Munich, Allemagne — « La spironolactone devrait être envisagée comme option thérapeutique chez les patients présentant une insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée » a avancé le Pr Burkert Pieske (Graz, Autriche) qui a présenté les résultats de l'étude ALDO DHF (Aldosterone Receptor Blockade in Diastolic Heart Failure) en session Late Breaking au congrès de l'ESC 2012[1].
Les anti-aldostérones ont montré des résultats favorables dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée, quel que soit le degré de sévérité des symptômes dans EMPHASIS HF. Malgré ces données, à ce jour, aucune étude n'avait démontré le bénéfice pour une classe thérapeutique dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée. Cette cause d'insuffisance cardiaque qui reste fréquente, représentant près de la moitié des cas d'insuffisance cardiaque, et encore plus chez le sujet âgé, reste un challenge en termes de prise en charge.
Dans l'étude ALDO-DHF, un antagoniste des récepteurs de l'aldostérone, la spironolactone, a été évaluée versus placebo chez des patients insuffisants cardiaques à fonction systolique avec comme objectif d'évaluer à la fois l'effet sur la fonction diastolique et sur les symptômes.
Une étude multicentrique de validation
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Pr Burkert Pieske |
Les patients ont été randomisés pour recevoir de la spironolactone à 25 mg/jour ou un placebo sur une période de 12 mois.
Les deux co-critères primaires de jugement étaient :
les changements de fonction diastolique : pressions de remplissage du ventricule gauche évaluées par le rapport E/Ea mesuré par doppler tissulaire ;
les changements de la capacité d'exercice (pic de VO2max).
Plusieurs critères secondaires ont été évalués notamment les données échographiques, la qualité de vie et la classe NYHA.
Les patients inclus dans ALDO-DHF étaient âgés en moyenne de 67 ans, 90% étaient hypertendus et 52% étaient des femmes. L'index de masse corporelle moyen était de 29 Kg/m2. La clairance de la créatinine était de 79+19 ml/min. A noter que 44% avaient un NT proBNP < 125 pg/mL.
Les patients recevaient pour 78% un IEC ou un ARA2, 70% un bêtabloquant, 55% un diurétique et 25% un inhibiteur calcique.
« Les patients ayant reçu de la spironolactone ont eu une baisse significatrice du rapport E/Ea mais sans effet sur le pic de VO2 » a expliqué le Pr Pieske.
Le rapport E/Ea est passé dans le groupe spironolactone de 12,7 à 12,1, alors qu'il n'a pas baissé dans le groupe placebo. Cette baisse du rapport E/Ea était homogène à travers les différents sous-groupes.
Le pic de VO2 n'a pas été modifié de manière significative et il est passé de 16,3 à 16,8 ml/min/kg dans le groupe spironolactone.
« Il a également été noté sous spironolactone une diminution significative de l'index de masse ventriculaire gauche et du NT proBNP » a rajouté le Pr Pieske (p respectifs de 0,009 et 0,03). Il n'a pas été retrouvé d'effet sur la classe NYHA ni sur la qualité de vie.
Les données de tolérance étaient attendues. Il n'a pas été noté d'augmentation significative des évènements adverses dans le groupe spironolactone. On note toutefois une faible élévation attendue de la kaliémie sous spironolactone (kaliémie de 4,2 mmol/l sous placebo, versus, 4,4 mmol/l sous spironolactone).
« La spironolactone a donc permis une amélioration des paramètres de fonction diastolique sans effet sur les symptômes » a conclu le Pr Pieske.
Les antialdostérone sont-ils le Saint Graal de l'IC diastolique ?
Le Pr John Cleland (Cottingham, Royaume Uni) a rappelé « qu'à ce jour aucune étude n'a démontré de bénéfice d'une classe thérapeutique sur les symptômes ni sur la mortalité » chez les patients insuffisants cardiaques à fonction systolique préservée. Le bénéfice sur la fonction diastolique noté dans ALDO-DHF est donc intéressant mais doit être analysé avec circonspection.
Le débat porte sur l'effet antihypertenseur de la spironolactone, qui pourrait expliquer le bénéfice noté dans ALDO-DHF. En effet, il a été noté une baisse significative de la pression artérielle sous spironolactone d'environ 8 mmHg pour la pression artérielle systolique et de 2 mmHg pour la pression artérielle diastolique.
« L'effet sur le rapport E/Ea restait significatif même après ajustement pour la pression artérielle » a toutefois indiqué le Pr Pieske. « On pense que c'est l'effet antifibrotique de la spironolactone qui pourrait avoir un bénéfice » a-t-il rajouté. Une hypothèse qu'il reste à prouver…
Y-a-t-il un intérêt à bloquer l'aldostérone chez ces patients ? « La réponse pourrait être donnée par une large étude randomisée en cours, l'étude TOPCAT » a conclu le Pr Cleland.
En attendant, le message reste de contrôler les facteurs favorisants, le premier étant la pression artérielle.
L'étude a été financée par le ministère de l'éducation et de la Recherche en Allemagne. Le Pr Pieske n'a pas déclaré de conflit d'intérêt. Le Pr Cleland a déclaré être consultant pour Pfizer, qui commercialise l'eplérénone. |
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Citer cet article: ALDO DHF : signal positif pour la spironolactone dans l'IC « diastolique » - Medscape - 27 août 2012.
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