Doublement des décès par cancer en cas d'apnées du sommeil : pourquoi ?

Aude Lecrubier, Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

10 septembre 2012

Doublement de la mortalité par cancer en cas de SAS sévère dans une étude de cohorte

Une étude de cohorte multicentrique associe le syndrome d'apnées du sommeil sévère à un quasi doublement de la mortalité par cancer. La nature du lien reste inconnue.
10 septembre 2012

Vienne, Autriche-Une étude présentée à l'European Respiratory Society 2012 (ERS) semble confirmer l'association entre syndrome d'apnées du sommeil (SAS) et mortalité par cancer [1]], suggérée pour la première fois cette année par une étude sur 1500 employés du Wisconsin suivis pendant 20 ans [2].

Par le passé, il a été bien établi que l'hypoxie jouait un rôle important dans la régulation de la formation tumorale et la progression du cancer. Les chercheurs ont donc entrepris d'étudier l'éventuelle association entre le SAS et le cancer.

L'étude de cohorte présentée au congrès a enrôlé 5467 patients provenant de 7 centres du sommeil en Espagne. L'objectif de ce travail était d'étudier le lien entre le SAS et la mortalité par cancer.

La gravité du SAS a été évaluée à l'aide de l'index d'hypoxémie, qui mesure la durée moyenne passée avec une saturation en oxygène inférieure à 90 %.

Les résultats indiquent que la mortalité par cancer est quasiment doublée chez les personnes qui passent plus de 14% de leur temps de sommeil avec une saturation en oxygène inférieure à 90% (SAS sévère) par comparaison aux témoins (RR=1,94). Cette association est même plus forte chez les hommes et les jeunes. En outre, les participants qui utilisent peu (moins de 4 heures par jour) ou pas la CPAP (ventilation en pression positive) ont une mortalité par cancer multipliée par 2,56.

Effet direct de l'hypoxie ? Cofacteur ?


Les auteurs appellent toutefois à la prudence quant à l'interprétation des résultats : « Nos travaux ont seulement trouvé une association entre ces pathologies mais cela ne signifie pas que le SAS soit la cause du cancer », a indiqué le Dr Miguel Angel Martinez-Garcia (Hôpital Universitaire de Valence La Fe, Espagne) dans un communiqué de presse de l'ERS. 

Le pneumologue espagnol a ajouté en conférence de presse que « tous les résultats qu'il présentait avaient été obtenus de façon rétrospective et qu'ils ne suffisent pas à affirmer le lien entre ces deux pathologies et ce, d'autant plus, que l'existence éventuelle d'une insuffisance respiratoire chronique chez ces patients n'a pas été prise en compte. Or, l'insuffisance respiratoire pourrait elle aussi influer sur la présence majorée de promoteurs de cancers ».

Est-ce le SAS qui augmente le risque de cancer ou l'association du SAS et du cancer qui diminue la survie ? Est-ce l'hypoxie ou la mauvaise qualité du sommeil qui est un facteur de risque de mortalité par cancer ? Ces questions restent entières et l'étude américaine présentée plus tôt cette année à l'American Thoracic Society 2012 International Conference n'apporte pas plus de réponses.

Dans l'étude qui a suivi plus de 1500 travailleurs du Wisconsin pendant 20 ans, le SAS a été associé à une augmentation de la mortalité par cancer (RR=4,8, IC 95% : 1,7 à 13,2 ; p=0,0052). Le risque relatif de mortalité par cancer s'échelonnait de 2,9 en cas de SAS modéré à 8,6 en cas de SAS sévère.

A l'occasion d'une conférence de presse, le Pr Michael Stundnicka (Salzbourg, Autriche), co-président du congrès de l'ERS a estimé que « l'hypoxie induite par le SAS pourrait participer à la production de facteurs angiogéniques qui pourraient influer le développement de lésions précancéreuses. Mais il ne s'agit là que d'une hypothèse qui n'a pas été encore prouvée ».

Deux autres études montrent un lien entre SAS et cancer


En parallèle, les résultats d'une seconde étude longitudinale sur près de 9000 patients, également présentés à l'ERS 2012, ont montré que même après ajustement pour l'âge, le sexe, le poids et d'autres comorbidités, les patients souffrant de SAS avaient plus de risque de développer un cancer de tous types [3][4].

Là encore, les auteurs ont indiqué que de nouvelles études étaient nécessaires pour corroborer ces résultats et analyser le rôle de la ventilation à pression positive continue (CPAP) sur cette association.  

Enfin, une troisième étude réalisée sur un modèle de souris atteint de mélanome a cherché à déterminer s'il existait une association entre la dissémination du cancer et le SAS [5] [6]. Il est apparu que la dissémination du cancer (nombre de métastases pulmonaires) était plus forte chez les 13 souris qui avaient subi une hypoxie intermittente, avec des faibles taux d'oxygène comme dans l'apnée du sommeil, par rapport aux 15 souris témoins.

Des données qui « encouragent à mener de nouvelles études dans ce domaine afin de comprendre plus en détail le lien entre SAS et cancer », a commenté le premier auteur de cette dernière étude, le Pr Ramon Farre (Université de Barcelone, Espagne).

A l'occasion d'une conférence de presse, le Dr Miguel-Angle Martinez-Garcia a ajouté qu' « une étude sur des patients atteints de phase précoce de mélanomes a été mise en place. Son objectif est de rechercher un éventuel lien entre SAS et vitesse de prolifération ou temps de doublement de la taille des lésions. Le choix du mélanome a été fondé sur son évolution particulièrement rapide qui pourrait permettre de répondre rapidement à la question posée ».

Les auteurs n'ont pas déclaré de liens d'intérêt en rapport avec le sujet.

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