Quand penser à une puberté précoce et conduite à tenir par le Pr C Jeandel
Savoir faire la part de la puberté normale ou précoce est crucial pour traiter afin d'obtenir une taille adulte satisfaisante et un développement psycho-affectif plus harmonieux. Eclairage du Pr C Jeandel. 17 septembre 2012Paris, France — « Les alertes à la puberté précoce relayées par les magazines grand public incitent de nombreux parents à consulter pour des signes de puberté qu'ils jugent inhabituels par rapport à l'âge, mais c'est au médecin de faire la part des choses en se fondant sur une définition précise de cette affection : survenue d'un développement des caractéristiques sexuels secondaires avant l'âge de 8 ans chez la fille et 9 ans chez le garçon.
Ce n'est qu'à l'issue d'un examen clinique, que le médecin décidera s'il est nécessaire de réaliser des explorations et éventuellement, de mettre en place un traitement », explique d'emblée le Pr Claire Jeandel (service de pédiatrie, CHU de Montpellier) à l'occasion d'une session consacrée aux pubertés précoces des Entretiens de Bichat 2012[1].
De la rigueur avant tout
« Lorsqu'un enfant est amené en consultation pour une suspicion de puberté précoce, le médecin généraliste doit garder une rigueur de l'interrogatoire et de l'examen qui lui permettra de mieux définir si un avis spécialisé est nécessaire, car ce dernier n'est pas systématique.
La puberté est-elle réellement précoce ? Est-elle centrale ou périphérique ? Le développement pubertaire va-t-il progresser au point de modifier l'évolution physique et psychoaffective de l'enfant ? Y a-t-il une indication à des examens complémentaires, à un avis spécialisé, à un traitement ? » continue le Pr Jeandel.
Seins, testicules, poils… et croissance
Pour répondre à ces questions, il est essentiel de rechercher chez les filles l'apparition des seins (normale de 8 à 11 ans et demi), celle des poils pubiens (normale 9 ans et demi à 13 ans) et des premières règles (normale de 10 ans et demi à 16 ans). Pour les garçons, on s'intéresse à la taille des testicules (augmentation normale entre 10 et 13 ans), celle du pénis (augmentation entre 11 et 15 ans) et l'apparition des poils pubiens (normale entre 11 ans et demi et 15 ans et demi).
« Mais c'est surtout un pic de croissance de plus de 6 cm en un an qui doit alerter en consultation de médecine générale pour un enfant qui vient pour toute autre raison médicale au cabinet », précise le Pr Claire Jeandel. « Par ailleurs, nous avons aussi appris récemment que la variabilité physiologique et de multiples facteurs influencent le début de l'âge de la puberté : avance séculaire depuis la fin du XIXème siècle dans les pays développés liée à l'amélioration des conditions hygiéno-diététiques, variations ethniques (enfants adoptés), faveurs génétiques familiaux, facteurs nutritionnels et facteurs environnementaux (phyto-oestrogènes, soja, perturbateurs endocriniens) ».
Avant 8 ans chez les filles et 9 ans chez les garçons
En pratique de médecine générale, le praticien doit évoquer la possibilité d'une puberté précoce chez les filles dont les seins se développent avant l'âge de 8 ans et chez les garçons dont le volume des testicules augmente avant 9 ans et demi.
Lorsqu'il existe une puberté précoce, la croissance est presque toujours accélérée et l'âge osseux avancé.
Chez les garçons, les pubertés précoces sont le plus souvent d'origine centrale et à fort risque de lésion hypothalamique alors que chez les filles, elles sont plus souvent en rapport avec une pathologie idiopathique.
Quand faut-il prescrire des explorations ?
Chez les filles : en cas de poussée mammaire avant 8 ans, de pilosité avant 8 ans, de règles avant 10 ans ou de poussée mammaire entre 8 et 9 ans associée à une vitesse de croissance de plus de 6 cm par an, une évolutivité clinique importante (passage d'un stade pubertaire en moins de 6 mois), d'arguments cliniques en faveur d'une pathologie neurogène ou d'une puberté précoce périphérique.
Chez les garçons : en cas d'augmentation du volume des testicules avant 9 ans et demi, de pilosité pubienne avant 9 ans et demi, de développement pubertaire autour de 10 ans sir la vitesse de croissance est de plus de 6 cm par an, s'il existe une évolution d'un stade pubertaire en moins de 6 mois, en cas d'arguments cliniques pour une pathologie neurogène ou une puberté précoce périphérique.
Quels examens ?
L'âge osseux est essentiel. L'os pisciforme apparaît à 9 ans chez la fille et 11 ans chez le garçon et le sésamoïde du pouce à 11 ans chez la fille et 13 ans chez le garçon.
L'échographie pelvienne est utile pour apprécier la maturité utérine.
L'IRM cérébrale fait aussi partie du bilan à la recherche de lésions plus fréquentes en cas de puberté précoce centrale (17 %).
Parmi les dosages sanguins, le test à la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone, ou encore LHRH) est celui qui permet de différentier les formes centrales et périphériques.
Le dosage des stéroïdes sexuels et des gonadotrophines est moins systématique.
En cas de puberté précoce avérée, l'enfant doit être référé au moins une fois à un spécialiste en endocrinologie pédiatrique.
Quel traitement et qui traiter ?
Les agonistes de la GnRH (triptoréline, leuproréline) permettent d'obtenir une désensibilisation des récepteurs hypophysaires à la GnRH. Ils sont délivrés par voie injectable sous une forme mensuelle ou trimestrielle.
Le traitement permet d'améliorer le pronostic de taille (5 cm en moyenne), de suspendre le développement sexuel et de retarder l'apparition des règles. Il contribue aussi à prévenir les difficultés d'ordre psycho-social et scolaire. C'est l'analyse de ces objectifs appliqués à l'enfant qui doit contribuer à la décision thérapeutique.
« Le médecin doit peser avec la famille le rapport bénéfice/risque du traitement. Si aujourd'hui, le recul permet d'affirmer que la molécule est sûre, son utilisation s'accompagne néanmoins d'effets indésirables : bouffées de chaleur, céphalées, majoration de l'IMC.
Mais après l'arrêt du traitement, la masse osseuse sera récupérée et la fertilité restaurée.
Ce traitement est généralement prescrit jusqu'à l'âge physiologique moyen du début de la puberté (11 ans chez la fille, 13 ans chez le garçon) », conclut le Pr Jeandel.
Citer cet article: Croissance de plus de 6 cm en 1 an : penser à une puberté précoce ! - Medscape - 17 sept 2012.
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