Toutes les grandes villes françaises au-dessus des normes de pollution de l'air de l'OMS

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

18 septembre 2012

Les villes françaises au-dessus des normes OMS de pollution atmosphérique dans Aphekom

Nos grandes villes sont trop polluées. L'étude Aphekom sur l'impact médico- économique de la pollution de l'air urbain montrent qu'une meilleure qualité de l'air sauverait des milliers de vies.
18 septembre 2012

Paris, France —L'Institut national de veille sanitaire (InVS) publie les résultats spécifiques aux neuf agglomérations françaises suivies dans le projet européen Aphekom : Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rouen, Strasbourg et Toulouse et arrive aux mêmes conclusions sur l'impact de la pollution atmosphérique. [1]

Un projet dans 12 pays européens


Le projet de recherche Aphekom (Improving Knowledge and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe) porte sur les effets sanitaires et économiques de la pollution atmosphérique urbaine en Europe. Ses premiers résultats, présentés en mars 2011 montraient notamment que diminuer les niveaux de particules fines dans l'air des villes européennes entraînerait un bénéfice non négligeable en termes d'augmentation de l'espérance de vie et de réduction des coûts pour la santé. [2]

Coordonné par l'InVS, le projet Aphekom a duré près de trois ans. Il a rassemblé 60 scientifiques originaires de 12 pays européens qui ont travaillé ensemble pour estimer l'impact de la pollution de l'air sur la santé des 39 millions d'habitants des 25 villes européennes participant au projet.

L'objectif était de fournir des clés aux décideurs pour qu'ils « puissent définir et mettre en place des politiques plus performantes, que les professionnels de santé puissent mieux conseiller les personnes à risque et que l'ensemble des citoyens puissent mieux protéger leur santé », indique l'InVS.

Le projet Aphekom a utilisé la méthode d'évaluation d'impact sanitaire (EIS) qui permet d'estimer dans une population donnée un nombre d'événements sanitaires ou d'années de vie perdues, à court ou à long terme, attribuables à la pollution atmosphérique urbaine.

2004-2006 : les villes françaises au-dessus des seuils


Neuf villes françaises qui représentent 12 millions d'habitants, dont 6,5 millions dans la zone de Paris ont participé au projet européen Aphekom.

Les résultats montrent que les niveaux de pollution actuellement observés dans ces villes ont un impact important sur la santé des habitants.

La qualité de l'air a été estimée à partir de la mesure des niveaux moyens de particules en suspension (PM2,5 et PM10) et d'ozone pendant la période 2004-2006. L'étude a évalué l'impact sanitaire de la pollution en termes de mortalité et d'hospitalisations. Elle a également estimé les bénéfices économiques potentiels associés à une réduction des niveaux de pollution.

Toutes les villes étudiées en France présentent des valeurs de particules et d'ozone supérieures aux valeurs guides recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ainsi, pendant la période 2004-2006, le niveau moyen de particules fines (PM 2,5) variait de 14 à 20 microg/m³ selon la ville (valeur guide de l'OMS : 10 microg/m³) et la valeur guide journalière de l'ozone (maximum sur 8 heures : 100 microg/m³) avait été dépassée de 81 à 307 fois pendant ces trois années.

Par comparaison, le niveau moyen de particules fines à Bucarest est de 38,2 microg/ m³, celui de Barcelone de 27 microg/ m³, celui de Rome de 20,9 microg/ m³, celui de Londres de 13,1 microg/ m³ et celui de Stockholm de 9,4 microg/ m³.

Meilleure qualité de l'air : des bénéfices sanitaires et économiques substantiels


En termes de bénéfices sanitaires, si les concentrations moyennes annuelles de PM2,5 respectaient la valeur guide de l'OMS (10 microg/m³), l'espérance de vie à 30 ans pourrait augmenter de 3,6 à 7,5 mois selon la ville, ce qui équivaut à différer près de 3 000 décès par an. Le bénéfice économique associé est estimé à près de 5 milliards € par an.

