
Rien de pratique à attendre dans l'immédiat
Le Pr Ducimetière pointe un certain nombre de limitations de l'étude, mineures - les données non publiées ont certes été intégrées, mais on n'en connait pas l'exhaustivité - ou plus sérieuses, à commencer par la grande hétérogénéité des 13 cohortes. L'ajustement sur les facteurs de risque classique n'a d'ailleurs pu être effectué que pour 4 études sur 13, relève-t-il.
Résultat : « la démonstration reste un peu fragile », et en toute hypothèse, elle n'est « pas utilisable par la médecine du travail. L'hétérogénéité des études a obligé à baser l'analyse sur un tout-ou-rien, sans seuil défini ».
En pratique, « je vois mal des discussions de santé publique sur la base de ces résultats », résume le Pr Ducimetière, même si l'étude a le mérite de « relancer l'attention sur ce type de facteurs ».
L'étude a été finance par des institutions publiques finlandaises, suédoises, danoises, allemandes, et britanniques, ainsi que par la fondation britannique BUPA, le Wellcome Trust, et le NIH américain. Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêt en rapport avec le sujet. |
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Citer cet article: Relation confirmée entre stress professionnel et coronaropathie - Medscape - 28 sept 2012.
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