Cancer du sein: la notion de facteurs de risque devenue obsolète?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

25 septembre 2012

Cancer du sein : la notion de facteurs de risque obsolète

Jusqu'à preuve du contraire, toutes les femmes sont aujourd'hui à risque de cancer du sein. Exit la notion de facteur de risque ? Explications du Dr P Merviel.
25 septembre 2012

Paris, France - Les facteurs de risque « classiques » des cancers du sein sont-ils toujours autant d'actualité ? La question était posée au Dr Philippe Merviel (Service de gynécologie-obstétrique de médecine de la reproduction, CHU Amiens) lors d'une session des Entretiens de Bichat 2012[1]. Avant d'étayer sa réponse, ce dernier a prévenu que « les facteurs de risque individuels habituels ne pouvant expliquer à eux seuls la forte hausse de l'incidence du cancer du sein, toute femme doit être considérée comme étant à risque ».

Les connaissances acquises sur les facteurs de risques du cancer du sein sont « relativement battues en brèche ». Même si les patientes ne semblent pas présenter un profil à risque, les praticiens « doivent rester vigilants et ne pas négliger un examen des seins », a souligné le gynécologue.

Impact des perturbateurs endocriniens?


Selon lui, il existe d'autres facteurs dont l'effet n'est pas encore évalué. Des perturbateurs endocriniens, en l'occurrence des xéno-œstrogènes, qui « imprègnent doucement la vie courante et la chaîne alimentaire, à travers les pesticides organo-chlorés, les détergents, les peintures ou les plastiques, et qui peuvent avoir un impact sur ces tumeurs oestrogénodépendantes ».

Le taux de cancers du sein survenus par an dans le monde a presque doublé entre 1980 et 2005, passant de 56,8 à 99,7 pour 100 000 femmes, notamment en Europe de l'ouest et en Amérique du Nord. L'incidence tend toutefois à diminuer depuis 2005, en raison de la baisse de prescription des traitements hormonaux substitutifs (THS) de la ménopause [2].

En France, le cancer du sein touche actuellement une femme sur dix. Il s'agit du cancer le plus fréquent, les 53 000 cas recensés en 2011 représentant près du tiers des cancers. Il est à l'origine de 11 500 décès en 2011, mais le taux de mortalité diminue depuis près de 15 ans, grâce à un dépistage plus précoce et une amélioration des traitements.

Rappel des facteurs de risque connus

Les facteurs de risques sont connus et ont fait l'objet de nombreuses études. Il s'agit notamment de l'âge, des antécédents familiaux, de facteurs hormonaux (règles précoces, avant 12 ans, ménopause tardive, après 50 ans, absence de grossesse ou grossesses tardives après 35 ans, absence d'allaitement), de la consommation d'alcool et de tabac ou encore de l'Indice de masse corporelle (IMC).


« Au fur et à mesure de nos consultations au CHU d'Amiens, il est apparu que les femmes atteintes d'un cancer du sein ne répondaient pas majoritairement à ces critères", certaines d'entre elles ayant eu par exemple plusieurs enfants à un jeune âge, explique le Dr Merviel.

Alerté par cette évolution, ce médecin a lancé une petite étude rétrospective chez 194 femmes atteintes d'un cancer de type canalaire infiltrant en 2008. Les résultats ont été publiés en 2011 dans la revue Gynécologie, obstétrique et fertilité[3].

Vigilance à partir de 40 ans


«Notre hypothèse de départ était que, vu la prévalence de ce cancer, la notion de risque pour le cancer du sein devenait obsolète », précise le gynécologue dans son abstract. Près des deux tiers des femmes (64,4%) de l'étude ont été diagnostiquées entre 50 et 75 ans, tandis que 44 d'entre elles (22,6%) étaient diagnostiquées entre 40 et 50 ans, avant l'âge du dépistage systématique. Le mode de découverte de la lésion mammaire était par palpation dans près de 40% des cas.

Les femmes ont été classées en deux groupes selon les facteurs de risque, l'un à faible risque, l'autre à fort risque. Le groupe de faible risque rassemble les femmes de moins de 50 ans, ayant eu deux grossesses à terme (ou plus), dont une première grossesse avant 30 ans, sans antécédent familial, tandis que le groupe à fort risque rassemble les femmes de 50 ans ou plus, sans grossesse ou une seule à terme après 30 ans et au moins un antécédent familial.

Alors que la majorité des femmes incluses aurait dû figurer dans le groupe à haut risque, l'analyse des deux groupes montre que la proportion de femmes atteintes d'un cancer présentant un faible risque (12%) est significativement comparable à celle à fort risque (18,5%), « ce qui relativise le poids relatif de ces différents facteurs de risque », commente le Dr Merviel.

Concernant la série entière, « l'âge, le surpoids et les antécédents familiaux apparaissent comme les facteurs de risque les plus importants ». Chez les femmes qui, a priori, présentaient un faible risque, « les facteurs qui semblent influer sur la survenue d'un cancer du sein sont l'âge précoce des premières règles, l'âge tardif de la ménopause et la prise de contraceptifs oraux, auxquels s'ajoute le tabagisme ».

Chez les femmes à fort risque, un risque accru est associé « à l'âge précoce des premières règles, la nulliparité et l'absence d'allaitement », indique le gynécologue.

Faut-il, pour autant, dépister plus tôt?


Même si le dépistage organisé du cancer du sein s'adresse aux femmes de 50 à 74 ans, le dépistage individuel est déjà fréquemment prescrit par les médecins généralistes ou les gynécologues avant cette tranche d'âge puisque « 47% des femmes de 40 et 49 ans ont pu bénéficier d'une mammographie dans les deux dernières années », rappelle le Dr Merviel.

« Les incidences du cancer du sein entre 45 et 50 ans et entre 50 et 55 ans sont proches. Il faut donc rester vigilant à partir de 45 ans, voire 40 ans, en particulier sur l'examen clinique des seins et prescrire un dépistage avant 50 ans chez les femmes aux seins denses, aux antécédents familiaux ou à celles qui ont pris du poids entre 35 et 50 ans », a-t-il conclu.

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