Un décret visant à anticiper les ruptures d'approvisionnement en préparation
Un décret tendant à anticiper les ruptures d'approvisionnement des médicaments est actuellement à l'étude. Il prévoit d'obliger l'industrie pharmaceutique à prendre certaines dispositions pour éviter ces ruptures. 24 septembre 2012Paris, France - C'est un fait : les ruptures d'approvisionnement des médicaments en officine sont légion ces dernières années. Pour y pallier, la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, en son article 47, a prévu de mettre en place une série de dispositifs afin d'assurer la continuité des soins en cas de rupture d'approvisionnement [1]]. Un projet de décret, dont Medscape France s'est procuré une copie, relatif à cet article 47 de la loi de renforcement de la sécurité des médicaments, est actuellement en cours d'examen à la Direction générale de la santé (DGS) [2].
Il a d'ores et déjà fait l'objet d'un avis rendu le 20 juillet dernier par l'autorité de la concurrence [3]. Mais pourquoi donc l'autorité de la concurrence a-t-elle eu à se prononcer sur un texte qui concerne avant tout la gestion des risques sanitaires ? Tout simplement parce que ce décret impacte en partie l'organisation de l'industrie pharmaceutique.
Plan de gestion des pénuries
En effet, il prévoit, entre autres, la mise en place d'un plan de gestion de la pénurie. Pour les médicaments dits «d'intérêt thérapeutique majeur», l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pourra exiger du laboratoire titulaire de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce médicament «la mise en place d'un plan de gestion des pénuries». Ces médicaments, dont la liste n'a pas été établie, sont ceux dont «une rupture de leur approvisionnement met en jeu le pronostic vital des patients». Devraient y figurer les antirétroviraux, les anticancéreux et les antibiotiques. Pour ces médicaments, les laboratoires seraient amenés à constituer des stocks, des sites alternatifs de matières premières, et l'identification de spécialités de substitution.
Dispositifs relatifs à l'exportation
Afin de contrôler l'exportation de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, le projet de décret prévoit également l'interdiction du cumul des activités de grossiste-répartiteur et de distributeur en gros à l'exportation. Par ailleurs, les grossistes-répartiteurs ne seraient habilités à distribuer leurs médicaments qu'à d'autres grossistes-répartiteurs.
Néanmoins, lorsque les grossistes-répartiteurs ont approvisionné le marché national, il leur est permis d'exporter les médicaments «pour lesquels une rupture n'a jamais été mise en évidence».
Pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur destinés à l'exportation, le grossiste-répartiteur doit indiquer aux laboratoires qui les exploitent, les quantités revendues ou destinées à la revente en dehors du territoire national.
Dispositif d'information
Le projet de décret prévoit également des obligations en matière d'information. En cas de rupture d'approvisionnement l'exploitant pharmaceutique devra obligatoirement en informer l'ANSM.
De même, les exploitants pharmaceutiques devront disposer de centres d'appels d'urgence permanents accessibles aux pharmacies d'officine ainsi qu'aux pharmacies à usage intérieur (pharmacies hospitalières, établissements de santé). Le grossiste-répartiteur sera également tenu d'informer l'exploitant de toutes ruptures d'approvisionnement.
Obligation des grossistes répartiteurs
Le décret indique que chaque grossiste-répartiteur doit prévoir dans son stock de médicaments commercialisés en France l'ensemble des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur fixé par l'ANSM. Le texte renforce par ailleurs «l'obligation faite au grossiste-répartiteur» de participer au système d'astreinte le week-end.
L'autorité de la concurrence a jugé que le plan de gestion des pénuries «ne comporte pas de difficultés au regard du droit de la concurrence».
En revanche l'autorité est plus réservée sur l'interdiction à l'exportation d'un médicament «qui ne pourrait être délivré dans un délai de 72 heures» sur le territoire national. «De telles dispositions doivent être justifiées dans leur principe et proportionnées dans leurs modalités au regard de l'objectif de santé publique poursuivi. Au regard des principes du droit de la concurrence, et notamment du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, des dispositions ayant pour effet d'empêcher toute exportation (directe ou indirecte) de médicaments par les grossistes-répartiteurs et distributeurs en gros à l'exportation pourraient apparaître comme disproportionnées ».
L'autorité conseille d'assouplir ce dispositif, notamment sur les modalités d'établissement de la liste des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Elle recommande également de limiter les obligations d'information des grossistes répartiteurs, aux laboratoires pharmaceutiques, en matière d'exportation de médicaments. Enfin, elle recommande aux pouvoirs publics de prendre en charge la gestion des centres d'appel d'urgence, plutôt que de la confier aux laboratoires.
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Citer cet article: Trop de ruptures d'approvisionnement : un décret en préparation - Medscape - 24 sept 2012.
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