En outre, près de 360 hospitalisations cardiaques et plus de 630 hospitalisations respiratoires par an dans les neuf villes pourraient être évitées si les concentrations moyennes annuelles de PM10 respectaient la valeur guide de l'OMS (20 microg/m³). Le bénéfice économique associé est estimé à près de 4 millions € par an.

Enfin, une soixantaine de décès et une soixantaine d'hospitalisations respiratoires par an dans les neuf villes pourraient être évités si la valeur guide de l'OMS pour le maximum journalier d'ozone (100 microg/m³) était respectée. Le bénéfice économique associé est estimé à près de 6 millions € par an.

Ces résultats confirment que les effets de la pollution atmosphérique sur la santé sont observés au jour le jour, pour des niveaux moyens de particules fines, en l'absence même de pics de pollution. Ils incitent à poursuivre les efforts dans la mise en œuvre de politiques publiques d'amélioration de la qualité de l'air en France.

Résultats Européens 2008-2011 : des milliers de décès prématurés


Les données récoltées auprès des 25 villes européennes étudiées (39 millions d'habitants) ont révélé que selon la ville et son niveau moyen de pollution, si les niveaux moyens annuels de particules fines (PM2,5) étaient ramenés au seuil de 10 microg/m³, le gain d'espérance de vie à l'âge de 30 ans pourrait atteindre 22 mois.

Le dépassement de la valeur guide de l'OMS pour les PM2,5 se traduit chaque année par 19 000 décès prématurés, dont 15 000 décès pour causes cardiovasculaires 31,5 milliards d'euros en dépenses de santé et coûts associés.

En outre, habiter à proximité de voies à forte densité de trafic automobile pourrait être responsable d'environ 15 à 30 % des nouveaux cas d'asthme de l'enfant, et, de proportions similaires ou plus élevées de pathologies chroniques respiratoires et cardiovasculaires fréquentes chez les adultes âgés de 65 ans et plus. Les coûts associés dépasseraient 300 millions d'euros chaque année, auquel il faut ajouter le coût des aggravations, de l'ordre de 10 millions d'euros par an.

Ces estimations sont plus élevées que celles obtenues lors d'études précédentes. Les auteurs du rapport l'expliquent par le fait « que pour la première fois, Aphekom a pris en compte le fait que la pollution pouvait non seulement aggraver des pathologies chroniques, mais aussi les causer. »

Par le biais d'une revue de la littérature, le rapport européen a également montré que l'application de la législation européenne ayant visé à réduire les niveaux de soufre dans les carburants s'est traduite par des bénéfices en termes de santé et d'argent. Cette législation a permis une diminution marquée et pérenne des niveaux de dioxyde de soufre (SO2) dans l'air ambiant de 20 villes, ayant permis de prévenir près de 2 200 décès prématurés, ce qui représente un gain de 192 millions d'euros.

L'ensemble de ces résultats souligne l'intérêt de mettre en oeuvre des politiques efficaces en matière de pollution atmosphérique, et de les respecter sur le long terme. Auparavant, plusieurs travaux ont montré que les bénéfices prédits d'une diminution des concentrations de PM étaient réellement observés quand les niveaux de PM10 diminuaient effectivement [3,4]

Les publications et vidéos Aphekom sont disponibles sur le site www.aphekom.org.

En France, une obligation réglementaire

En France, la gestion de la qualité de l'air est régie par la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 (Laure) qui reconnaît l'existence d'un impact sanitaire de la pollution atmosphérique et le droit à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Cette loi rend obligatoire la surveillance de la qualité de l'air, la définition d'objectifs de qualité et l'information du public. Elle prévoit la mise en place de Plans régionaux pour la qualité de l'air (PRQA) qui fixent des orientations visant à prévenir, réduire ou atténuer les effets de la pollution atmosphérique. Ils doivent s'appuyer, entre autres, sur une évaluation des effets de la qualité de l'air sur la santé qui peut être obtenue grâce à une démarche d'évaluation de l'impact sanitaire.


Le projet a été co-financé par le programme européen d'action communautaire dans le domaine de la santé publique (2003- 2008) : convention de subvention n°2007105, et par les nombreux organismes locaux et nationaux qui ont dédié des ressources à l'accomplissement du projet.

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